Votre Excellence, Abdel Malek SELLAL, Premier Ministre d'Algérie,
Votre Excellence, Dalila Boudjeema,Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
M. Arnold Schwartzenegger, Président fondateur de l'Initiative R20,
L'Honorable Haut Représentant de l'Union africaine,
Excellences, Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Je suis profondément honoré d'avoir été invité à prendre parole à cette conférence unique.
La Conférence ministérielle africaine sur l'économie verte se déroule
au moment où la communauté internationale travaille sur l'élaboration
d'un agenda de développement post-2015 ainsi que sur une nouvelle série
d'objectifs de développement durable.
Cette réunion se
déroule également avant la tenue de la première Conférence mondiale sur
le partenariat pour l'action sur l'économie verte (PAGE) dans les
Émirats Arabes Unis qui aura lieu au début du mois de mars pour appuyer
et promouvoir l'adoption de l'économie verte au niveau international.
Mesdames et Messieurs,
La transition vers l'économie verte est déjà en cours en Afrique.
De l'exploitation de l'énergie géothermique au Kenya et de l'énergie
solaire en Algérie et en Tunisie, à l'investissement aux fonds verts
en Afrique du Sud, et l'élaboration de projets éoliens en Ethiopie;
diverses voies vers des économies plus vertes et plus inclusives sont
menées à travers le continent.
En raison de sa situation
géographique, l'Algérie, par exemple, détient l'un des plus grands
potentiels solaires au monde qui est estimé à 13,9 TWh par an. Le pays
reçoit annuellement une exposition solaire équivalente à 2 500 KWh/m2.
Le potentiel d'énergie solaire journalier varie entre 4.66 kWh/m2 au
Nord à 7,26 kWh/m2 au Sud. L'Algérie est en mesure d'exploiter cet
important potentiel pour réduire les émissions de carbone et soutenir
la production d'énergie propre.
La prochaine vague
d'investissement et d'innovation en Afrique sera motivée par la
nécessité de trouver de nouvelles sources d'énergie, la création de
richesses et d'emplois.
Actuellement, les projections
montrent une accélération générale de la croissance en Afrique
subsaharienne d'environ 5,5 % en 2013-2014, ce qui reflète la forte
demande intérieure et l'accroissement des investissements dans les
secteurs axés sur l'exportation qui sont les principaux moteurs
économiques, selon le rapport 2013 du FMI sur les perspectives
mondiales de l'économie.
Etant donné que le continent se
dirige vers une telle évolution, la comptabilisation de la richesse
et la valorisation des services écosystémiques sont cruciales pour la
croissance future de l'Afrique
Le capital naturel
représente un atout essentiel, surtout pour les pays à faible revenu,
où il représente environ 36 % de la richesse totale, selon des
estimations récentes de la Banque mondiale.
La forêt de Mau
au Kenya, par exemple, fournit des biens et services d'une valeur d'1,5
milliards de dollars US par an à travers l'eau pour
l'hydroélectricité, l'agriculture, l'utilisation touristique et urbaine
et industriel, de même que contrôle de l'érosion et le stockage du
carbone. Les alternatives comptables ont aidé à inciter le gouvernement
du Kenya à investir dans la réhabilitation de la région et ses
services écologiques vitaux.
Le secteur de la foresterie en
Tanzanie représente officiellement près de 2,3 pour cent du PIB,
cependant les recherches suggèrent que si les avantages plus larges
étaient pris en compte, la contribution réelle représenterait plus de
4 pour cent du PIB.
Une nouvelle recherche suggère que la
contribution de la valeur des forêts au PIB de l'Ouganda est d'environ
US $136 millions, ce qui représente environ 4 pour cent du PIB.
Depuis 1995, environ 486 000 opportunités de travail ont été créés en
Afrique du Sud dans les programmes de réhabilitation de
l'environnement. En outre, 85 000 emplois ont été créés dans la
conservation formelle des aires protégées à travers l'élevage extensif
d'espèces sauvages et l'écotourisme.
La comptabilisation et
l'évaluation du capital naturel, ne sont pas des activités marginales,
mais sont au c?ur de la richesse des nations sur lesquelles seront
construites des sociétés durables, équitables et prospères.
Malgré le rythme rapide de développement, les pays de l'Afrique font encore face à des défis persistants.
La croissance rapide de la population urbaine, la mondialisation et
le changement climatique, associés à la nécessité de renforcer la
gouvernance, sont parmi les défis de l'Afrique si son objectif est de
se placer de façon ferme dans la voie du développement durable.
Selon la Banque mondiale, la population de l'Afrique devrait
augmenter d'environ 800 millions de personnes d'ici 2040. Cette
augmentation prévue mettra encore plus de pression sur les ressources
naturelles du continent.
En 2005, la moitié des zones
terrestres les plus biologiquement riches de l'Afrique a diminué de
plus de 5 pour cent en raison des cultures, de la dégradation ou de
l'urbanisation.
Au Kenya, la déforestation a fait perdre
environ 68 millions de dollars US à l'économie du pays en 2010,
négligeant ainsi les avantages économiques d'industries comme la
foresterie et l'exploitation forestière.
Attribuer une
valeur aux ressources naturelles exige également une remise en cause
des liens traditionnels entre l'utilisation des ressources et la
prospérité économique ? la séparation entre les " maux " économiques et
les " biens " économiques.
D'ici à 2050, l'humanité
pourrait consommer environ 140 milliards de tonnes de minéraux, de
minerais, de combustibles fossiles et de biomasse par an - trois fois
sa consommation actuelle- à moins que le taux de croissance économique
soit " découplée " du taux de consommation des ressources naturelles.
Selon un rapport du panel international des ressources,
l'utilisation totale des ressources a augmenté de huit fois, passant
de 6 milliards de tonnes en 1900 à 49 milliards de tonnes en 2000.
En mai 2012, 10 pays africains, ainsi que divers organismes publics
et privés, ont adopté la déclaration de Gaborone, qui décrit un
ensemble de principes concrets et d'objectifs de développement qui
incluent la valorisation du capital naturel dans le processus de
planification du développement.
Un mois plus tard, le document issu du sommet de Rio 20, le futur que nous voulons, a appelé à augmenter les mesures de progrès pour compléter les indices classiques, tels que le PIB.
Publié en parallèle de la Conférence de Rio en 2012, le Rapport du PNUE la richesse inclusive,
fourni une remise en cause des critères traditionnels économiques et
de développement. Il introduit un nouvel indicateur, connu sous le
terme d'Index global de richesse (IWI), qui vise à révéler le
véritable état de la richesse d'une nation et la pérennité de sa
croissance, au-delà du PIB.
Mesurées par le PIB, les
économies de la Chine, des États-Unis, du Brésil et de l'Afrique du
Sud ont augmenté respectivement de 422 pour cent, 37 pour cent, de 24
pour cent, 31 pour cent, et 24 pour cent entre 1990 et 2008 .
Cependant, si elles sont évaluées par IWI, les économies chinoises et
brésiliennes ont seulement augmenté de 45 et de 18 pour cent. Les
États-Unis enregistrent une croissance de 13 pour cent, tandis que
l'Afrique du Sud enregistre une diminution de un pour cent.
En fait, 25 pour cent des pays étudiés par le rapport montrent une
tendance positive avec le PIB par habitant et avec l'indice de
développement humain (IDH) alors qu'il enregistre un IWI négatif par
habitant. La principale raison de cette différence de performance est
la baisse de capital naturel dans ces pays.
Mesdames et Messieurs,
Il y a près de 2 ans à Rio 20, plus de 190 nations ont donné le feu
vert pour une économie verte inclusive dans le contexte du
développement durable et de l'éradication de la pauvreté.
Une économie verte inclusive a le potentiel d'améliorer le bien-être
humain et l'équité sociale, tout en réduisant considérablement les
risques environnementaux et les pénuries écologiques.
Dans
le cadre de l'économie verte, la croissance des revenus et des emplois
est menée par des investissements publics et privés qui réduisent la
pollution et les émissions de carbone, améliore l'efficacité
énergétique et les ressources et empêche la perte de la biodiversité et
des services écosystémiques.
Ces investissements doivent
être catalysés et soutenus par des dépenses publiques ciblées, des
réformes politiques et les modifications de règlement.
Alors que les principales institutions financières apprécient de plus
en plus l'impératif du changement climatique, la rareté des ressources
et d'autres défis environnementaux, les " règles du jeu " actuelles
dans le domaine financier ne sont pas forcément adaptées pour accélérer
cette transition.
Les estimations du Forum économique
mondial suggèrent que mondialement, l'investissement d'environ 6
billions de dollars par an jusqu'en 2030 dans l'infrastructure, est
nécessaire pour aboutir à une économie faible en carbone. De ce
montant, près de 1 billions de dollars UD se trouvent au-dessus de la
trajectoire normale.
De telles preuves montrent que
lorsque les investissements sont ciblés pour écologiser des secteurs de
l'économie, ils peuvent produire des avantages multiples pour
l'économie, l'environnement et la société.
Le mois dernier,
j'ai lancé à Davos une enquête sur les options stratégiques pour
guider le système financier mondial à investir dans la transition vers
une économie verte.
Dans le sillage de la crise financière
mondiale, il y a une reconnaissance croissante que le système financier
doit non seulement être solide et stable, mais doit aussi être
durable afin de permettre la transition vers une économie verte et
faible en carbone.
L'enquête, qui s'étend sur 18 mois, à la
mi-2015, a pour but d'engager, d'informer et de guider les décideurs
politiques, les acteurs du marché financier et d'autres intervenants
concernés par la santé du système financier et de son potentiel
d'élaboration de l'économie future.
Pour répondre à son
objectif principal, il cartographiera les meilleures pratiques
actuelles, rassemblera les principes et les cadres, catalysera de
nouvelles idées et enfin présentera une série d'options pour faire
progresser un système financier durable.
Il collaborera
également avec des experts financiers mondiaux, commissionnera des
recherches pertinentes et contribuera à des initiatives connexes du
système des Nations Unies et d'ailleurs.
Mesdames et Messieurs,
La voie du développement vert doit maintenir, améliorer et, si
nécessaire, reconstruire le capital naturel comme un atout économique
critique et une source d'avantages pour le public, surtout pour les
pauvres dont les moyens de subsistance et la sécurité dépendent
fortement de la nature.
Le moment est venu d'assurer que
d'ici à 2015 - quand les objectifs de développement pour le millénaire
de l'ONU dépasseront les objectifs de développement durable - la
communauté mondiale ait les stratégies et les politiques en place pour
veiller que la nature soit pleinement intégrée dans les économies.
Merci.
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