La quinzième édition de la Journée de l'enfant africain a été l'occasion de revenir sur la maltraitance des enfants. Violences institutionnalisées ou familiales, pratiques traditionnelles ou esclavage moderne, les nombreuses formes de violences dont sont victimes les enfants ne disent parfois pas leur nom, ce qui empêchent de lutter efficacement contre.
Quinzième Journée de l'Enfant Africain sur le thème « Conflits et crises en Afrique : protégeons les droits de tous les enfants »
Le 16 juin 1976, un enfant de onze ans lançait un mouvement qui allait marquer la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud. A Soweto, des milliers d'enfants l'avaient suivi lorsqu'il s'était élevé contre l'enseignement de l'afrikaans, alors considérée comme la langue de l'oppression. La manifestation qui avait réuni plus de 10 000 personnes, principalement de jeunes élèves, avait été réprimée dans le sang par les forces de police sud-africaines. En 1991, l’Organisation de l’unité africaine immortalisait cette lutte en déclarant le 16 juin Journée de l’enfant africain. Pour sa quinzième édition, elle a été consacrée au thème « Conflits et crises en Afrique : protégeons les droits de tous les enfants ».
Les nombreux conflits qui minent le continent, dus notamment à l'instabilité politique et aux conflits ethniques et religieux, dont l'émergence de groupes terroristes armés comme Boko Haram, accroissent la vulnérabilité des enfants. Les jeunes filles sont davantage victimes de crimes sexuels, voire deviennent dans certains cas de véritables esclaves sexuelles. Mais les exactions accrues en temps de guerre ne doivent pas cacher une violence latente et répandue, souvent largement acceptée par le cercle familial, voire par les institutions, qui peinent à dénoncer des faits de maltraitance comme tels. « Cette violence qui fait rarement l’objet de dénonciation parce qu’elle n’est pas toujours perçue comme telle, représente un véritable problème de société et de santé publique. L’effet de maltraitance a des conséquences physiques et mentales à long terme sur la victime. » dénonce Euphrasie Kouassi Yao, ministre ivoirienne de la Promotion de la Femme, de la Famille et de l’Enfant.
Oser dénoncer la maltraitance comme telle
Pour l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), la maltraitance des enfants désigne « les violences et la négligence envers toute personne de moins de 18 ans. » « Elle s’entend de toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir. »
Selon une récente étude publiée dans la revue Pediatrics, au cours de l’année passée, jusqu’à un milliard d’enfants ont subi des violences physiques, psychologiques ou sexuelles dans le monde. Un enfant sur 4 subit des violences physiques et près d’une fille sur 5 des violences sexuelles au moins une fois dans sa vie. Mais où placer la limite entre particularisme éducatif, correction stricte, voire nécessité économique, comme dans le cas du travail des mineurs, et maltraitance des enfants ? Les pratiques traditionnelles – comme l'excision ou les châtiments corporels en milieu scolaire – doivent-elles déroger à l'appellation « maltraitance » du fait de leur acceptation sociale ?
La question est particulièrement épineuse en Afrique, où certaines traditions perdurent, malgré leurs effets délétères établis sur la construction psychique et physique des enfants. « Les connaissances sur l’étendue et les effets néfastes des violences faites aux enfants se développent, de même que les données factuelles sur les stratégies efficaces de prévention, fait observer le Dr Étienne Krug, Directeur à l’OMS. Nous devons désormais nous appuyer sur ces connaissances pour travailler collectivement afin de créer les environnements sûrs, stables et protecteurs mettant les enfants à l’abri des effets néfastes de la violence. »
Plusieurs initiatives ont vu le jour sur le continent. En Côte d'Ivoire, la fondation Children of Africa, dirigée par la Première dame ivoirienne Dominique Nouvian-Ouattara, a lancé un projet de construction de trois centres d’accueil en faveur des enfants victimes de travail et de maltraitance, engageant plus de 3 milliards de FCFA. L'ONG Dignité et Droits des enfants handicapés prend quant à elle en charge une centaine d'enfants en situation de handicap en leur offrant un cadre éducatif approprié. Les structures spécialisées étant insuffisantes, les enfants handicapés sont souvent privés d'accès à l'éducation, une situation stigmatisante qui rend impossible leur inclusion sociale. Dans un pays où 75 % de la population est jeune mais où 46 % de la population n'est pas allée à l'école, l'accès à l'éducation est plus urgent que jamais pour lutter contre toutes les formes de violence à l'égard des mineurs et permettre leur épanouissement dans un environnement sûr. « Car il s’agit de l’avenir de tous les enfants, mieux, du devenir de toute la nation » souligne Euphrasie Kouassi Yao.