Le terme de la multifonctionnalité est utilisé depuis 1992, mais le concept n’est pas récent. Dans cet article, les thèmes traités sont l’historique de l’agriculture québécoise et le développement de ses politiques avec le concept de la multifonctionnalité.
L’agriculture est une activité humaine essentielle qui dynamise les campagnes et qui influence l’environnement. Ses méthodes de production, ont d’importantes répercussions sur la biodiversité et sur les cycles naturels de l’eau, de l’air et du sol. Cependant, depuis les dernières décennies, l’agriculture des pays occidentaux a connu des changements fondamentaux, changeant ainsi la face de l’agriculture. Autre fois, l’agriculture se faisait de façon traditionnelle et, sans même le savoir, les fermiers de l’époque pratiquaient la multifonctionnalité. Faisant face à une demande croissante de denrées agricoles, ce type d’agriculture s’est essoufflé. Encouragée par les pouvoirs publics, celle-ci a été plus tard remplacée par une agriculture marchande spécialisée et plus intensive.
Le terme de la multifonctionnalité en agriculture est relativement récent, cependant, son concept ne l’est pas. Selon le Ministère de l’agriculture des pêcheries et de l’alimentation du Québec, la multifonctionnalité représente la contribution de l’agriculture, par ses fonctions économiques, sociales et environnementales, à la qualité de vie de la communauté. Le débat actuel entourant la multifonctionnalité et son soutien financier par certains programmes gouvernementaux nous amène à nous poser les questions suivantes : les politiques et les programmes actuellement en place sont-ils efficaces et suffisants ? Est-il pertinent en 2014 de redonner à l’agriculture ses trois fonctions de base (fonctions sociale, économique et environnementale) et de quelle façon la politique agricole pourrait-elle intervenir ?
La politique agricole québécoise repose sur quatre grands axes guidant son intervention. Selon les époques, ceux-ci ont joué un rôle plus ou moins important : les motifs économiques, les motifs socio-économiques, les motifs politico-économiques et les motifs politico-idéologiques. Ces grands axes ont évolué au fil du temps et c’est d’après eux que les quatre piliers de l’agriculture québécoise ont été instaurés : L’assurance-récolte (Asrec), l’assurance stabilisation des revenus agricole (Asra), le financement agricole par la Financière agricole du Québec, (Fadq) les plans conjoints et le contingentement.
Contrairement aux grands axes, les piliers de l’agriculture sont restés figés dans le temps et n’ont pratiquement pas changé depuis leur implantation, ce que leur reproche plus d’un auteur, plus particulièrement envers certains programmes tels que l’Assurance stabilisation du revenu agricole, Prime vert et la gestion de l’offre.
Jusqu’à l’Uruguay Round (1986-1994), le secteur agricole avait été considéré comme un secteur d’exception en ce qui concerne les négociations sur les tarifs douaniers et le commerce, en raison du «problème agricole». Plusieurs caractéristiques du secteur agricole expliquent ce problème : une demande fortement inélastique pour les produits agricoles, un faible élasticité-revenu pour les produits agricoles, une offre fluctuante à court terme, mais soutenue à long terme, un haut degré de fixité des actifs qui réduit la mobilité des ressources, un taux rapide de changement technologique et une structure compétitive du secteur de production. Ces caractéristiques ne sont pas uniques à l’agriculture, mais leur combinaison l’est. Cette particularité de l’agriculture qui conduit à des revenus chroniquement faibles liés à un processus constant de déséquilibre du secteur (1). En tenant compte de cette spécificité du secteur agricole, des politiques visant le soutien et la protection des revenus avaient été instaurées puisqu’elles semblaient être essentielles à la survie du secteur.
Les années 1939-1959 ont été marquées par une considérable augmentation de l’intervention de l’État visant la facilitation de la modernisation de l’agriculture par la mécanisation et l’utilisation d’intrants chimiques. La modernisation des techniques agricoles telles que l’utilisation de pesticides et d’intrants extérieurs a d’abord apporté de grands avantages : diminuer la charge de travail des agriculteurs, hausser la production et les rendements des cultures tout en diminuant le prix des produits alimentaires sur le marché mondial. Par ailleurs, ces nouvelles améliorations ne se sont pas produites sans répercussion sur l’environnement, sur la qualité de l’eau et de l’air qui se dégrade constamment depuis. De plus, avec l’instauration par le gouvernement de nouvelles normes et politiques visant la spécialisation des fermes, le nombre d’exploitations agricoles intensives a augmenté, au détriment des plus petites fermes. Par ce fait, «l’agriculture est même maintenant accusée de désertifier les campagnes et de déstructurer le milieu rural et les coûts de la politique agricole sont questionnés dans les divers cadres nationaux confrontés à des équilibres budgétaires précaires, mais aussi dans les instances internationales» (2). Le débat entourant le soutient de l’État envers certains secteurs économiques comme l’agriculture est présentement un sujet d’actualité chaud sur la scène mondiale. Pour plusieurs, l’agriculture intensive, qualifiée de modèle agricole productiviste que l’on connaît aujourd’hui, est victime de son propre succès.
Tout d’abord, le Québec doit se nouer d’un objectif pertinent lié à la multifonctionnalité des entreprises agricoles. Une bonne alternative serait d’encourager la productivité pour répondre aux signaux du marché tout en respectant les contraintes environnementales établies par la communauté et de favoriser l’occupation du territoire. Cependant, les mesures qui doivent être mises en place pour encourager des pratiques multifonctionnelles de l’agriculture nécessiteraient des changements fondamentaux dans la façon dont l’agriculture est approchée au Québec. Un changement majeur serait d’intervenir en agriculture avec une approche plus territoriale, dont l’aspect novateur est de commander à la fois la modulation et la discrimination positive en faveur des régions. Nous pouvons observer ce type d’intervention en France et aux États-Unis, donc on peut croire que le Québec serait capable d’adopter ce type d’intervention.
En 2014, nous pensons qu’il est primordial de protéger nos ressources et qu’on doit s’ajuster à cette réalité comme plusieurs autres pays (États-Unis et la France) l’ont fait auparavant. Le gouvernement doit aider les producteurs dans cette démarche, car ceux-ci ne gagnent aujourd’hui aucun bénéfice lors d’utilisation de techniques de production qui favorisent l’environnement et qui apportent un bénéfice public.
RÉFÉRENCES :
(1) Gouin, D-M. et Royer, A., 2010. La multifonctionnalité de l’agriculture: un fait historique, une base d’intervention des politiques agricoles à discuter. Dans: B. Jean, et D. Lafontaine, (Dir) 2010. La multifonctionnalité de l’agriculture et des territoires ruraux. Rimouski : Centre de recherche sur le développement territorial et Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l’Est du Québec.
(2) Ibid, à la p. 109.
Source: L'Interdisciplinaire, journal étudiant de l'Institut EDS
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