Le gaz se présente comme le roi de la transition énergétique. Or, le gaz, c’est du méthane, un puissant gaz à effet de serre. Une solution écologique de remplacement du gaz pourrait provenir de la biométhanisation.
Sur la scène internationale, les discours politiques et économiques associent souvent le gaz à l’énergie reine de la transition énergétique
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) confirmait récemment la prépondérance du gaz de schiste pour répondre à l’explosion mondiale de la demande énergétique d’ici à 2035. Pourtant, cette sortie de l’AIE contredit la vision de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), qui priorisent une croissance verte axée sur les énergies renouvelables, c’est-à-dire suivant une approche qui exclut le gaz. De même, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui a désigné le carbone comme le principal responsable du réchauffement, se penche sur le méthane dans son rapport de 2013. Il vient de réévaluer à la hausse le potentiel de réchauffement du méthane à 36 fois celui du carbone sur un horizon de 100 ans; et sur 20 ans, il lui attribue une puissance 87 fois supérieure au carbone, d’où son surnom de «bombe méthane». En termes d’émissions, le méthane suit le carbone parmi les six principaux gaz à effet de serre (GES). Le méthane se trouve à l’état naturel dans les océans et le pergélisol. Il se forme à partir de la décomposition des matières organiques. Il provient également du gaz qui se compose à près de 95% de méthane. En fait, le gaz émet 33% moins de GES que le mazout et 25% moins de GES que le diesel, et c’est cette différence nette vis-à-vis du pétrole qui lui vaut sa réputation de moindre mal dans plusieurs pays. Cependant, il marque un net recul par rapport aux faibles GES provenant de l’hydroélectricité, d’où l’émergence du paradoxe gazier au Québec.
En effet, le gaz occupe une place de plus en plus importante au Québec. Depuis 2012, plus de 300 véhicules carburent au gaz sur la Route bleue, un corridor autoroutier formé de stations gazières entre Rivière-du-Loup et Toronto. La Route bleue assure l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) pour le transport routier des marchandises et le fret maritime. Au début de 2014, le gouvernement de Pauline Marois, alors première Ministre du Québec, annonçait la construction d’une usine de GNL à Bécancour, dont la production remplirait un bateau/jour en direction de la Côte-Nord. Enfin, en 2015, le premier traversier alimenté au GNL en Amérique du Nord desservira Matane, Baie-Comeau et Godbout. De plus, la substitution du gaz au diesel et au mazout, pour la chauffe industrielle et institutionnelle, a déjà permis de réduire les émissions de GES dans le Plan d’action contre les changements climatiques 2006-2012. Les gestionnaires l’adorent pour son prix défiant toute compétition. De manière générale, la classe politique fait le choix du gaz en raison de sa compétitivité commerciale. En revanche, les critiques adressées à l’option du développement de la production de gaz proviennent surtout des milieux scientifiques et écologistes qui sont informés et sensibles aux risques potentiels que présente la bombe méthane. Il en va de même pour les populations dont on sait qu’elles constituent les premières victimes des risques de contamination de l’eau et des nappes phréatiques inhérents à la fracturation hydraulique. Il convient de mentionner que la fracturation hydraulique liée à l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste est interdite en plusieurs endroits dont la France, la Suisse et le Vermont. Enfin, des fuites de méthane peuvent également survenir lors de la fracturation hydraulique et à la suite de l’immobilité prolongée des transporteurs de réservoirs cryogènes, les camions par exemple, toutes choses susceptibles d’annuler les gains de réduction de GES.
Il y a donc un enjeu de dosage dans la diversification énergétique en cours à l’échelle mondiale et la priorité devrait revenir aux énergies propres et renouvelables. Pour l’heure, les conditions d’accompagnement des politiques énergétiques demeurent nationales et volontaires, et il n’y a pas encore d’accord global contraignant. Pourtant, la biométhanisation offre peut-être une solution écologique de remplacement au gaz, qu’il soit naturel, de schiste ou liquéfié.
Une bonne nouvelle : le méthane issu de l’agriculture et des sites d’enfouissement se récupère facilement grâce à la biométhanisation
En effet, la décomposition des matières organiques permet de produire du biogaz, lequel est ensuite purifié et donne du biométhane, un combustible d’une qualité thermique élevée et à faible émission de GES. Contrairement au gaz naturel, de schiste ou liquéfié, le biométhane est un produit local et une ressource renouvelable provenant des déchets urbains, de la biomasse forestière et agricole. Des pays d’Europe et d’Asie y ont recours depuis un certain temps. C’est ainsi que dans son Plan d’action contre les changements climatiques 2006-2012, le gouvernement visait un objectif de 5% d’éthanol dans l’essence vendue au Québec, dans une optique résolue d’encouragement de la production du biométhane.
En somme, la lutte contre le dérèglement climatique passe obligatoirement par la diminution accélérée des six principaux gaz à effet de serre catalogués, dont fait partie le méthane; d’où la pertinence de rappeler que le gaz, c’est du méthane ! Dès lors, la biométhanisation offre une chance accrue de diminuer le risque environnemental et de développer une expertise au chapitre des biocarburants de 2e génération en pleine expansion dans le monde.
Source: L'Interdisciplinaire, journal étudiant de l'Institut EDS
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Journal L'intErDiSciplinaire vol. 5 no 2 (635 hits)