Par Prisca Ayassamy, candidate à la maîtrise en Sciences de l’Environnement de l’UQAM
L’agriculture traditionnelle pratiquée sur plusieurs hectares peut compromettre non seulement l’espace, mais peut avoir un impact sur la qualité du sol et polluer les cours d’eau avec les différents engrais et autres pesticides utilisés pour les entretenir. Depuis quelques années, on retrouve l’émergence d’une nouvelle pratique en agriculture où l’on exploite un espace non commun : le toit.
Ces « toits verts » ou « toits végétalisés » consistent à réaménager les toits d’immeubles résidentiels, industriels, institutionnels ou commerciaux avec divers végétaux esthétiques ou comestibles. À Montréal, plusieurs édifices ont été modifiés pour suivre cette tendance, dont le Palais des Congrès, la Maison du Développement durable, le Hilton Bonaventure et le Santropol Roulant pour n’en nommer que quelques-uns.
S’inscrivant dans le cadre général de l’agriculture urbaine, ces jardins sur les toits, tout dépendamment de l’intensité des cultures qui y sont faites, peuvent aider à récupérer des superficies plus ou moins significatives de terres agricoles perdues suite au développement régional. Outre les espaces regagnés, ce mode d’exploitation peut aussi contribuer à atténuer plusieurs problématiques d’ordres environnementales et à améliorer la qualité de vie des citoyens. Parmi ces nombreux bienfaits, on remarque :
L’augmentation des gaz à effet de serre (GES) constitue une problématique importante à laquelle nombreux scientifiques, universitaires et décideurs tentent de trouver une solution. Selon Hidalgo, les villes sont responsables de 80 % des émissions de GES (AFP, 2014) et dépendent souvent de l’importation des aliments sur de longs trajets, ce qui contribue à cette augmentation. Dans cette perspective environnementale, les toits verts peuvent être des plateformes pour cultiver des légumes localement, réduisant ainsi la longueur des parcours et les émissions. D’un point de vue gustatif et économique, les aliments produits en région sont plus frais et souvent vendus à des prix compétitifs. Ils nécessitent aussi moins de réfrigération, car transportés sur de courtes distances (FAO, 2015). De plus, ces aliments cultivés sur les toits n’exigent ni pesticide ni engrais de synthèse pour être des succès et permettent une certaine autonomie, si entretenus dans un environnement approprié, avec une bonne hygrométrie.
Économies d’énergie et lutte aux îlots de chaleur
Si les villes installaient des toits verts sur 50 % de leurs surfaces, il y aurait une baisse de la consommation d’énergie pouvant atteindre 1,6 million de mégawatts par heure et par année, permettant aux résidents d’épargner jusqu’à 211 millions en coûts d’électricité, tout en réduisant les émissions de CO2 de 465 milliers de tonnes métriques de CO2 équivalent par an (NRDC, 2012, p.3). Non seulement ces toits collaboreraient à diminuer les besoins d’énergie, mais contribueraient aussi à éviter des gains de chaleur de 92 à 97 % en période estivale et des pertes de chaleur de 70 à 84 % en hiver (Parizotto et Lamberts, 2011, p.1712) grâce à l’évapotranspiration des végétaux et à l’humidité des sols.
Par ailleurs, en raison de l’épaisseur des couches de substrat des toits verts, il y a une absorption des eaux de ruissellement, menant vers une meilleure gestion de celle-ci, assurant un drainage supérieur. Cela permet de réduire la contamination des eaux, car lors des grandes précipitations, les cours d’eau débordent et sa qualité en est affectée. Selon Obendorfer, les toits végétalisés contribueraient aussi à la création de nouveaux écosystèmes pour des espèces dont l’habitat et les espaces naturels ont été déplacés ou détruits par les constructions humaines naissantes (Obendorfer, 2007, p.827).
Les citoyens des villes pourraient bénéficier d’une amélioration de la qualité de l’air, car la particularité des végétaux implique le captage des polluants par les stomates. Par exemple, selon l’étude de Yang et al. (2008, p.7266), des toits végétalisés à Chicago ont démontré une absorption de 1675 kg de pollution atmosphérique grâce aux 19,8 hectares de cultures sur les toits. Tandis que, pour Berardi et al. (2014, p.422), les toits verts ont permis une perte de transmission des ondes sonores de 5 -13 dB à des fréquences basses et moyennes et de 2-8 dB à des fréquences élevées.
Quelques obstacles à leur implantation
Bien que ces toits verts sont très avantageux pour les milieux urbains, il existe encore des barrières à leurs implantations dans les villes. Parmi celles-ci, on retrouve les différentes règlementations qui compliquent parfois l’obtention de permis, par exemple, celle des infrastructures techniques qui nécessitent des modifications sur tous bâtiments n’ayant pas la capacité portante voulue pour l’installation de ces toits. Il est également courant que plusieurs permis soient demandés afin de passer à travers des règlementations de constructions. Si l’on compare Montréal à ce qui se fait à international, bien que le projet des toits verts dépende de la flexibilité des cadres légaux et les critères techniques basés sur l’encadrement juridique autour du secteur de la construction, la contrainte climatique est non négligeable. L’on requiert en effet du chauffage pour entretenir les végétaux avec l’aide d’une serre sur les toits. Dans le cas de Montréal, les coûts et les contraintes de telles installations demeurent pour l’instant trop élevés pour la majorité des investisseurs.
Références