Toujours ces mêmes images promotionnelles de notre île, la plage et les cocotiers, la concurrence des Seychelles et des Maldives, la logique comptable du nombre d'arrivées touristiques, ... Peut-on encore sérieusement aujourd'hui persister dans cette image très déformée et déformante du tourisme mauricien et plus largement de la société mauricienne ?
La parole a toujours été difficile à Maurice, peut-être bien sûr et heureusement au profit d'une littérature extrêmement vivace, mais rappelons-nous ici la fulgurance acérée de Malcolm de Chazal dès les années 50 : "A Maurice, on cultive 2 choses, la canne à sucre et les préjugés". Les faits sont têtus encore aujourd'hui. Et Alain Gordon-Gentil d'ajouter dans son roman "Devina" dans la bouche de l'une de ses héroïnes, Rebecca : "A Maurice, le mensonge, c'est la paix, la vérité, c'est la guerre". Présenter les faits, les analyser, proposer et mettre en place des actions durables et inclusives, tout cela n'a rien d'anti-patriotique pour reprendre l'argumentation habituelle de celles et ceux qui n'en ont pas et pour celles et ceux qui se définissent en tant qu'être humain, habitant.e.s de la planète Terre, les notions de nationalité, de couleur de peau, de religion, d'origine ethnique, ... de tout ce qui semblerait construire notre identité, mais in fine nous divise au profit des puissants du jour, restent bien étrangères. Je n'omets pas de souligner ici la discrimation que subit une part importante de la population mauricienne dans son accès à la citoyenneté. Mais il reste que je suis bien de là où je vis.
Quel constat aujourd'hui ?
Les touristes peinent à revenir dans notre île, de nombreux articles parus en Europe évoquent un mauvais rapport qualité-prix des prestations de certains opérateurs qui persistent à considérer le touriste comme une vache à lait ou un portefeuille sur jambes ! Voir la mer à Maurice reste parfois également une gageure pour les touristes qui ne souhaitent pas forcément résider dans la centaine d'hôtels actifs sur notre île, le traitement réservé aux trop nombreux chiens errants, la propreté de l'île, la baisse de la qualité de l'accueil mauricien, indirectement amplifiée par les difficultés de recrutement du secteur hôtelier, le bétonnage massif, les questions liées au développement durable, comme la gestion des espaces naturels, de l'eau, du recyclage des déchets, des relations sociales, ... tout ceci pose question, au premier chef dans la vie quotidienne des habitants, car nous touchons ici aux besoins fondamentaux, primordiaux et vitaux des citoyennes et citoyens mauriciens.
Mais il en va également de l'harmonie au sein d'une société communautaire où "le vivre- et le construire-ensemble" ont jusqu'ici tant bien que mal fonctionné en apparence (la partie émergée de l'iceberg) et des relations que la population mauricienne entretient avec "l'étranger" ou supposé tel. La contribution de "l'étranger", touriste ou résident, à l'économie mauricienne n'est plus à démontrer. Mais il est également vrai d'affirmer que cette présence initiée et confortée par la politique incitative à la quasi-seule construction d'un immobilier de luxe a déjà et aura de plus en plus de conséquences sur la vie quotidienne de la population : accès à la plage, accès à l'eau potable, accès au foncier pour les jeunes adultes et les planteurs, accès à l'emploi, accès à l'autonomie alimentaire et énergétique, ... De là à en faire un bouc-émissaire ...
Des initiatives inspirantes se mettent en place pour inventer un autre tourisme, un autre développement, plus durable et plus inclusif dans notre île et vous pouvez les soutenir au travers de vos achats (90% de l'artisanat vendu à Maurice est importé) et de vos visites. Nous nous attachons à les promouvoir et à vous les présenter, parfois à les initier, car elles bénéficieront à l'ensemble de la population locale. Et nous ne vous oublions pas, car le tourisme durable, c'est d'abord "du sens et des souvenirs". Vous en êtes aussi les acteurs.
11/12/24 à 13h46 GMT