À la veille du 75e anniversaire du parc de la Gatineau le 1er juillet prochain, le lac Meech offre un triste spectacle symbolisant le déclin des vocations écologique et démocratique du parc.

Que ce soit les immatriculations ontariennes de nombre de ses résidents, ou la construction d'énormes maisons opulentes sur des terres d'intérêt national, ou la négligence, l'effondrement et la pollution de ses infrastructures publiques, ou encore la fermeture de ses installations communales, le parc de la Gatineau est dans un état lamentable.

À titre d'exemple, le Sentier des loups, situé à l'extrémité nord du lac, est fermé depuis le 21 décembre en raison d'une tempête de neige -- et son stationnement était barricadé jusqu'à récemment... Jadis, les équipes d'entretien assureraient le nettoyage des pistes en temps utile. Malheureusement, au cours de la dernière année ils ont complètement négligé plusieurs sentiers populaires. 

La Commission de la capitale nationale (CCN) devrait mandater une vérification indépendante pour faire la lumière sur cette pitoyable gestion, et elle doit exiger des comptes de Service récréatifs Demsis, l'entreprise qui s'occupe du parc.

Autre exemple de mesures contraignant l'accès du public aux rives du lac Meech : l'installation de clôtures sur ses plages pour y contrôler la prolifération des outardes. En plus d'être inefficaces -- les oiseaux y sont toujours --, ces clôtures empêchent les citoyens d'utiliser les plages.

Par ailleurs, une bonne moitié de la plage Blanchet demeure clôturée après plusieurs années -- prétendument en raison de l'effondrement de la rive. Et la CCN n'y a pas encore installé de pierres de soutènement comme elle l'avait fait ailleurs le long de la plage.

La construction de résidences privées sur les rives du lac mine également l'accès du public en raison de la pollution qu'elles causent. Au cours des dernières années, on a fermé les plages plusieurs fois suite à l'apparition d'algues bleues créées dans une large mesure par les effluents que produisent ces résidences. Soulignons que ces maisons sont érigées sur des terres que la CCN a pour mandat d'acquérir...

Quant à elle, la municipalité de Chelsea est complice dans cette pollution du lac : elle néglige entre autres d'appliquer la Politique de protection des rives, en plus de déverser des tonnes de sable, de sel et de gravier dans le lac l'hiver.  

Ironiquement, ce déclin du parc de la Gatineau sert tout à fait les intérêts de l'Association des résidents du lac Meech qui, depuis des années, milite effrontément pour la fermeture de la plage Blanchet et de la mise à l'eau. Dans une lettre du 26 avril 2004, cette association incitait la CCN à fermer ces installations dans les termes suivants :

" La plage Blanchet et le point de mise à l'eau des embarcations devraient être fermés et les utilisateurs réorientés vers des installations élargies à la plage O'Brien. Afin de dissuader davantage l'utilisation de la plage Blanchet, le stationnement P12 devrait être fermé pendant les mois d'été ". On peut consulter le texte intégral de cette lettre sur la page Web du Comité pour la protection du parc de la Gatineau 

Bien que la CCN n'oserait jamais fermer la plage, les mesures limitatives qu'elle applique, et sa négligence des installations communales, ont sérieusement érodé les vocations démocratique et écologique du parc et encouragé l'émergence d'un Apartheid au lac Meech -- là où les privilèges privés briment et empiètent sur le droit des citoyens.

Selon les fondateurs du parc, le lac Meech était censé être le noyau de cette forêt nationale, l'endroit où les citoyens pourraient le mieux profiter des beautés de la nature. Ils n'imaginaient pas qu'il serait toujours un club privé -- symbole d'exclusion populaire -- tant d'années après sa création.   

"Apartheid au lac Meech ": en voilà tout un slogan pour célébrer le 75e anniversaire du parc de la Gatineau le 1er juillet !