Suivant l'état des lieux du ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) du Québec publié en août 2011, les objectifs ambitieux de réduction d'émissions de carbone établis à 20% à l'horizon 2020 par rapport au niveau de 1990 sont loin d'être atteints. Paradoxalement, sitôt élu en 2012, le gouvernement péquiste minoritaire s'empresse de relever la cible québécoise de réduction des GES à 25%. Il fonde donc beaucoup d'espoirs sur le marché du carbone avec la Californie.
En marche vers le 1er marché réglementé du carbone d'Amérique du nord
Aux yeux du Ministère des Finances et de l'Économie, le marché du carbone représente avant tout une occasion d'affaires pour les entreprises québécoises, à l'instar des secteurs de l'aluminium, des pâtes et papiers notamment, qui cumulent des gains d'efficacité énergétique depuis l'aube des années 1990. Il comporte une étape préliminaire volontaire, suivie d'une seconde phase obligatoire. L'implantation du marché du carbone volontaire débute officiellement par des milliers de tonnes échangées et de crédits carbone vendus par National Écocrédit entre 2005 et 2012. Puis le marché du carbone obligatoire se met en branle en 2013, alors que les grands émetteurs industriels, c'est à dire les entreprises générant plus de 25 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) annuellement, doivent se plier à la règle du SPEDE; celui-ci rentrera en vigueur en 2015 pour les producteurs et distributeurs de combustibles fossiles. Le SPEDE accorde des crédits compensatoires pour les réductions de GES comptabilisées depuis le 1er janvier 2008. Il couvrirait près de 85% des émissions totales du Québec et devrait financer le PACC dès 2015. Le Bureau des changements climatiques du MDDEFP et la Western Climate Initiative en assurent l'encadrement législatif et financier.
La toute première vente aux enchères et de gré à gré du MDDEFP s'est déroulée le 3 décembre 2013. Chaque unité d'émission de GES valait au minimum 10,75 $ canadiens et représentait une tonne équivalent CO2. Contrairement au marché du carbone européen, ce prix plancher augmentera de 5% chaque année en plus de tenir compte de l'inflation. Pour l'année 2013, les unités d'émission de GES offertes lors de cette mise initiale aux enchères s'établissaient à 2 971 676 contre 6 319 000 unités pour 2016(1). La vente a généré 29 M$ (2), ce qui répondait aux attentes gouvernementales en vue du financement total du PACC 2013 2020, évalué à 2,5 voire 3 milliards de dollars. Le Conseil patronal de l'environnement du Québec souligne que seulement 18 des 79 entreprises ciblées au départ ont participé à l'encan. Quatre mises aux enchères par année sont prévues à partir de 2014, avec l'entrée de la Bourse californienne.
Instrument controversé de la lutte contre le dérèglement climatique, le marché du carbone possède néanmoins l'avantage d'apposer un prix sur les émissions de gaz à effet de serre.
Un principe économique pour réduire les émissions nocives consiste à " attaquer le portefeuille " en imposant une taxe verte ou en recourant au marché. La taxe sur le carbone a été expérimentée en Europe et en Colombie Britannique. D'application facile, elle respecte le principe du pollueur payeur, mais rencontre aussi de l'opposition. Quant au marché du carbone, il s'avère complexe et coûteux à administrer. Il vise à fixer un prix d'équilibre et assure un revenu pour l'État, mais il a ses bornes. Peu importe l'instrument choisi, le danger consiste ici à alourdir la facture énergétique de la classe moyenne et d'une majorité de petites et moyennes entreprises (PME), ce qui ferait très mal à l'économie. En effet, on oublie souvent que l'économie, où que cela soit dans le monde, repose en grande partie sur les PME.
Précédé de deux échecs patents aux États-Unis et en Europe, le système de permis soulève d'autres appréhensions. Mais à la différence de la Bourse de Chicago, qui a rapidement avorté, celui-ci se trouve encadré par le gouvernement; et à l'opposé de la 1re phase du marché du carbone européen, qui s'est soldée par une chute telle du prix de la tonne équivalent carbone (7,35 $) que le vieux continent deviendrait celui où il revient le moins cher d'accélérer le réchauffement planétaire, le coût du CO2 sera indexé et augmenté graduellement. Certains redoutent enfin la prématurité de ce marché, eu égard particulièrement au retard du bilan de carbone forestier, tourbier, lacustre, etc., qui ferait en sorte que le Québec se retrouve acheteur et non pas vendeur vis à vis la Californie. À tout le moins et en dépit de ses limites, le marché du CO2 envoie un signal de prix.
Références:
(1) Gouvernement du Québec, 2013. Vente aux enchères d'unités d'émission de gaz à effet de serre du Québec du 3 décembre 2013. Rapport sommaire des résultats [en ligne]. Québec, Gouvernement du Québec. http://www.mddefp.gouv.qc.ca [consulté le 15 octobre 2013].
(2) Union des municipalités du Québec, 2013. Un premier test réussi pour le marché du carbone québécois [en ligne]. Québec, Gaïapresse. http://www.gaiapresse.ca [consulté le 10 décembre 2013].
Auteur : Hélène Caron (helene.caron.5@ulaval.ca), Doctorat en sociologie, Université Laval.
Source: L'Interdisciplinaire, journal étudiant
de l'ETS
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17/10/24 à 09h35 GMT