hangars couverts de paille soutenus ça et là par des troncs d’arbres et clôturés de murets prolongés par des bâches ou des seccos. Un tableau de classe sur chevalet où toute écriture est illisible.
Quelques tables-bancs, des briques servant de bancs et même que certains élèves sont assis à même le sol. Nous sommes à l’école primaire de Bomboré V1 à Mogtédo. Des établissements primaires de ce genre sont légion dans cette commune de la province du Ganzourgou.
Ces écoles esseulées sont bien loin des concessions. Les élèves parcourent souvent plus de 6 km pour rejoindre leur lieu d’apprentissage. Les classes de fortune ont été érigées de concert avec les parents d’élèves, le conseil municipal et la CEB de Mogtédo pour répondre à un manque d’infrastructures dans la zone. Sans hésiter, les parents d’élèves les ont construites.
Des initiatives qui s’inscrivent dans la politique du gouvernement d’augmenter le taux de scolarisation au Burkina Faso.
Elle est salutaire et volontariste. Notons que toutes ces écoles bénéficient des manuels scolaires que donne le ministère. Et systématiquement, ces classes sous paillotes devraient être remplacées par des écoles classiques.
Cependant, la demande étant très forte, cela n’est pas le cas pour le moment. Du coup, les élèves apprennent dans des mauvaises conditions, les parents souffrent, ce qui semble hypothéquer les performances de l’enseignant", reconnaît l’inspecteur de la circonscription de Mogtédo, Moumouni Compaoré.
Dans ces conditions où il est difficile de faire des résultats, les différents acteurs de l’éducation sont affectés. En premier lieu, les parents d’élèves regroupés en Association des parents d’élèves (APE) et qui ont motivé l’ouverture des écoles.
Certains, comme Oumarou Zoungrana de Bamboré, semblent déjà vouloir baisser les bras : "le découragement se situe à tous les niveaux, à tel point que certains se désolidarisent. Nous renouvelons cette classe à chaque rentrée et il nous faut retrousser les manches car il faut une nouvelle classe pour une nouvelle promotion à la rentrée prochaine. Dans cette classe de CE1, il n’y a que 5 tables-bancs, le reste des élèves sont sur des briques".
En effet, pour une classe de 50 élèves dont 33 garçons et 17 filles, il n’y a que 5 tables-bancs qui plus ne sont pas à la taille des élèves puisqu’ étant auparavant utilisés par le centre d’alphabétisation. Le maître Kourita Kologo est contraint d’arrêter les cours dès les premières pluies. Les élèves souffrent aussi d’autres intempéries. "Nous sommes en classe, mais nous souffrons de l’harmattan, du soleil et du froid. Nous n’avons pas de point d’eau à côté. Mes voisins et moi suivons les cours sur des briques", s’explique un élève.
L’enseignant de cette classe n’est pas au bout de ses peines, lorsqu’il s’agit de réaliser certains matières. Pour la leçon de copie appliquée par exemple qui exige de l’application de la part des élèves, Kourita Kologo est obligé de diviser la classe en groupes en fonction de cinq tables-bancs disponibles.
A quelque 6 km de Bomboré V1, l’école V1 et V2 de Mogtédo présente les mêmes caractéristiques. Constituée de 3 classes-paillotes tenant lieu de classe et avec un effectif de 144 élèves, elle est érigée sur une clairière. Seul le drapeau national indique que l’on est dans un lieu administratif. Trois instituteurs assurent l’éducation des enfants. Les élèves de cette école ont plus de chance que ceux de Bomboré, car une structure œuvrant dans la récupération des enfants sur les sites aurifères leur a doté des tables-bancs.
Evidemment que cette circonscription d’enseignement de base n’est pas la seule à rencontrer de telles difficultés.
Selon un directeur d’école, on dénombrait 256 classes sous paillotes dans la province du Gourma et le nombre devrait augmenter les années à venir. « La tendance n’est pas à la baisse et c’est ce qui nous inquiète et nous énerve surtout que dans le même temps, on vient nous inspecter comme si on travaillait dans des conditions normales », explique un des instituteurs officiant sous le hangar. Son collègue ajoute : « Vous ne pouvez pas imaginer ce qui se passe ici. Comme il n’y a pas de porte, des gens viennent ici la nuit déféquer ou faire du n’importe quoi, et le matin, nous sommes obligés d’arriver tôt, le temps de faire le ménage, débarrasser la salle de choses que les enfants ne doivent pas voir ».
Les conditions dans lesquelles les instituteurs de ces établissements accomplissent leurs missions deviennent particulièrement difficiles quand la météo se dégrade avec des températures basses ou que l’harmattan se met à souffler comme c’est le cas actuellement. En début d’hivernage, quand l’orage se profile à l’horizon, ces braves instituteurs n’ont d’autre choix que libérer les enfants et les inciter vivement à rentrer chez eux le plus vite.
En pleine polémique sur la pertinence ou pas de mettre en place un sénat, la politique s’est vite invitée dans la causerie. « Les gens-là veulent mettre de l’argent dans le sénat pendant que nous, nous demandons des moyens pour apprendre aux enfants à lire et écrire », poursuit-il. Révolté par ce qu’il considère comme absurdité dans les choix prioritaires du gouvernement, il nous confie qu’au-delà de leurs fonctions d’instituteurs, ils ont été amenés à faire un travail de sensibilisation auprès des enfants pour qu’ils acceptent de suivre les cours dans les conditions qui sont les leurs.
A environ 500 mètres de Bansoudi, on tombe sur l’école Ticonti, plus démunie que sa voisine. Ici, l’école A compte trois paillotes, l’école B comprend 12 classes, paillotes comprises, certaines n’étant d’ailleurs pas terminées, obligeant les instituteurs et les élèves à se réfugier sous des arbres.
C’est avec une froide colère que le directeur de l’école, Frédéric Bassono décrit les conditions dans lesquelles lui et ses collègues se démènent pour instruire les gamins (Voir vidéo). Les promesses faites par les autorités nationales et municipales pour améliorer leur quotidien, il ne veut plus en entendre parler. « Vraiment, ce n’est pas facile. Vous-mêmes, vous voyez comment se déroule notre stage. Mais comment on va faire, puisqu’on n’a pas le choix ? », commente, résignée, une des deux institutrices stagiaires en poste dans cette école en partie à ciel ouvert.
Pour alléger les difficultés rencontrées dans ces écoles, certaines mesures pourraient être adoptées : l’accès à l’eau potable, la fourniture en tables-bancs, voire une cantine pour ces élèves qui restent à l’école avec souvent de la nourriture faisandée.
Nonobstant, les sollicitations combien nombreuses et diverses du secteur de l’éducation, les acteurs des écoles Bomboré V1 et l’école V1 et V2 de Mogtédo ne perdent pas espoir d’une rentrée scolaire prochaine dans de meilleures conditions.
Source autorisée: lefaso.net
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17/10/24 à 09h35 GMT