CJUE, 15 octobre 2014, Affaire -2011323/13, « Manquement d’État -2012 Environnement -Directives 1999/31/CE et 2008/98/CE - Plan de gestion - Réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination - Obligation de mettre en place le traitement des déchets assurant le meilleur résultat pour la santé humaine et la protection de l’environnement».
Le 15 octobre 2014, la sixième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 13 juin 2013 par la Commission, contre le République d’Italie.
Par sa requête, la Commission européenne demandait à la Cour de constater que:
– en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’une partie des déchets municipaux mis dans les décharges du SubATO de Rome et dans celles du SubATO de Latina ne soit pas soumise à un traitement comprenant une sélection adéquate des diverses fractions des déchets et la stabilisation de leur fraction organique,
– et en n’ayant pas établi, dans la région du Latium, de réseau intégré et adéquat d’installations de gestion des déchets, en tenant compte des meilleures techniques disponibles,
La République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent, d’une part, au titre des dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO L 182, p. 1), ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO L 312, p. 3), et, d’autre part, au titre de l’article 16, paragraphe 1, de cette dernière directive.
Sur le premier grief, la Cour apprécie que : « S’agissant, en premier lieu, des obligations découlant des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98, il convient de relever qu’il ressort de la deuxième de ces dispositions que les États membres ont l’obligation, en ce qui concerne les déchets susceptibles d’un traitement, de prendre les mesures nécessaires pour que seuls les déchets déjà traités soient mis en décharge.
Aux termes de l’article 2, sous h), de la directive 1999/31, la notion de «traitement» couvre les processus physiques, thermiques, chimiques ou biologiques, y compris le tri, qui modifient les caractéristiques des déchets de manière à en réduire le volume ou le caractère dangereux, à en faciliter la manipulation ou à en favoriser la valorisation.
Il résulte de la lecture combinée des articles 2, sous h), et 6, sous a), de la directive 1999/31 que les États membres ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour que soient soumis à un traitement tous les déchets qui s’y prêtent et pour que les déchets susceptibles de faire l’objet d’un tel traitement ne soient donc pas mis tels quels en décharge.
Il convient toutefois d’ajouter que, conformément à son article 1er, paragraphe 1, cette directive vise, par des exigences techniques et opérationnelles strictes applicables aux déchets et aux décharges, à prévoir, notamment, des mesures destinées à prévenir ou à réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l’environnement et les risques qui en résultent pour la santé humaine, pendant toute la durée de vie de la décharge.
Eu égard à l’objectif ainsi défini par ladite directive, il ne saurait donc être valablement soutenu que, en vue de la transposition et de l’application conformes de la directive 1999/31, les États membres puissent se borner à opter pour n’importe quel traitement des déchets et n’aient pas l’obligation de rechercher et de mettre en place le traitement le plus adapté, y compris la stabilisation de la fraction organique de ces déchets, afin de réduire autant que possible les effets négatifs des déchets sur l’environnement et, partant, sur la santé humaine.
Cette interprétation est corroborée, d’une part, par le considérant 6 de ladite directive, dont il ressort que la mise en décharge doit être contrôlée et gérée de façon adéquate afin de prévenir et de réduire les conséquences néfastes qu’elle peut avoir sur l’environnement et les risques pour la santé humaine.
Elle se trouve confirmée, d’autre part, par la circonstance que tant le considérant 33 de la directive 1999/31 que l’article 16 de celle-ci prévoient que les critères et les exigences contenus dans les annexes de cette directive doivent être régulièrement adaptés au progrès scientifique et technique.
S’agissant des obligations découlant de l’article 4 de la directive 2008/98, il suffit de relever qu’il ressort clairement de cet article, paragraphe 2, que les États membres doivent, lorsqu’ils appliquent la hiérarchie des déchets prévue par cette directive, prendre les mesures appropriées pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement.
La même constatation s’impose au sujet de l’article 13 de ladite directive, qui prévoit que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine ni nuire à l’environnement. Or, une telle exigence, lue à la lumière du considérant 6 de la même directive, selon lequel l’objectif de toute politique en matière de déchets doit être de réduire à un minimum les incidences négatives de la production et de la gestion des déchets sur la santé humaine et sur l’environnement, implique nécessairement l’obligation pour les États membres de s’assurer que les traitements auxquels les déchets sont soumis permettent d’en réduire autant que possible les effets nocifs sur l’environnement et sur la santé humaine.
Eu égard à ces considérations, il y a lieu de conclure que les articles 1er, paragraphe 1, 2, sous h), et 6, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que 4 et 13 de la directive 2008/98 doivent être compris en ce sens qu’ils obligent les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que les déchets mis en décharge qui s’y prêtent soient soumis à un traitement permettant de réduire autant que possible les effets négatifs de ces déchets sur l’environnement et sur la santé humaine.
En ce qui concerne, en second lieu, le bien-fondé du manquement reproché à la République italienne, il y a lieu de relever que celle-ci, d’une part, ne conteste pas que la simple compression et/ou le broyage de déchets en mélange destinés à être mis en décharge ne répondent pas aux exigences établies par la directive 1999/31 et qu’elle reconnaît la matérialité des faits qui lui sont reprochés par la Commission. D’autre part, elle fait valoir qu’elle s’efforce de remédier à la situation et que, depuis l’introduction du présent recours, de nouvelles mesures ont été adoptées pour mettre un terme au manquement.
À cet égard, il convient de rappeler, d’abord, que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre en cause telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts Commission/Espagne, C%u2011168/03, EU:C:2004:525, point 24; Commission/Luxembourg, C%u201123/05, EU:C:2005:660, point 9, et Commission/Italie, EU:C:2010:115, point 79).
Ensuite, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive (voir, notamment, arrêts Commission/Espagne, C2011483/10, EU:C:2013:114, point 51, et Commission/Chypre, C2011412/12, EU:C:2013:506, point 15).
D’ailleurs, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’existence d’activités criminelles ou de personnes présentées comme agissant «à la limite de la légalité» qui seraient actives dans le secteur de la gestion des déchets ne saurait davantage justifier la méconnaissance, par un État membre, des obligations lui incombant en vertu d’une directive (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, EU:C:2010:115, point 84).
Enfin, s’agissant du reproche de la République italienne adressé à la Commission, consistant à soutenir que le présent recours ne constitue qu’un procès d’intention puisque cet État membre a adopté les mesures nécessaires pour mettre un terme au manquement invoqué, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la Commission, dans le cadre de l’accomplissement de la mission qui lui est dévolue par l’article 258 TFUE, de veiller à l’application des dispositions du traité et de vérifier si les États membres ont agi en conformité avec ces dispositions. Si elle considère qu’un État membre a manqué à ces dernières, il lui incombe d’apprécier l’opportunité d’agir contre cet État, de déterminer les dispositions qu’il a violées et de choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement contre cet État. Lorsque la Commission apprécie seule l’opportunité de l’introduction et du maintien d’un recours en manquement, la Cour est tenue d’examiner si le manquement reproché existe ou non, sans qu’il lui appartienne de se prononcer sur l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts Commission/Luxembourg, C201133/04, EU:C:2005:750, points 66 et 67, ainsi que Commission/Italie, EU:C:2010:115, point 87).
Dans ces conditions, le premier grief de la Commission doit être considéré comme fondé.
Compte tenu de ce qui précède, il convient donc de constater que, en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’une partie des déchets municipaux mis dans les décharges du SubATO de Rome, à l’exclusion de celle de Cecchina, et dans celles du SubATO de Latina, ne soit pas soumise à un traitement comprenant une sélection adéquate des diverses fractions des déchets et la stabilisation de leur fraction organique, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent au titre des dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98 ».
S’agissant du second grief, la Cour rappelle que : « il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 41 du présent arrêt et de la jurisprudence de la Cour qui y est citée, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour.
Dès lors que, en l’espèce, il n’est pas contesté que, à l’échéance du délai fixé dans l’avis motivé, la situation dans la région du Latium ne répondait pas aux exigences découlant de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98, force est de conclure que le second grief est également fondé.
Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas établi, dans la région du Latium, de réseau intégré et adéquat d’installations de gestion des déchets, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
La Cour a donc condamné la République d’Italie :
«en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’une partie des déchets municipaux mis dans les décharges du SubATO de Rome, à l’exclusion de celle de Cecchina, et dans celles du SubATO de Latina, ne soit pas soumise à un traitement comprenant une sélection adéquate des diverses fractions des déchets et la stabilisation de leur fraction organique, a manqué aux obligations qui lui incombent au titre des dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 1, et 6, sous a), de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets, ainsi que des articles 4 et 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives,
et en n’ayant pas établi, dans la région du Latium, de réseau intégré et adéquat d’installations de gestion des déchets, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, a manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/98 ».
[VEIJURIS]
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