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Les chaufferies bois mettent-elles la « Forêt » française en danger ?



  • Le développement accru  des chaufferies collectives à bois en France depuis 10 ans fait parfois craindre aux usagers de la forêt, aux actuels usagers du bois-énergie ou aux industriels du bois, un danger pour la ressource française et une envolée des prix du bois. Les chiffres, publiés par l'ADEME dans l'ouvrage " Les chiffres clés - Énergie & Climat 2009″, montrent quant à eux une réalité plus sereine.

    Le document pointe effectivement à partir de 2003 une évolution plus nette du nombre d'installations de chaufferies industrielles et collectives à bois,  mais selon des valeurs absolues faibles, puisque ce marché passe seulement de 200 unités/an en 2003 à 450 en 2008.

    Le péril viendrait-il du volume de bois consommé en plus chaque année ?

    Les 450 chaufferies mises en place en 2008 consommeront désormais 67 000 tonnes équivalent pétrole de bois en plus chaque année, c'est l'équivalent de deux cargos  de fioul tel que l'Erika qui sombra en 1999 sur les côtes françaises. Ce volume d'énergie correspond également à environ 370 000 m3 de bois.

    Le risque d'une développement trop important des chaufferies pourrait être globalement une tension quantitative si la consommation globale de bois en France se rapprocherait de l'accroissement forestier annuel. Mais sachant qu'il est aujourd'hui admis par tous que plus de 40% de la forêt française n'est pas collectée, sur un accroissement annuel supérieur à 100 millions de m3, un calcul rapide montre qu'il faudrait plus de 100 ans de croissance de la part de marché des chaufferies à bois au rythme actuel pour consommer la quantité de bois aujourd'hui annuellement non utilisée ! Et même en excluant une partie de cette ressource pour des questions écologiques ou d'accessibilité, la marge de croissance reste très confortable.

    Le péril viendrait-il alors de la taille de certaines chaufferies ?

    Comme le montre le diagramme de droite, l'immense majorité des chaufferies à bois françaises est de petite taille, reflétant d'ailleurs la puissance moyenne des chaufferies françaises toutes énergies confondues. Ainsi 91% d'entre elles font moins de 1 MW et 79% d'entre elles font moins de 300 kW. En moyenne et globalement, chacune de ces nouvelles chaufferies consomme donc, toujours selon ces chiffres, un peu plus de 800 m3 de bois par an. Le diagramme de gauche montre par contre que 40 chaufferies de plus de 1 MW  (les 9%) consomment 81% de ces nouvelles quantités mobilisées, soit 7500 m3 par chaufferie, ce qui reste encore très raisonnable, même pour un approvisionnement local. En comparaison, les industries du bois mobilisent des dizaines voire des centaines de milliers de m3 /an sur un même site. Donc, encore une fois, le risque semble pour l'instant marginal.

    Alors pourquoi tant de craintes ?

    Rappelons nous simplement les effets d'annonce néfastes et à répétition des projets dit CRE de ces dernières années, pour la production d'électricité. Il est vrai que ces projets ont des dimensions hors de celles évoquées ci-avant et se rapprochent plus des volumes mobilisés dans les scieries modernes.  Pourtant la forêt ne crie pas au loup lorsqu'un industriel annonce vouloir installer une scierie sur un territoire, le bénéfice étant toujours, pour la forêt et ses propriétaires, de voir apparaitre de nouvelles sources de revenus. Et chacun sait aujourd'hui que consommer le bois qui pousse en forêt est bien plus profitable pour les propriétaires, pour les usagers et pour l'environnement que de le laisser tout pourrir ou d'attendre qu'une tempête ou un incendie  vienne y faire le ménage.

    Mais en l'occurrence, la grande majorité des projets CRE n'a pas vu le jour, faute d'avoir suffisamment considéré deux réalités économiques. La première est que vouloir collecter des volumes importants de matières premières renouvelables et diffuses exige de mettre en face les revenus le permettant; le bois est pondéreux, le coût de transport entre fortement dans son prix de revient et plus une unité de collecte est grande, plus grandes sont les distances d'approvisionnement et plus couteuse est la matière rendue. La seconde est que le bois est le fruit d'un travail, et il est inconcevable que les acteurs de ce travail (sylviculteurs, entrepreneurs) ne retirent eux-aussi quelque avantage à l'éclosion de ces nouveaux marchés.

    Alors saluons ici la clairvoyance des pouvoirs publics français qui ont su rester raisonnables sur les tarifs d'achat au risque, comme c'est aujourd'hui le cas, de ne pas trouver le succès escompté. Car il est bien préférable de pousser raisonnablement les choses pour ne pas induire de distorsions de  marchés qui sont toujours sources d'incohérences. C'est ce qui aurait pu arriver si les projets CRE avaient été dotés de tarifs d'achat de l'électricité très élevés : cela aurait favorisé des projets à faible efficacité énergétique, des consommations très importantes de bois, du gaspillage et des tensions sur la filière. Au lieu de cela, les projets actuels se doivent d'équilibrer leurs comptes avec la vente de chaleur, sont conçus en adéquation avec le marché, la ressource et les besoins, et se font dans des dimensions raisonnables.

    Concluons en disant que maintenant en France, quand des chaufferies bois un peu plus grandes que les autres voient le jour (notre photo), dans les conditions raisonnables telles que celles du fonds chaleur par exemple, alors c'est que les conditions de ressources et de prix étaient réunies, et qu'il n'y a pas matière à craindre pour la forêt française ! " Nous vivons une époque formidable, le progrès fait rage, je vous souhaite le bonjour ! "*.

    Frédéric Douard, Bioénergie International, 21 février 2011

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