Verdiana Protas, 75 ans, s'inquiète de ce que les 20 bovins qu'elle a achetés avec son argent de retraite mourront bientôt parce que la rivière longue de 10 kilomètres dans son village, dans le nord-ouest de la Tanzanie, a tari depuis deux ans maintenant et il est de plus en plus difficile de trouver des sources alternatives d'eau.
Comme les 200 autres familles dans le quartier de Kagondo, dans le district urbain de Bukoba, où Protas vit depuis 40 ans, ses animaux s'abreuvaient dans la rivière, qui était également une source d'eau pour l'usage domestique.
Aujourd'hui, Protas et les autres habitants ne disposent pas d'une source d'eau fiable et ils sont obligés de parcourir de longues distances pour trouver de l'eau pour boire et pour leur bétail, déclare-t-elle. "Certaines personnes marchent sur 10 kilomètres et finissent par obtenir seulement de l'eau souillée", souligne Protas.
D'autres sources naturelles dans la région sont en voie de disparition à cause du manque de pluie et les habitants s'inquiètent pour leur avenir. Bien qu'aucune étude scientifique n'ait été réalisée pour prouver que l'absence de précipitations dans le district urbain de Bukoba est due aux changements climatiques, les habitants sont préoccupés qu'assez de choses n'ont pas été faites pour préserver leurs sources d'eau.
Les cadres de la Communauté de développement d'Afrique australe, qui ont participé au 5ème Dialogue sur l'eau relatif aux stratégies visant à réduire les effets des changements climatiques sur les ressources en eau, étaient réticents à dire que des sources d'eau comme les fleuves et d'autres sources risquent de disparaître à cause des changements climatiques. Cependant, ils étaient d'accord que l'augmentation des niveaux de température pourrait conduire à la disparition des sources d'eau.
Leonard Unganai, un expert des changements climatiques, du 'Coping with Drought and Climate Change project' (Projet d'adaptation aux sécheresses et aux changements climatiques) au Zimbabwe, affirme que certaines parties de l'Afrique ont connu des tendances d'alerte puisque davantage d'eau s'évapore à cause de l'augmentation des températures.
"Le défi avec la science des climats est que nous ne pouvons pas prédire ce qui arriverait dans l'avenir, mais nous prévoyons le scénario le plus probable. Les températures augmentent et cela entraînera un manque de précipitations. Si nous ne gérons pas bien les sources d'eau, il pourrait y avoir des problèmes d'eau", explique Unganai.
Protas s'inquiète que son champ de maïs pourrait aussi échouer à cause des pluies irrégulières qui ont entraîné de faibles rendements.
"Nous avons semé du maïs au début de cette année, mais il n'a pas plu jusqu'à l'approche de la saison des récoltes", souligne Protas.
Sa région est traditionnellement une région productrice de bananes, mais les plantations de bananes ont commencé à s'assécher il y a quelques années, parce qu'elles dépendent fortement de la pluviométrie. L'absence de pluies a obligé la plupart des familles dans la région à commencer à cultiver du maïs comme aliment de base, qui nécessite moins d'eau.
Unganai affirme qu'à travers le continent, des fermiers comme Protas, qui ne dépendent que du maïs comme culture, souffrent à cause du changement des précipitations, comparativement à ceux qui produisent d'autres cultures comme le manioc et les patates douces, qui réclament moins de pluie.
En Tanzanie, la 'National Strategy for Growth and Reduction of Poverty' (Stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté) vise à accroître l'accès à l'eau potable dans les zones rurales, de 53 pour cent en 2003 jusqu'à 65 pour cent en 2010.
Toutefois, des rapports indépendants indiquent que moins de ressources sont allouées pour atteindre de tels objectifs.
Un rapport de 2009 sur l'équité en eau et en assainissement, produit par le 'Tanzania Water and Sanitation Network' (Réseau pour la promotion de l'eau et de l'assainissement en Tanzanie), affirme que les changements climatiques affectent les sources d'eau dans les régions rurales de la Tanzanie.
Le rapport cite le budget 2005-2006 pour le développement du secteur de l'eau, qui prévoit des fonds pour le développement des sources d'eau, comme ayant alloué plus de 80 pour cent du budget aux zones urbaines et moins de 20 pour cent aux zones rurales.
Sylvester Matemu, un responsable du ministère de l'Eau en Tanzanie, indique que les changements climatiques ont non seulement touché les communautés locales, mais que la sécheresse observée actuellement dans certaines régions du pays a également entraîné des pénuries alimentaires.
Toutefois, Matemu affirme que le pays a créé le 'National Adaptation Programme' (Programme national d'adaptation) qui vise à identifier les activités prioritaires pour faire face aux effets des changements climatiques.
"Nous avons décrit la façon de protéger nos sources d'eau et avons créé un réseau afin de suivre les progrès. Nous impliquons également le secteur privé dans le processus", explique Matemu.
Pour Protas et les autres familles dans le nord-ouest de la Tanzanie, leur avenir demeure incertain. Protas déclare que leur seul espoir, c'est lorsque le gouvernement décidera d'agir.
article écrit par Erick Kabendera pour l'agence IPS
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