"Sous la pression des islamistes, plusieurs articles garantissant les droits des femmes et des enfants ont été supprimés" dans le nouveau Code de la famille, a déclaré un collectif d'organisations de la société civile malienne qui a exprimé son indignation.
Ces organisations, qui s'exprimaient devant des journalistes, le 16 décembre, estiment que le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale malienne début-décembre, est un recul de plus de 50 ans en matière de droits humains.
"Depuis plus de dix ans, on attend l'adoption d'un Code de la famille pour que les droits des femmes les lus élémentaires soient respectés. Mais l'Assemblée nationale a adopté, le 2 décembre, un code qui perpétue au contraire les discriminations", a déploré Diawara Bintou Coulibaly, membre de l'Association pour le progrès et le développement des femmes, basée à Bamako, la capitale malienne.
Un premier Code des personnes et de la famille, qui avait fait l'objet de longues années de réflexion et de concertation entre les différents acteurs de la société malienne, avait été adopté par les députés maliens en août 2009.
"Ce code, qui ne consacrait pas l'égalité des sexes, contenait toutefois d'importantes avancées pour les femmes. Mais à la suite des manifestations des forces les plus conservatrices, le président Amadou Toumani Touré avait décidé de ne pas le promulguer et l'avait renvoyé en deuxième lecture" au parlement, a ajouté Coulibaly.
Ce qui indigne les défenseurs des droits de l'Homme est que leurs propositions n'ont pas été prises en compte. Pis, au cours de la révision du code de 2009, les dispositions relatives à l'âge du mariage, à la garde des enfants et à l'héritage, ont subi des modifications qui vont à l'encontre du principe le l'égalité des sexes.
Ainsi, selon l'article 282 du nouveau code, l'âge minimum (qui est actuellement de 18 ans pour les deux sexes) pour contracter un mariage est fixé à 18 ans pour l'homme et à 16 ans pour la femme. "Le chef de la circonscription administrative (le maire) peut, néanmoins, par décision susceptible de recours devant le juge civil, accorder une dispense d'âge pour des motifs graves", souligne l'article.
Pour les défenseurs des droits des enfants, cet article peut porter atteinte aux droits de la jeune fille dont la scolarité pourrait être interrompue à cause du mariage précoce. C'est aussi une question sanitaire.
"Dans plusieurs localités du Mali, des jeunes filles mariées à l'âge de 12, 13 ou 14 ans tombent malades parce qu'elles ne peuvent pas supporter les assauts (nuptiaux) de l'homme. C'es dire que cette loi ne fera qu'aggraver cette pratique", s'inquiète Fatoumata Ciré Diakité, une ancienne diplomate qui milite pour la cause des femmes à Bamako.
En attendant que la loi sur ce nouveau code soit promulguée par le président de la République, les conservateurs se réjouissent de son adoption par les députés. Une de leurs plus grandes satisfactions est la légalisation du mariage religieux qui était jusque-là une formalité coutumière.
"Un mariage officié par n'importe quel imam ou responsable d'une autre religion reconnue, sera légal devant les tribunaux", a souligné à IPS, Issa Diaby, imam d'une mosquée de la capitale.
Les 95 pour cent de la population malienne étant des musulmans, la plupart des couples mariés dans les mosquées n'auront pas besoin d'un mariage civil à la mairie. Mais pour les femmes activistes, la reconnaissance du mariage religieux est une façon d'interdire le régime monogamique pour lequel un couple peut s'engager en se mariant à la mairie.
"L'islam autorise l'homme à épouser quatre femmes, donc on ne demandera même pas aux mariés s'ils veulent signer la monogamie ou pas", explique à IPS, Sanata Ballo, une habitante de Bamako.
Un autre article du code, faisant l'objet de désaccord, porte sur le partage de l'héritage, qui est dévolu selon les règles du droit religieux, du coutumier ou selon des dispositions du code. "Le conjoint survivant a, jusqu'au partage de la succession, un droit d'occupation sur l'immeuble qui lui servait d'habitation", indique l'article 798 du nouveau code.
L'application de cet article pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les veuves et renforcera une injustice dont souffrent certaines d'entre elles. "Nous recevons chaque année des veuves en larmes parce qu'elles sont chassées de leur maison par les parents de leurs époux défunts alors qu'elles ont aidé leur mari, vendu leurs bijoux en or pour que la maison soit construite", souligne à IPS, Safiatou Doumbia, membre de l'Association malienne de suivi et d'appui à la femme et à l'enfant.
Le code ne précise pas les catégories de gens ayant droit au partage de l'héritage du défunt. Selon Doumbia, "si le défunt n'a pas fait un testament, ses biens seront partagés en tenant compte du droit positif et des règles coutumières ou religieuses".
Les cas de veuves chassées concernent des femmes relativement jeunes qui refusent le lévirat. "Leurs enfants étant jeunes, ils sont confiés à la famille du défunt. Les enfants n'appartiennent pas à la femme", explique Ciré Diakité.
Le nouveau code adopté par les députés a été condamné par l'Association malienne des droits de l'Homme, déclare son chargé de programme, Samou Coulibaly. "Nous travaillons avec d'autres organisations de la société civile pour mener d'éventuelles actions afin que les droits des femmes et des enfants soient respectés".
Plusieurs défenseurs des droits humains suspectent les députés d'avoir adopté la nouvelle version du code parce qu'ils soutiennent chacun un candidat en lice pour l'élection présidentielle de 2012 au Mali.
Source : article écrit par Soumaila T. Diarra pour l'Agence IPS
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