Par Marie-Annick Savripène, 8 mars 2013
Ceux qui pensent que la violence basée sur le genre affecte surtout les pays riches et que les pays pauvres en sont épargnés se trompent lourdement. L'étude menée l'an dernier par Gender Links (GL) dans cinq pays de la Communauté de Développement de l'Afrique australe (SADC) et qui a été présentée hier après-midi au Church Centre des Nations Unies, vient démontrer qu'elle a non seulement un visage régional mais aussi universel.
Comme l'a expliqué Colleen Lowe Morna, directrice exécutive de GL, pour pouvoir élaborer des stratégies visant à réduire la violence basée sur le genre, il fallait mieux la cerner. Et ce n'est pas les statistiques disponibles qui auraient pu aider à y voir plus clair car les données sont inadéquates. De plus, les activistes savent que cette violence est toujours sous-rapportée et quand elle l'est, plusieurs plaintes finissent par être retirées par la suite. Et il n'y a aucune information quant aux effets, aux conséquences et aux coûts de cette violence.
Toutes ces raisons ont poussé Gender Links à entreprendre cette vaste étude dans cinq pays de la Communauté de Développement de l'Afrique australe, à savoir dans quatre provinces de l'Afrique du Sud, représentatives de sa population, au Botswana, à Maurice, en Zambie et au Zimbabwe.
Dans le cadre de cette recherche, 16 104 femmes comme hommes ont été interrogés, 1 229 au Botswana, 1357 à Maurice, 1297 en Zambie, 5621 en Afrique du Sud et 6 600 au Zimbabwe. Les interrogés ont répondu aux questions par le biais de Personal Digital Assistant, petit ordinateur leur permettant de cliquer sur la réponse de leur choix en toute intimité. Ils ont ensuite été soumis à un questionnaire de prévalence et d'attitudes. GL a aussi analysé les données émanant du système de justice (police, cours de justice), des services de santé, des abris et d'autres pourvoyeurs de soins aux survivants de violence basée sur le genre.
Les cinq pays faisant partie de l'étude sont pourtant très différents. Mais ils ont de nombreux points communs dès qu'il s'agit de violence basée sur le genre. Ainsi, la violence basée sur le genre oscille entre 89% en Zambie à 24% à Maurice et un pourcentage plus élevé de femmes que d'hommes en ont fait état auprès des autorités. C'est au sein de la maison que la violence basée sur le genre est la plus fréquente dans les cinq pays concernés par l'étude, allant de 90% en Zambie à 23% à Maurice et la forme de violence la plus courante à ces cinq pays est la violence émotionnelle, qui n'est généralement pas prise en compte dans les statistiques policières. Les survivantes des cinq pays rechignent généralement à aller prendre avantage des services qui leur sont offerts.
Cette violence a un coût très élevé pour l'État et par conséquent pour le contribuable. Si de nombreux pays ne l'ont pas chiffré, il est estimé que le Zimbabwe dépense deux millions de dollars zimbabwéens pour traiter les victimes de violence. Pour Colleen Lowe Morna, il n'y a qu'un seul moyen de combattre ce fléau et c'est en travaillant avec les communautés, c'est-à-dire avec les administrations régionales.
Si la majorité des pays concernés ont accueilli les résultats de cette étude avec stupeur, une fois le choc passé, les autorités mauriciennes ont affirmé qu'elles mettraient tout en oeuvre pour barrer la route à la violence envers le genre, le Premier ministre mauricien promettant même d'y apporter un soutien personnel. Le Botswana également n'a pas tardé à réagir par des actes concrets. Les autorités de ce pays ont convoqué 200 chefs de villages et leur ont demandé de contribuer à faire stopper la violence. Ensuite, 25 districts sur 29 ont accepté d'intégrer le genre dans leur pratique. Pour le Botswana, cette étude a servi de réveil et lui permettra de se fixer des objectifs réalistes et réalisables.
Marie-Annick Savripène est journaliste et éditrice du service de commentaires et d'opinions de GL en français. Cet article fait partie de la couverture spéciale accordée à la CSW57 à New York.