Par Marie-Hélène Le Ny 50-50 magazine
Du 30 novembre au 11 décembre prochain, la France accueillera et présidera la 21e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, dite COP21. Elle se tiendra au Bourget, sous les yeux du monde entier. Les femmes sont très largement et durement touchées par les conséquences de ces changements, on les retrouve aussi sur les routes de l’exil et malgré tout elles restent invisibles. Elles sont aussi très nombreuses à se lever pour faire en sorte de contenir les changements climatiques et faire advenir une justice climatique internationale.
Un autre monde est possible nous dit Attac. Pas dans une autre galaxie, pas dans une ennième dimension, pas au prochain millénaire ! Il est en marche dès aujourd’hui, parce que nous le pouvons, parce que nous le voulons, parce que nous le valons ! Nous ? Celles et ceux qui, conscient-e-s des enjeux environnementaux incontournables auxquels nous sommes confronté-e-s, ont décidé de se mettre en action pour affronter et limiter la catastrophe qui commence. Celle du changement climatique en marche et au sujet duquel les 196 signataires de la conférence tenteront de conclure un accord dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C.
La question est trop grave pour l’abandonner aux politiques actuell-e-s, souvent incapables d’imaginer des politiques qui s’écartent du néolibéralisme patriarcal. En effet, la plupart n’en mesurent pas les enjeux ? le nez collés sur leurs mandats, twitter, les chiffres du chômage ou leurs querelles intestines, aux technocrates, aux comptables, aux banquiers et aux dirigeants des multinationales qui tirent les ficelles des commissions spécialisées de tous ordres pour que les traités commerciaux internationaux soient rédigés en leur faveur. Par exemple, l’IASB : International Accounting Standards Board ou Bureau international des normes comptables. L’IASB est un organisme privé de normalisation comptable, fondation de droit américain. Sa légitimité pour édicter des normes pour toute l’industrie européenne est contestée. Indépendant (des institutions publiques) il n’a de compte à rendre à personne sinon aux fondations qui le financent et où l’on retrouve les plus grands établissements financiers et les principaux cabinets d’audit de la planète.
Changements climatiques et changement de paradigme économique !
Pour toutes ces raisons, la COP21 accouchera probablement d’une souris car la lutte contre le réchauffement climatique est incompatible avec les Tafta, Alena et autres traités de libre-échange qui visent au toujours plus de « junkproduction », (qualité, durabilité, utilité et valeur minimales). En promouvant le toujours plus loin, toujours plus vite, toujours moins cher… en exploitant au maximum la misère humaine, en particulier celles les femmes qui sont actuellement les moins représentées au plus haut niveau décisionnel et pourtant les premières à fournir le travail gratuit ou sous-payé qui fait vivre nos sociétés, particulièrement lorsque celles ci ne disposent pas de services sociaux. En délocalisant sans cesse la production là où l’on peut encore s’approprier avec un minimum de contraintes les ressources et la force de travail des humains, ce « libre-échange » contribue fortement à siphonner à très grande vitesse les politiques publiques et les ressources planétaires tout en augmentant tout aussi vite la production de déchets difficiles voire impossibles à éliminer, y compris d’une façon cynique les surplus de femmes et d’hommes improductifs pour une logique comptable. Les déchets industriels eux sont déversés sans vergogne dans les pays les plus pauvres qui ne peuvent les interdire faute d’une société civile assez forte.
Ce commerce international qui ne cherche pas à répondre aux besoins fondamentaux des êtres humains mais à dégager des profits sans limite s’appuie en grande partie sur l’extraction et la consommation accélérée des ressources fossiles, en produisant des quantités toujours plus grande d’un CO2 que la planète ne peut plus recycler.
Rédigés sous la pression des multinationales, de leurs cabinets d’affaires ou d’audit et de lobbyistes qui disposent de milliards pour être « convaincants », ces traités édictent un droit qui leur permettra d’augmenter les profits d’un petit nombre à court terme, en détruisant la vie de toujours plus d’êtres vivants. Valérie Cabanes, cosignataire de « Crime climatique, Stop ! » est juriste et porte-parole du mouvement citoyen mondial End Ecocide on Earth milite pour lever l’impunité des entreprises transnationales en matière de droits humains.
La COP 21 accouchera donc d’une souris car justement un de ses articles constitutifs lui interdit de parler de tout ce qui pourrait limiter ce commerce international. Elle exclut également de ses calculs les activités militaires qui sont pourtant porteuses de destructions, affectant particulièrement les femmes des pays concernés, fortement émettrices de CO2. Le Pentagone est le plus gros émetteur mondial. Si les vols militaires ne représentent que 2% des vols, ils consomment 20% du carburant utilisés pour les avions.
Cette conférence, c’est un peu comme si on réunissait les plus grands médecins au chevet d’un malade pour examiner son cas en leur interdisant d’évoquer les remèdes pour le guérir mais en leur demandant de lui faire recouvrir la santé par des incantations. Alors que les remèdes sont connus et disponibles, on ne pourrait pas y recourir !
Changement climatique, prédations environnementales et régulations internationales contraignantes (maintenant) !
La COP21 accouchera d’une souris puisqu’elle n’a aucun caractère contraignant mais rassemble « les bonnes intentions » des pays qui condescendent à en avoir (moins d’un tiers des pays participants ont annoncé des plans d’action à trois mois du début de la conférence). Ces plans visent le plus souvent des effets autour de 2050, lorsque les signataires ne seront plus « aux affaires », alors que le GIEC tire la sonnette d’alarme depuis plus de 20 ans et que presque rien n’a été fait.
Valérie Masson-Delmotte, climatologue membre du GIEC fait un état des lieux des connaissances scientifiques actuelles sur le climat et sur les impacts de ses changements dans « Crime climatique, Stop ! » dont elle est également cosignataire. Les émissions de CO2 ont explosé depuis 1995 et plus nous différons nos actions moins elles seront efficaces. Le climat ne relève pas du pouvoir des humains. Même s’ils se croient tout puissants ils devront « faire avec » sur toute la surface du globe. Nous pouvons corriger nos erreurs pour limiter le changement mais pas décider de son évolution comme de celle de l’OMC.
La COP21 accouchera sans doute d’une souris, mais il faut profiter de cette grande attention mondiale portée aux questions climatiques pour informer toujours mieux la société civile de leurs enjeux et solutions et de l’urgence à penser et imposer une justice climatique à l’échelle mondiale pour les millions de réfugié-e-s déjà sur les route de l’exil, pour celles et ceux qui ne cesseront de les prendre. N’oublions pas que 50% des refugié-e-s sont des femmes. Souvent confrontées aux violences sexuelles sur les routes de l’exil, leur calvaire reste complètement invisible.
Les climatologues estiment que si la planète subissait un réchauffement de 4°, il atteindrait 6° dans certaines régions de l’Afrique qui sera le continent le plus touché alors qu’il a le moins de responsabilités dans les causes du réchauffement.
Un puissant remède nous est proposé par l’ensemble des autrices et auteurs de l’ouvrage collectif « Crime Climatique Stop ! », publié aux éditions du Seuil à l’initiative d’Attac et 350.org. En s’appuyant sur la proposition de laisser dans le sol 80% des énergies fossiles qui s’y trouvent, cet ouvrage dénonce l’absence de prise en compte de l’urgence climatique pointée par les scientifiques et dévoile un appel de la société civile pour l’insurrection et la mobilisation de toutes et tous pour sortir d’un modèle économique fossile criminel.
Cet appel est initié par Naomi Klein, Desmond Tutu, Vandana Shiva, Kumi Naido, Yeb Saño, Erri de Luca, Bill McKiben, Claude Lorius, Gilles Boeuf, Marie-Monique Robin, Mike Davis, Noam Chomsky, Patrick Chamoiseau, Geneviève Azam et une centaine d’autres intellectuels et militant.e.s pour la justice climatique des cinq continents.
Une pétition est également en ligne sur http://crimesclimatiquesstop.org.
Lisez ce livre passionnant qui ouvre de nouvelles pistes d’actions sans nous menacer « du retour à la bougie » mais nous propose au contraire de créer plus de liens et de donner plus de sens à nos vies en inventant de plus belles façons de vivre que l’esclavage néolibéral.
Partagez-le et contribuez à faire que ce nous atteigne la masse critique qui impulsera le changement de mentalités et de modèle dont nous avons besoin pour passer d’une société d’hyperconsommation mortifère à une société qui réponde d’abord aux besoins fondamentaux de tous les humains en prenant soin de leur maison, la terre qui les abrite et les nourrit. L’économiste Geneviève Azam en signe une conclusion lucide qui nous appelle toutes et tous à un sursaut politique et démocratique, elle sera prochainement invitée dans les colonnes de 50/50Magazine !
Un autre monde est possible, et il nous faut le construire, pour nous, nos enfants et les enfants de nos enfants !
[CdP21-genre]