Quand les observateurs de la société civile sont exclus de la chambre des négociations sur le climat, que des principes d’égalité actés à Genève disparaissent des textes à Bonn, il est urgent de dénoncer les risques de ce manque de transparence et d’alerter le public sur les dangers d’un accord climat qui ne prendrait pas en compte les besoins des populations les plus vulnérables, en particulier les femmes (voir plus loin le témoignage de Nadezda Kutepova).
Un « non-paper[1]» et une gomme magique
Depuis la première session de l'ADP, et tout au long de cette année, les Parties ont lancé des appels pressants pour que les droits humains et l'égalité des sexes deviennent des principes directeurs pour toutes les actions climat. Lundi à Bonn les négociations ont commencé autour d’un projet de texte, un « non paper » produit début octobre, qui effaçait ces questions essentielles. Elles ont été réintégrées mardi, sous la pression des pays du G77, notamment l’Afrique du sud, la Malaisie et les Philippines… Les Philippines actuellement dévastées par le typhon Koppu qui a fait quelque 500.000 sinistrés, dont une grande majorité sont des femmes.
Nous sommes ici au cœur de phénomènes climatiques exceptionnels qui deviennent la norme, et ce réchauffement de la planète est imputable majoritairement à la combustion des énergies fossiles, une cause qui n’est même pas mentionnée dans le document des co-présidents.
Et que dire de l'agenda des solutions, maintenant institutionnalisé au sein de la CCNUCC sous la forme du Paris-Lima Action Agenda (LPAA), où l’on trouve des entreprises pétrolières et gazières ? Leurs intérêts rejoignent-ils vraiment les solutions pour le climat ?
Les femmes proposent de vraies solutions
Les solutions et les recommandations politiques portées par les femmes pour l’accord climat sont entre autres de changer de mode de développement et de viser une réelle transition énergétique et écologique, qui préserve les ressources naturelles et la biodiversité, garantes de l’équilibre des écosystèmes, donc des températures.
Dans les vraies solutions, on placera au premier rang les innovations technologiques décentralisées permettant de produire une énergie 100% renouvelable, avec « l’utilisation de technologies d'adaptation et d'atténuation sûres, appropriées et saines sur le plan écologique, économique et social ».
Des solutions issues de technologies adaptées aux femmes comme aux hommes et de savoir-faire ancestraux déjà mis en œuvre efficacement par les communautés locales notamment les femmes, pourraient être développées localement grâce à des financements climat nouveaux et additionnels, dont des financements dédiés aux femmes.
En effet, sur le terrain les femmes plébiscitent et mettent en œuvre au quotidien des solutions techniques adaptées, abordables et sûres écologiquement et socialement. Des solutions solaires décentralisées, des petites unités de biomasse, des fours efficients[2], mais aussi des solutions systémiques durables telles que l’agriculture biologique - beaucoup moins émettrice de GES que l’agriculture conventionnelle et beaucoup moins dépensière en eau - des solutions d’assainissement qui ne gaspillent pas l’eau potable et précieuse des réseaux de distribution ou des sources naturelles…
Le « non paper » met en avant des contributions privées comme faisant partie des financements climat, or comment garantir qu’ils ne vont pas servir les objectifs des entreprises privées, dont certaines, les « plus grandes émettrices de carbone », sont collectivement responsables des pires contributions à la crise climatique. Les femmes se battent pour que l’accord climat ne permette pas que l’on investisse dans de fausses solutions, couteuses et risquées pour l’humanité, comme par exemple les gaz de schiste, la capture et le stockage de carbone, ou le nucléaire.
Pour les femmes, le nucléaire n’est pas une solution au climat
Certains lobbys énergétiques continuent d’arguer que l’énergie nucléaire apporterait une solution aux changements climatiques car elle est peu génératrice de gaz à effets de serre. Mais ceci fait abstraction de certaines vérités, et notamment que l’énergie nucléaire n’est pas soutenable : elle coûte beaucoup trop cher et est extrêmement risquée pour la santé et l’environnement.
Les risques incontrôlables et incontrôlés liés à la fission nucléaire qui ont conduit aux accidents de Tchernobyl (Ukraine, 1984) et Fukushima (Japon, 2013), auraient dû nous convaincre depuis longtemps d’abandonner cette technologie mortifère. Nos partenaires russes et biélorusses témoignent des souffrances endurées au quotidien à travers les graves maladies de leurs enfants, dues à la contamination radioactive.
En outre, les centrales nucléaires, installées au bord de l’eau, car il en faut de très grandes quantités pour refroidir leurs réacteurs, sont vulnérables à la montée des eaux et aux tempêtes, fortement accentuées par les changements climatiques.
Les mines d’uranium sont une source de pollution extrêmement importante dans les pays en développement, dont les populations ne peuvent se protéger ; des substances chimiques et radioactives sont rejetées dans l’environnement, polluent les sols et les eaux et déciment la faune ; quant au stockage des déchets nucléaires radioactifs, c’est un fardeau insoluble que nous laissons aux générations futures pour les siècles à venir.
Enfin, voici encore une vérité que l’on cache au public : les centrales nucléaires menacent notre sante chaque jour, même dans le cadre d’un fonctionnement normal et sécurisé. En effet, il a été établi que la santé des habitants proches était impactée. Deux études totalement distinctes, menées en Allemagne en 2008 et en France en 2011 (IRSN) ont démontré que le taux de leucémie des enfants habitant dans un rayon de 5 km d’une centrale est significativement plus élevé que pour la moyenne de la population.
C’est pourquoi les femmes, comme la très grande majorité des ONG impliquées dans les négociations sur le Climat, pensent que le nucléaire n’a aucun rôle à jouer dans la décarbonisation des énergies, ni dans la transition énergétique que nous devons opérer.
Les femmes actrices pour la justice climatique
Les femmes du monde, unies à travers plus d’une centaine d’ONG internationales, réclament la justice climatique dans un texte officiel que nous invitons chacune et chacun à signer pour que les Accords de Paris respectent ces points.
Nous avons entendu des pays qui refusent de renoncer à notre civilisation alors qu’elle est confrontée à l'un des plus grands défis de son existence. Nous avons entendu des pays qui demandent à ceux qui ont créé les dommages de les réparer. Nous avons entendu des pays qui mettent en valeur les droits humains et l'égalité des sexes, et qui se battent pour que ces droits soient au cœur de toutes les actions climatiques à venir.
Un témoignage au cœur des débats
Nadezda Kutepova, militante russe et présidente de « Planet of Hope » se bat depuis quinze ans pour la reconnaissance des victimes de la première catastrophe nucléaire survenue en Russie en 1957, à Mayak, une ville qui ne figure pas sur les cartes, dont la population est toujours exposée à un niveau de radioactivité qui justifierait qu’elle soit évacuée… Une population qui ne franchit pas l’âge de cinquante ans et dont les générations à venir sont contaminées avant même leur naissance.
Nadezda porte la voix de l’Appel Mondial des Femmes pour la Justice Climatique,
et elle témoigne de la nécessité d’obtenir un accord qui respecte les droits humains, l’environnement et la biodiversité, ainsi que la transition vers une énergie
sûre et renouvelable à 100%.
Pour l’interviewer, contacter Valérie Domeneghetty – 06 50 82 52 24 – valerie.domeneghetty@wecf.eu
En complément :
Texte de l’Appel Mondial des Femmes pour la Justice Climatique (en plusieurs langues) : http://womenclimatejustice.org
Texte aux présidents de l’ADP de la Women and Gender Constituency (WGC – en pièce jointe)
Texte de position du groupe français Genre et Justice climatique : http://www.adequations.org/spip.php?article2231
Les pages Facebook de l’Appel :
https://www.facebook.com/AppelMondialdesFemmespourlaJusticeClimatique
https://www.facebook.com/WomensGlobalCallforClimateJustice
L’infographie du réseau Sortir du Nucléaire : http://www.sortirdunucleaire.org/infographie-climat
[1] Un « non paper » est un document non officiel
[2] Voir à ce sujet le projet développé en Géorgie http://carbonmarketwatch.org/watch-this-ngo-newsletter-11-equitable-climate-proof-and-providing-sustainable-development-nama-for-the-energy-sector-in-georgia/
[CdP21-genre]