Afin de s’assurer que chaque femme compte et que l’objectif de développement durable 5, « parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » soit réalisé à l’horizon 2030, la Commission de la condition de la femme a tenu une table ronde sur les méthodes novatrices de collecte et d’analyse des données pour mesurer les progrès.
Les participants à ce débat ont souligné la nécessité d’améliorer la collecte de données ainsi que l’établissement et la diffusion de statistiques et d’analyses ventilées par sexe portant sur tous les aspects de la vie des femmes, afin de pouvoir efficacement mesurer les progrès pour les filles et les femmes du monde entier, y compris celles parmi les plus vulnérables comme les femmes rurales qui représentent le quart de la population mondiale.
La disponibilité des données reste un problème, puisque 39% des pays seulement produisent régulièrement des statistiques ventilées par sexe sur les technologies de l’information et des communications, relève par exemple le rapport* du Secrétaire général intitulé « Examen de la mise en œuvre des conclusions concertées adoptées à la quarante-septième session de la Commission de la condition de la femme ». D’où son appel au renforcement de la base de données factuelles relative aux femmes.
Or à l’heure actuelle, des données sont disponibles pour moins d’un quart des indicateurs censés assurer le suivi des aspects sexospécifiques des objectifs de développement durable. Les mégadonnées pourraient pallier à ce manque, ont noté des intervenants à la table ronde.
En effet, face à la réduction des budgets, des sources alternatives de collectes de données comme les mégadonnées peuvent être mises à contribution, a noté Mme Koki Muli Grignon (Kenya), la modératrice de ce débat. Par mégadonnée, il faut entendre une quantité importante de données, tirées des téléphones mobiles, des ordinateurs et des réseaux sociaux, qui sont de plus en plus utilisées par les analystes et les décideurs. Néanmoins, des préoccupations existent en ce qui concerne le respect de la vie privée et les droits de la propriété associés à ces données, ont noté les intervenants. Le défi consiste donc à canaliser les opportunités qu’offrent cette approche tout en en atténuant les risques.
Parmi ces risques, le Directeur des statistiques et de l’information de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), M. Steve MacFeely, a souligné qu’instables de nature, les mégadonnées disponibles aujourd’hui ne le seront plus demain, ce qui présente des défis notables pour leur utilisation.
Abondant dans le même sens, la Directrice adjointe de IT for CHANGE, Mme Nandini Chami, a cité en exemple le cas d’un chercheur au Rwanda, chargé d’évaluer une situation de crise après une inondation. Il avait démontré, mégadonnées à l’appui, que le manque de mobilité de la population était dû à une épidémie de choléra, alors que la vraie raison en était l’inondation des routes. C’est pourquoi elle a mis en garde contre une mauvaise prise en compte des différents éléments contextuels quand on veut s’appuyer sur les mégadonnées qui risquent de donner lieu à de fausses corrélations.
À cela s’ajoutent les risques de partialité pouvant découler de la collecte de données, car ce sont souvent les hommes qui répondent aux questionnaires portant sur les femmes, du haut de leur statut de chef de famille. C’est ce qu’a fait remarquer le Chef du Groupe des observatoires urbains mondiaux au Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), M. Robert P. Ndugwa, avant de miser sur les nouvelles directives mondiales en matière de collecte de données, même si celle-ci relève en premier lieu de la responsabilité des gouvernements.
En matinée, la Commission a également entendu des inquiétudes d’ONG et d’États, dont la Tanzanie, sur le manque de données concernant les femmes rurales. La discussion de cette table ronde portait sur « Le rôle des droits fonciers et de la sécurité d’occupation des terres des femmes rurales dans la réalisation des objectifs de développement durable ».
Les orateurs ont également relevé que lorsque leurs droits fonciers sont protégés, les femmes jouissent d’un meilleur statut social et politique, ce qui débouche sur une plus grande justice économique à leur égard. « Si les femmes rurales avaient le même accès à la terre que les hommes, la production agricole mondiale augmenterait de 30% et cela permettrait de nourrir 150 millions des 815 millions de gens souffrant de la faim à travers le monde », a expliqué Mme Rea Chiongson, juriste spécialiste en genre à l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD).
Malheureusement, les droits des femmes rurales à la terre sont restreints par les lacunes des cadres juridiques et politiques, l’inefficacité de la mise en œuvre, aux niveaux national et local, de lois en leur faveur et, en outre, l’existence de normes et de pratiques sexistes discriminatoires.
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