Une passion contagieuse a conquis la salle du colloque international Du dire au faire ce jeudi 11 septembre alors que l’on abordait la question des conditions et des obstacles à la réussite des stratégies parlementaires pour l’avancement de la cause des femmes.
Dans un discours convaincu, Justine Diffo, coordonatrice du Réseau de soutien à la participation politique du Cameroun, a soulevé deux problèmes quant à la mise en oeuvre et l’implantation de lois concernant l’égalité des femmes : les coûts reliés à ces lois et l’attitude réservée des femmes face à la politique.
« Nous, les femmes, surtout dans l’espace francophone, ne sommes pas très offensives en politique dans les actions de plaidoirie et de lobbying. Il y a cette ‘‘frilosité’’ que l’on remarque dans l’action des femmes », observe-t-elle. Pourtant, l’enjeu est énorme : « Les grandes décisions dans le monde, les politiques stratégiques, les programmes de développement se décident là où il y a le pouvoir. Si les femmes ne sont pas assez courageuses pour accéder à ces sphères, on fera toujours sans elles. Et le résultat, vous savez ce qu’il sera? Les hommes vont continuer de gouverner, et les femmes vont continuer de subir. »
À cette perspective politique selon laquelle « là où il y a la volonté politique, il y a les moyens », on retrouve beaucoup d’adhérentes. Juliette Bonkoungou, ambassadrice du Burkina Faso au Canada, estime qu’il faut tout mettre en œuvre pour faire avancer la cause des femmes, quitte à faire preuve d’opportunisme politique : « On peut amener même les machos les plus récalcitrants, en temps d’élection, à considérer la question des femmes. »
Christiane Pelchat, présidente du Conseil du statut de la femme au Québec, Canada, apporte quelques nuances : « Attention, il ne faut pas juste de l’audace pour de l’audace. Il faut se questionner d’abord : qu’est-ce qu’on va améliorer dans la condition de vie des femmes ? Comment ça va aider, par exemple, à éliminer l’écart entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’échelle salariale ? » Seul le concret compte. L’action concrète vient justifier l’audace. « Oui, c’est vrai, des lois, des observatoires, c’est bien. Mais il faut toujours se ramener à la question : ‘‘Quel est l’impact sur l’amélioration de la vie des femmes?’’ Sinon, ce sont des coups d’épée dans l’eau. »
Les coûts des lois visant l’égalité
L’autre problème gênant l’avancement et l’application des lois réside dans le coût que ces approches représentent dans l’économie « masculine ». Justine Diffo, à ce sujet, parle d’un engagement « chiffré », relié à la reconnaissance du travail des femmes dans le développement. « Presque tous les pays du monde reconnaissent que les femmes comptent. Mais en même temps, elles ne sont presque jamais comptées dans le calcul des facteurs de développement. Pourquoi on ne le fait pas ? C’est simplement parce que, si on comptabilisait bien les efforts des femmes, si on valorisait les efforts que les femmes font dans l’informel, ça engendrerait des coûts. Et qui supporterait ces coûts ? C’est nécessairement l’État. »
Au Québec, le son de cloche est différent. Christiane Pelchat fait appel à une certaine rationalité : « On pense que le coût social est trop élevé pour l’application de certaines lois, comme celle sur l’équité salariale. Mais cet argent qu’on donne aux femmes retourne dans l’économie. Elles sont plus riches, donc elles consomment plus. Elles quittent les programmes d’aide sociale. À chaque fois qu’une législature est appliquée, la société en retire des bénéfices. Et ça, c’est prouvé. »
Justine Diffo, cependant, tient à son approche, et c’est avec véhémence qu’elle la réitère : « Il nous faut des fonds d’appui, axés en termes de stratégie, qui viseraient à appuyer les pays dont la situation est la plus critique. » Elle espère profiter des prochaines assises et de la hardiesse des femmes pour provoquer le changement. « Il est temps que nous franchissions le Rubicon », conclut-elle. Devant sa passion communicatrice, difficile de ne pas acquiescer.
Marie-Eve Lang
Étudiante au doctorat en communication
Université Laval
19/11/24 à 15h53 GMT