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Lutte contre le SIDA au Benin



  • SANTE-BENIN : Témoigner à visage découvert pour faire tomber les tabous du SIDA

    Par Adel Arab

    COTONOU, 12 avr (IPS) - ''Quand on rend des visites à domicile à nos frères malades du SIDA, on constate souvent qu'ils n'ont même pas de quoi manger, ce qui aggrave leur maladie. Même à l'hôpital, ces malades mangent très mal''.

    Cette plainte a été exprimée récemment à IPS par Martin Sèdégla, membre de l'Association des personnes vivant avec le VIH/SIDA (APVVIH) de la commune de Klouékanmé, département du Couffo, dans le sud-ouest du Bénin, en Afrique de l'ouest.

    ''La maladie du SIDA est comme un fleuve en crue qui détruit tout sur son passage'', déclare Ignace Ahouaga, président de l'APVVIH. ''Les malades n'ont pas de moyens pour lutter contre cette maladie, ce qui fait que beaucoup d'entre eux y succombent rapidement''.

    Ahouaga, un homme de 40 ans environ au corps amaigri, raconte avec émotion que c'est le rejet social qui les a incités à créer, en 2003, cette association dont l'objectif premier est la sensibilisation des communautés sur cette maladie et la promotion de l'esprit d'entraide entre ses membres. Elle se bat également pour l'amélioration des conditions de prise en charge des personnes vivant avec le VIH.

    Selon Benoît Daoundo, coordonnateur du projet lutte intégrée contre le SIDA auprès de l'Institut de formation et d'action pour le développement (IFAD) des Initiatives communautaires durables, une organisation non gouvernementale (ONG) basée à Klouékanmé, la prévalence du VIH au niveau national est de 1,9 pour cent alors qu'elle atteindrait les trois pour cent dans le département du Couffo.

    ''Les plus touchés sont les hommes car ils voyagent plus et sont moins fidèles que les femmes'', affirme-t-il, ajoutant que ''La polygamie joue aussi un grand rôle dans la propagation de la maladie''.

    Actuellement, le lévirat, qui est une pratique ancestrale consistant à épouser la femme de son frère défunt, demeure le principal obstacle à surmonter dans la transmission du VIH. Plusieurs hommes sont décédés encore en 2004 pour avoir été contaminés par les veuves de leurs frères morts de SIDA, indique Daoundo à IPS.

    Ignace Dato, directeur exécutif de l'IFAD, indique à IPS que c'est grâce au soutien financier apporté par l'ONG internationale Plan Bénin, basée à Cotonou, au Bénin, et la Fondation américaine pour le développement en Afrique que son organisation intervient dans plusieurs communes du département.

    ''Nous faisons de la lutte intégrée (méthode qui consiste à associer les populations aux actions menées sur le terrain) contre le VIH/SIDA pour accroître les connaissances des communautés sur les IST (Infections sexuellement transmissibles) et le VIH/SIDA'', explique-t-il.

    L'une des principales actions de l'IFAD reste la prise en charge des enfants orphelins du SIDA. ''Nous les dotons en médicaments, en vivres et payons leur scolarité. Nous nous occupons aussi de l'assistance psychologique pour leur permettre de mener une vie sans complexes'', souligne Daoundo à IPS.

    L'organisation assure également et totalement la prise en charge alimentaire et sanitaire des personnes adultes vivant avec le VIH. ''Il n'est pas rare de voir, à cause de la pauvreté, des séropositifs mourir d'un simple rhume ou d'un paludisme'', déplore Daoundo.

    Actuellement, le programme IFAD prend en charge, pour les soins, environ 187 enfants orphelins du SIDA et 80 personnes adultes pauvres vivant avec le VIH, dans la commune de Klouékanmé.

    Selon l'Institut national des statistiques et de l'analyse économique, le Bénin compte 6,7 millions d'habitants, dont plus de 50 pour cent vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins d'un dollar par jour.

    Au niveau national, le nombre de malades pris en charge gratuitement et traités sous médicaments anti-rétroviraux (ARV) était passé de 1.100 en 2002 à 1.800 en 2004 sous le contrôle du Programme national de lutte contre le SIDA (PNLS). Environ 80 pour cent de ces malades payaient environ deux dollars par mois pour obtenir des ARV subventionnées par l'Etat, alors que le coût réel du traitement varie entre 160 et 500 dollars environ.

    Pour aider les malades, le Bénin reçoit un appui du Fonds mondial contre le SIDA. Selon le PNLS, les fonds mobilisés pour le Bénin, pour la période 2003-2005, s'élèvent à environ 11,384 millions de dollars. Il vient d'obtenir, en mars, une nouvelle subvention pour prendre en charge jusqu'à 6.000 malades.

    L'IFAD a mis également en place des clubs de promotion de la santé de la reproduction, qui s'occupent de la sensibilisation des enfants sur le SIDA, dans certains établissements scolaires de la région. Pour ce faire, 150 relais communautaires ont été identifiés et formés; et sont chargés de faire de la sensibilisation de proximité, à travers des projections de films documentaires, des sketchs...

    Pour convaincre les populations de l'existence du SIDA dans ce département et faire tomber les tabous qui l'entourent, les responsables de ce programme recourent aux témoignages, à visage découvert, de personnes vivant avec le VIH.

    ''Les villageois ont compris, qu'en cas d'infection, il ne sert à rien de se cacher et qu'il vaut mieux sortir de l'anonymat et se faire soigner'', affirme Daoundo à IPS. ''Grâce à cette méthode, nous avons pu démystifier cette maladie car les gens savent maintenant qu'on peut vivre sans risque avec un sidéen''.

    Selon Daoundo, le plus grand succès de cette approche est que les séropositifs ne se cachent plus. ''Ils viennent souvent nous voir pour solliciter notre aide''. Les témoignages se font généralement à la radio, à la télévision et dans les communautés elles-mêmes.

    ''C'est la meilleure manière de gagner la bataille contre la stigmatisation des malades. Cela peut paraître un peu difficile au début, mais à force de persévérer, nous arrivons toujours à changer la mentalité des gens'', déclare Ahouaga, lui-même une personne vivant avec le VIH. Il explique que le VIH/SIDA a disloqué des couples et des familles entières.

    Par ailleurs, l'ONG Plan Bénin et la Banque mondiale ont aidé l'APVVIH à développer un projet d'élevage d'agoutis, qui contribue à financer de petites activités commerciales pour les femmes de l'association. Grâce à ce projet, l'association parvient à constituer des réserves d'aliments pour les malades démunis et subvenir à quelques besoins des familles les plus touchées.

    En dépit des grandes avancées réalisées par l'Association des personnes vivant avec le VIH/SIDA, son président Ahouaga affiche un air inquiet car l'IFAD, leur principal appui, n'a plus assez de moyens financiers pour continuer à soutenir leurs actions. (FIN/2005)

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    M. Adel ARAB

    Grand Reporter - Photographe
    (Correspondant: IPS (Inter Press Service News Agency)
    Syfia International - Media24 News Agency)
    Consultant International
    (Médias - Communication & Développement International)

    BP.23 489 Dakar-Ponty
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