Après une première semaine de négociation à Cancun, deux constats peuvent être faits : les plaies de Copenhague n'ont pas entièrement cicatrisé et le résultat à venir demeure imprévisible.
Il est maintenant certain que la Conférence n'aboutira pas à un accord sur un régime du climat pour l'après 2012. On craint désormais à Cancun une issue similaire à celle qui a donné naissance aux accords commerciaux internationaux, parfaite illustration d'un multilatéralisme minimaliste.
En 2009, Copenhague avait laissé entrevoir les limites du processus des négociations des changements climatiques avec toute la controverse dont on se souvient autour de l'Accord de Copenhague. En 2010, l'impact de cette polémique ne s'est pas fait attendre avec la manifestation d'une crise de confiance entre pays en développement et pays développés et un processus onusien largement critiqué pour son manque de transparence.
Quelles attentes pour Cancun?
À Cancun, l'idée est de parvenir à une série de décisions sur des enjeux sur lesquels les discussions semblent assez matures pour parvenir au consensus. Si les pays parviennent à s'entendre sur des décisions clés ponctuelles, tel l'octroi immédiat de financement pour soulager les pays en développement face aux impacts négatifs des changements climatiques, le processus de négociation regagnera la crédibilité perdue à Copenhague.
Au contraire, si les désaccords persistent, notamment sur la reconduction du Protocole de Kyoto après 2012, c'est alors la confiance envers les institutions chargées de faciliter l'atteinte d'un accord sur les changements climatiques qui risque d'être affectée. La continuité du processus multilatéral onusien serait alors mise en péril.
Le bilatéralisme : une option attrayante
Plusieurs pays, tels le Japon, ont annoncé à plusieurs reprises cette année qu'ils ne poursuivraient pas leur engagement dans le cadre du Protocole de Kyoto. Pour la période de l'après 2012, le Japon envisage d'autres voies pour gérer ses émissions. Hormis des mesures nationales, l'acquisition de réductions d'émissions réalisées dans des pays en développement par le bais d'ententes bilatérales est une option.
Des pays de l'Union européenne ont également exprimé une idée similaire en favorisant la réalisation de projets d'atténuation dans les pays les moins avancés et les pays d'Afrique, éventuellement par la voie bilatérale.
Le commerce international au "secours" du processus multilatéral
L'option ultime, qui n'est pas pour l'instant officiellement discutée à la table des négociations, est l'utilisation des restrictions commerciales pour contester les législations moins contraignantes en matière d'environnement dans un pays partenaire commercial.
En 2009, l'Union européenne envisageait ainsi la mise en place d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe afin de contraindre ses partenaires commerciaux à appliquer des réglementations d'émissions de GES similaires.
Une législation proposée aux États-Unis en 2009 faisait également état de cette possibilité. Aujourd'hui, avec la mise à l'écart de la menace formulée par l'Union européenne et l'abandon par les États-Unis de son projet de loi, ces alternatives parallèles au processus de négociation ne constituent plus des options sérieuses.
Les taxes carbone
Il n'en demeure pas moins que ces menaces d'imposer des taxes carbone à l'importation incitent les pays en développement à prendre les devants. Ils demandent qu'apparaissent dans l'entente l'interdiction des restrictions commerciales basées sur des motifs environnementaux.
Par ailleurs, les barrières commerciales non-tarifaires demeurent un moyen déguisé envisageable pour bon nombre de pays. Elles auraient comme but de remédier aux distorsions de concurrence qui peuvent apparaître suite aux refus de certains partenaires commerciaux d'adopter des contraintes significatives sur les émissions de GES.
Le recours au commerce : une voie d'action à réglementer
Dans une logique similaire, les pays en développement appréhendent que les mesures d'atténuation des pays développés n'affectent le développement de leurs économies, déjà fragiles et souvent peu diversifiées.
Par exemple, très concrètement, les pays exportateurs de pétrole craignent que la réduction de la dépendance aux énergies fossiles dans les pays développés n'entraînent des pertes économiques pour eux. En conséquence, ils souhaitent obtenir une garantie de la part des pays développés qu'en prenant de telles mesures, ils justifient et atténuent les impacts économiques négatifs de leurs actions. Pour certains, cette garantie passerait par l'examen des politiques nationales d'atténuation des pays développés par un forum indépendant.
Une telle idée est inadmissible aux yeux des pays développés qui disent déjà prendre en compte les éventuels impacts de leurs mesures.
On constate donc que les pays qui veulent agir dans la lutte aux changements climatiques disposent de quelques options hors du cadre onusien pour faire avancer leur cause. Pour l'instant, tous les efforts se concentrent à Cancun sur une solution négociée entre toutes les parties.
Toutefois, si la négociation échoue, certains pourraient être tentés de se tourner vers les options commerciales ou bilatérales, tout simplement.
Par Caroline De Vit et Jean Nolet, ÉcoRessources Consultants
Mots clés : commerce international, gaz à effet de serre (GES), pays en développement, Accord de Copenhague, ententes bilatérales, atténuation, changements climatiques, pays développés.
[COP16-climat]
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