Depuis la Conférence sur le climat de Bali en 2007, les pays tentent de s'entendre sur un accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées au déboisement et à la dégradation des forêts, communément appelé accord REDD. Pour parvenir à un tel accord, le financement des activités REDD est crucial. Or à Cancun, des pays aux idéologies diamétralement opposées, tels l'Arabie Saoudite et la Bolivie, bloquent les négociations sur le financement du REDD et la création de son mécanisme d'application.
Pourquoi le REDD est-il si important?
Entre 2000 et 2009, 32 millions d'acres de forêt ont été coupés ou brûlés, à chaque année. À elles seules les émissions dues à ces pratiques dépassent les émissions dues au transport. En 2005 par exemple, on estime que le déboisement et la dégradation des forêts étaient responsables de 25 % des émissions mondiales de GES.
Il semble donc logique de remédier à cette source importante
d'émissions dans le cadre des efforts de lutte contre les changements
climatiques.
Stocker plutôt que déboiser
Une autre manière de réduire les émissions mondiales de GES serait de promouvoir les activités de conservation des forêts qui disposent d'un grand potentiel d'absorption et de stockage de carbone. En 2008, l'importance de la fonction de stockage de carbone des forêts, grâce aux activités de conservation, a été reconnue en baptisant le futur accord international REDD-Plus ou REDD+. Cette proposition a ensuite été mise en évidence notamment dans l'Accord de Copenhague.
Dans les pays en développement, le principal obstacle à l'utilisation du potentiel d'atténuation des forêts réside à fournir des incitatifs plus forts ou tout aussi forts que ceux encourageant le déboisement et la dégradation des forêts. La forêt représentant une source primordiale de revenus directs ou indirects dans ces pays forestiers, tout se résume donc à une question de financement.
Le financement : un élément crucial
Le coût relatif à l'arrêt des émissions nettes de dioxyde de carbone des forêts est estimé entre 17 et 28 milliards de $US par an. Cette somme est identique à celle que les pays développés ont avancée en vertu de l'Accord de Copenhague pour la période de 2010 à 2012. Sachant que les 30 milliards de dollars américains engagés à Copenhague doivent financer diverses mesures prises par les pays en développement en atténuation et en adaptation, il est clair que le REDD+ ne pourra pas compter sur cette somme pour se réaliser.
Utiliser les Fonds et mécanismes de marché
Prenant les devants, les pays en développement présentent plusieurs options de financement afin de s'assurer qu'un minimum d'argent leur sera octroyé. Parmi ces options, le financement par le biais de mécanismes de marché (i.e.vente de crédits carbone) et par le biais d'institutions financières multilatérales sont envisagés. Certes, les pays en développement perçoivent le financement provenant de fonds publics plus sécuritaire que celui provenant du marché. Par contre, ils craignent que l'ampleur du financement public se trouve vite limité, en raison de leurs besoins financiers croissants dans divers secteurs et en adaptation. Le financement issu du marché du carbone, quant à lui, proviendrait de l'octroi ou de la vente de crédits carbone pour chaque tonne de carbone conservée ou séquestrée grâce à des activités de préservation de la forêt. Ce mode de financement est toutefois loin de faire l'objet d'un consensus.
Les obstacles au développement de marchés du carbone
La solution du marché existe déjà, avec des initiatives REDD volontaires qui donnent lieu à des crédits, souvent bon marché, qui s'échangent de gré à gré. Par exemple, au Paraguay, le projet de la réserve de la Biosphère Mbaracayu permet la réduction de plus de 27 millions de GES sur une période de 35 ans. Toutefois, avec des prix en dessous de ceux du marché, qui s'expliquent notamment par les risques associés aux crédits REDD, la formule n’est pas très populaire et tend à ne pas être imitée.
Pour que le crédit de carbone préserve toute sa valeur, la permanence de la séquestration dans les forêts doit être assurée. Or les risques d'incendies, de coupes illégales, d'invasions d'insectes, entre autres, peuvent affecter la quantité de carbone séquestré et menacer la crédibilité des crédits. Des mesures préventives doivent donc être instaurées et valorisées.
À ce jour, sur le marché volontaire, la mise en réserve de crédits
qui visent à remplacer si nécessaire ceux perdant leur valeur, pare aux
risques de non permanence. Quelques expériences à ce jour ont démontré
que ce mécanisme attire la confiance des acheteurs de crédits avec plus de 20 projets dans le monde.
Par ailleurs, des critiques fusent quant à l'accessibilité aux projets REDD. Certains estiment qu'ils ne profitent qu'aux pays ayant déjà un environnement favorable aux investissements, comme par exemple au Brésil ou en Indonésie. Des pays pauvres, qui gagneraient à intégrer des projets REDD, en seraient privés. Cela constitue aussi un obstacle au recours au marché.
Le noeud du blocage
À Cancun, l'Arabie Saoudite ainsi que la Bolivie se sont montré sceptiques à l'égard des mécanismes de marché. Pour l'Arabie Saoudite, le secteur forestier des pays en développement ne doit pas donner l'opportunité aux pays développés d'acquérir des crédits à bas prix qui leur permettraient de se conformer à leurs engagements de réduction en compensant leurs émissions de GES. Quant à la Bolivie, son gouvernement estime que les mécanismes de marché ne doivent pas être l'occasion pour les pays développés de se démettre de leurs engagements financiers envers les pays en développement. Il réclame de l'argent neuf, dédié spécifiquement aux forêts.
Tant que la question du financement n'est pas réglée, le REDD ne pourra pas avancer, ni dans les négociations ni dans le cadre de projets sur le terrain. Malgré le blocage actuel, le REDD représente un des enjeux sur lequel les négociateurs sont le plus optimistes, compte tenu des avancées significatives des deux dernières années. En fait, le dernier noeud de blocage pourrait bien faire durer le suspens sur le REDD.
Par Caroline De Vit, ÉcoRessources Consultants
Mots-clés : Bali, REDD, REDD+, mécanismes de marché, crédit de carbone.
[COP16-climat]
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