Dans un article publié le 7 mai 2012 par
l'IISD, Callixte d'Offay, Secrétaire général de la
Commission de l'Océan Indien (COI), appelle la communauté internationale à une prise en compte accrue des spécificités des Petits États Insulaires en Développement (PEID). A quelques semaines du Sommet de Rio, il plaide "pour un traitement spécial et différencié" de ces îles.
" Les îles sont les baromètres des politiques environnementales de la communauté internationale. C'est en premier lieu sur nos îles que le monde verra leur succès ou leur échec ". Ces propos de James Michel, président des Seychelles, méritent d'être relayés haut et fort à l'heure où les délégués des Petits Etats insulaires en Développement (PEID) s'apprêtent à défendre leurs positions à Rio. Les PEID sont en effet les sentinelles d'une " planète sous pression " dont nul ne sait dire encore où se situe le seuil d'irréversibilité. Ces préoccupations sont au coeur de l'action de la Commission de l'Océan Indien (COI), la seule organisation intergouvernementale africaine composée exclusivement d'îles. Elle sera donc à Rio pour porter la voix de ses États membres : l'Union des Comores, la France/ Réunion, Madagascar, Maurice et les Seychelles. Pour rappeler à tous les vulnérabilités particulières de " ses " îles et plaider pour un traitement spécial et différencié de la part de la communauté internationale.
Présidée par les Seychelles depuis janvier 2012, la COI pourra compter à Rio sur le leadership et la détermination de M. James Michel pour délivrer son message aux nations. En février 2012, au Sommet mondial du Développement Durable de Delhi, il a déploré l'inaction de la communauté internationale face au changement climatique, 20 ans après le 1er Sommet de Rio, soulignant ainsi le caractère indissociable de deux défis majeurs de ce siècle, le développement durable et le changement climatique.
Quel que soit le contexte de crise et d'incertitude que nous traversons, l'heure n'est donc plus aux paroles, mais à l'action. Tous les signaux sont au rouge et le coût de l'inaction va devenir exorbitant.
Les impacts du changement climatique sont déjà une réalité pour nos îles. Ils mettent en danger l'équilibre fragile de nos écosystèmes, connus pour leur extraordinaire richesse, et déjà mis à mal par un développement souvent peu adapté. Ils menacent aussi nos économies, particulièrement vulnérables, ainsi que les efforts engagés de développement durable et de lutte contre la pauvreté.
A Madagascar, on observe par exemple que le nombre de cyclones intenses a presque triplé entre 1975 et 2004. Et au niveau mondial, il semble que la fréquence des cyclones très intenses augmente. Pour la " Grande Île ", qui figure parmi les 10 pays au monde les plus exposés aux cyclones, cette tendance est d'autant plus inquiétante que 65% de sa population vit le long des côtes et que le redressement socioéconomique post-cyclonique prend en moyenne 5 ans. On pourrait aussi évoquer les conséquences du blanchiment des coraux sur la biodiversité marine et l'attrait touristique de nos îles, ou encore les questions devenues critiques de sécurité alimentaire et de gestion des ressources en eau douce.
De par sa dimension multisectorielle, le changement climatique crée des défis nouveaux et essentiels pour la COI, dont la mobilisation a pris de l'ampleur ces dernières années. C'est dans ce contexte que ses 5 pays membres ont lancé en 2008 le projet
Acclimate, pour les aider à renforcer leurs capacités d'adaptation. Premier projet de ce genre dans le sud-ouest de l'océan Indien, Acclimate s'est attelé à créer le profil climatique de la région et à définir pour chaque pays le degré de vulnérabilité de 12 secteurs clés (sécurité alimentaire, eau, biodiversité, infrastructures...).
Ce processus a permis d'ébaucher les grandes lignes d'une stratégie régionale d'adaptation, véritable feuille de route pour façonner l'action régionale. Une fois validée, cette stratégie sera un atout pour la région en lui permettant de renforcer son action sur la lutte contre le changement climatique. Et les conditions sont désormais réunies pour envisager la création d'un pôle régional de ressources sur le climat et l'adaptation, à l'instar de celui qui vient d'être institué en Afrique australe (SASSCAL). Outre le fait de développer le partage des connaissances et des bonnes pratiques, un tel dispositif permettrait de mutualiser les compétences dans les domaines de la science, de la formation et de l'expertise technique, de canaliser des financements pour l'adaptation des pays de la région, ou encore d'appuyer leurs positions au sein des instances de négociations internationales sur le climat.
Autant de perspectives qui encouragent la COI à poursuivre dans cette direction. D'autres projets travaillent déjà dans ce sens : le projet d'adaptation de la petite agriculture au changement climatique (IRACC) et le projet Risques naturels. Plus récemment, le projet ISLANDS, chargé de donner corps à la Stratégie de Maurice dans la région, intègre la lutte contre le changement climatique dans la problématique du développement durable des PEID.
Depuis 1992, la COI reste la seule plateforme régionale engagée dans la démarche SIDS et développement durable dans l'océan Indien. Mais maintenant, c'est une véritable coopération entre PEID qu'elle ambitionne. Le Sommet de Rio sera d'ailleurs l'occasion pour elle de signer deux protocoles de collaboration avec le SPREP et le CCCCC. Ces passerelles ouvrent la voie d'une coopération " SIDS-SIDS ", une autre coopération Sud-Sud, qui doit obtenir un changement de l'architecture actuelle du " financement climatique ", afin qu'elle soit plus adaptée aux spécificités des PEID.
Callixte D'OFFAY
Secrétaire Général de la COI