Ce texte est le premier de 2 articles. Il a été co-rédigé avec Monique Henry du CEGEP de St-Laurent (Québec)
C'est au tout début du 20ème siècle que la chloration de l'eau a été implantée dans la petite ville de Middelkerke, en Belgique... Puis, ce fut le tour de Londres... On savait déjà que l'eau, source de toute vie, pouvait aussi être source de graves épidémies. C'est pourquoi, actuellement, l'eau de consommation doit le plus souvent être convenablement traitée de façon à limiter la propagation des maladies d'origine hydrique en inactivant les organismes pathogènes qu'elle est susceptible de contenir.
Aux États-Unis, par exemple, l'introduction de la désinfection et de la filtration a permis d'éradiquer plusieurs maladies comme la typhoïde ou le choléra en quelques années seulement.
Cependant, en 2012, l'accès à une eau "potable" est loin d'être universel... Selon le rapport 2012 du Programme commun OMS/UNICEF de surveillance de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement, plus de 780 millions de personnes (11% de la population mondiale) n'avaient toujours pas accès à une "source d'eau de consommation améliorée" en 2010. Selon les mêmes sources, près de 2,5 milliards de personnes n'auraient actuellement pas encore accès à des services d'assainissement améliorés.
Les bactéries pathogènes, les virus, les protozoaires parasites sont les principaux responsables des risques sanitaires liés à l'eau. Les populations peuvent être infectées par ingestion, par les aérosols, les douches, la baignade, les lavages... Certaines affections sont extrêmement dangereuses, voire mortelles (choléra, hépatite...), d'autres entraînent surtout des diarrhées mais qui compromettent gravement la santé des personnes les plus fragiles : jeunes enfants, personnes âgées ou de faible résistance immunitaire. Ces personnes deviennent alors encore plus vulnérables...
Ces maladies frappent partout dans le monde, même dans les pays riches... On estime que cinq millions de personnes meurent chaque année de maladies hydriques... et, même les eaux souterraines, autrefois considérées comme "saines", échappent de moins en moins à la nécessité de la désinfection (sauf les nappes captives bien protégées).
Cependant, malgré plus de 100 ans d'expérience, les spécialistes de l'eau et de l'assainissement sont encore loin de maîtriser tous les aspects de la désinfection... À titre d'exemples, voici quelques-unes des questions qui se sont posées au fil des ans :
-Quel agent faut-il utiliser ? Le chlore est-il la panacée ? Les autres oxydants comme l'ozone, le bioxyde de chlore, le peroxyde d'hydrogène, les chloramines... ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients... Les agents "physiques" comme les rayons ultra-violets ont-ils la même fiabilité?
-Où et quand faut-il désinfecter?... à quelle dose ? Comment tenir compte de la chaîne de traitement préalable, s'assurer que les "bonnes pratiques" sont respectées?
-Quels sont les sous-produits générés par ces différents oxydants : trihalométhanes, acides haloacétiques, halocétones... Quels sont les effets à long terme de ces substances et, de ce fait, doit-on remettre en question la désinfection ?
-Comment vérifier l'efficacité de nos pratiques ? Comment établir des normes ? Que choisir comme organismes indicateurs ? Et ce choix s'applique t-il aussi bien à l'Europe qu'à l'Afrique?
-Quels efforts de formation et d'information reste-t-il à faire ? Pour faire le thé, les Inuits du Canada préfèrent souvent l'eau de la rivière à l'eau distribuée du fait de sa trop forte odeur de chlore...
On a souvent accusé les traiteurs d'eau de nous faire boire une "soupe chimique". Pourtant, on s'accorde généralement sur la nécessité absolue de la désinfection (qui a largement fait ses preuves) tout en souhaitant l'améliorer : certains pays riches "chlorent" puis "déchlorent" l'eau avant la distribution (le réseau doit alors être en parfait état...)... On met aussi beaucoup d'espoir dans les traitements membranaires qui permettront d'éliminer les polluants sans ajouter de produits chimiques...
Pendant ce temps, les microorganismes responsables de problèmes de santé publique se multiplient, changent ou sont récemment identifiés et il est probable que le phénomène va s'accentuer avec les changements climatiques et avec la généralisation de l'assainissement qui en concentre certains particulièrement résistants dans les résidus d'épuration.
Longtemps, les seuls organismes indicateurs de pollution de l'eau ont été les coliformes et plus particulièrement les coliformes fécaux. Ces derniers avaient l'avantage de signaler une contamination d'origine fécale (animale ou humaine) et de se déterminer relativement facilement, par exemple en analysant 100 ml d'eau...
Actuellement, et suite aux problèmes posés par les virus entériques mais aussi par les kystes de Giardia Lambia ou les oocystes de Cryptosporidium en Amérique du nord, ce sont ces trois types d'organismes que l'on veut éliminer. En effet, de graves épidémies ont eu lieu alors même que les normes "classiques" sur les coliformes étaient respectées! On ne cherche même pas à mesurer ces pathogènes, ni avant ni après le traitement, en particulier parce que leur dénombrement est complexe et coûteux. L'idée directrice étant que, si on a pris les moyens nécessaires pour que l'eau soit exempte de ces microorganismes extrêmement résistants, a fortiori, les autres en seront absents. L'important, ce sont donc les moyens dont on dispose : les caractéristiques des stations, leur bon fonctionnement et la compétence des opérateurs!
Alors que certains pensaient que la désinfection constituait l'étape finale, incontournable du processus de production d'eau potable, on s'accorde maintenant sur l'importance du traitement préalable et sur la nécessité de BARRIÈRES MULTIPLES pour assurer l'élimination des pathogènes. À la barrière chimique - assurée par les oxydants - doit être associée une barrière physique - essentiellement une filtration efficace - elle-même fonction des étapes précédentes et qui permet d'éliminer plus de 95% de la contamination...
On parle donc d'ENLÈVEMENT et d'INACTIVATION et les normes visent à s'assurer que les stations réunissent ces deux aspects complémentaires.
[TECHEAUA]
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