Dix ans après l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, des signes positifs se font jour, cet instrument faisant de plus en plus office de norme au plan international. Pourtant, certains États rechignent encore à reconnaître les peuples autochtones en tant que tels. C’est le constat dressé aujourd’hui par la Rapporteuse spéciale sur cette question, Mme Victoria Tauli-Corpuz devant la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles.
Les peuples autochtones, qui comptent selon l’UNESCO au moins 370 millions de personnes, représentent plus de la moitié de la diversité culturelle du monde et parlent quelque 7 000 langues vivantes. On les trouve dans toutes les régions du monde et ils occupent ou utilisent 22% des terres de la planète.
Ce sont aussi des populations largement défavorisées et vulnérables. S’ils ne forment que 5% de la population mondiale, ils représentent 15% des pauvres et 33% de ceux qui vivent dans l’extrême pauvreté, a rappelé la Rapporteuse spéciale.
Dans son rapport, Mme Tauli-Corpuz se félicite que la Déclaration soit désormais largement reconnue, y compris par les quatre États qui s’étaient initialement opposés à son adoption. Document sans portée juridique contraignante, la Déclaration est néanmoins devenue une source de jurisprudence pour les mécanismes régionaux des droits de l’homme, notamment pour la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, a pu faire valoir la Rapporteuse spéciale et cela alors même que, comme l’a rappelé le représentant de la Chine lors du débat, il n’existe pas de consensus sur la définition d’un « peuple autochtone ».
La reconnaissance dont jouit la Déclaration se traduit également au niveau national. Certains États comme l’Équateur, la Bolivie, le Kenya ou El Salvador n’ont pas hésité à amender leur Constitution pour y incorporer les droits des peuples autochtones. D’autres pays envisagent de faire de même, comme l’Australie, le Népal et le Guatemala, d’autres encore ayant simplement transcrit la Déclaration dans leurs lois et politiques.
Le débat, dominé par les interventions de groupes et pays latino-américains et caribéens -la moitié des interventions- a permis à de nombreux États de mettre en avant les mesures prises en faveur de leur population autochtone. Aussi bien les États membres de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) que de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ont insisté sur les mesures prises pour assurer la participation effective des peuples autochtones aux prises de décisions qui les concernent directement.
La Bolivie, dont la population est composée à 60% de personnes autochtones et qui a porté l’une d’elle, Evo Morales Ayma, à sa tête en 2006, s’est ainsi enorgueillie d’être le seul pays à avoir ratifié par loi la Déclaration de 2007, avant de se transformer en 2009 en « État plurinational » fondé sur la pluralité culturelle et le respect des droits des peuples autochtones. Le Pérou s’est, quant à lui, présenté comme le premier pays de la région à avoir adopté une loi instaurant le droit à la consultation préalable des peuples autochtones et originaires.
Ailleurs dans le monde, le Canada, qui considère désormais que la Déclaration contient les normes nécessaires pour « faire rayonner la réconciliation », a déclaré être guidé dans son action par le principe d’une reconnaissance du droit des peuples autochtones à l’autodétermination. Les pays nordiques ont expliqué avoir mis en place des parlements saami avec la participation desquels ils mettent désormais au point un projet de convention nordique sur les Saami. Enfin, les Philippines, qui comptent 14 millions d’autochtones, ont expliqué avoir élargi l’accès à la commission chargée de rédiger la loi qui créera la nouvelle région autonome de Mindanao, afin de mieux inclure la population autochtone.
Il existe aussi des points plus négatifs, au titre desquels Mme Tauli-Corpuz a mentionné les barrières que certains États opposent à la mise en œuvre de la Déclaration. En outre, même si de nombreux États adoptent des législations en faveur des peuples autochtones, certaines s’avèrent incompatibles avec d’autres lois en vigueur, notamment celles qui traitent de l’agriculture et de la terre, de la conservation ou des industries forestières ou minières. La Rapporteuse spéciale a donc appelé les États à harmoniser leur législation avec leurs obligations internationales et à garantir la pleine participation des peuples autochtones aux processus de prise de décisions sur les questions qui les concernent.
Mme Tauli-Corpuz a aussi dénoncé les cas d’agression ou d’attaques contre des dirigeants autochtones ou des défenseurs des droits de l’homme des peuples autochtones rapportés dans de multiples pays. L’Union européenne, le Canada et la Norvège ont dit considérer la protection de ces défenseurs comme une question prioritaire.
La Rapporteuse spéciale a enfin regretté un manque de cohérence au sein même des Nations Unies, regrettant que les peuples autochtones y soient parfois considérés comme un obstacle au progrès et au développement. Pourtant, comme l’a fait observer le représentant de l’Organisation internationale du Travail (OIT), la ratification par tous les États de la Convention no 169 de cette organisation, relative aux peuples indigènes et tribaux, « seul traité international spécifiquement dédié aux droits des peuples autochtones », serait un moyen de faire avancer les objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones.
Compte rendu de l'ONU
Droits des peuples autochtones Note du Secrétaire général
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