Comprendre et gérer les risques de sécurité liés au climat, c’est ce que le Conseil de sécurité s’est efforcé de faire aujourd’hui, avec l’aide de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, du Ministre iraquien des ressources hydriques, de la représentante du Forum international des populations autochtones sur les changements climatiques et du Président de Nauru.
L’impact des changements climatiques va bien au-delà de l’aspect strictement environnemental, a estimé d’emblée Mme Amina J. Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, qui est revenue sur la visite qu’elle vient d’effectuer dans la région du lac Tchad. « Qu’est-ce qui a finalement été à l’origine du conflit? La disparition du lac est un des facteurs clefs », a-t-elle dit, en reprenant les propos du Secrétaire exécutif de la Commission du bassin du lac Tchad. Les changements climatiques sont un « multiplicateur de risques », a averti la Vice-Secrétaire générale.
La course aux ressources limitées, la destruction des infrastructures essentielles, l’interruption des services publics et le déplacement massif des populations sont un test pour la résilience des institutions et des structures de gouvernance, a acquiescé le Président de Nauru, au nom des 12 petits États insulaires en développement du Pacifique. En Iraq, l’absence d’accords bilatéraux et multilatéraux applicables à l’utilisation raisonnable et équitable de l’eau pointe déjà vers des conflits potentiels, a alerté le Ministre des ressources hydriques de l’Iraq, M. Hassan Janabi.
Lorsque la survie d’une communauté dépend de son accès à l’eau, les risques d’un conflit lié à cette ressource sont bien réels, a renchéri Mme Hindou Ibrahim, représentante du Forum international des peuples autochtones. Les jeunes, appauvris et marginalisés, n’ont plus que deux choix soit rejoindre les rangs d’un groupe terroriste ou essayer de traverser la Méditerranée vers l’Europe.
Il est temps que le Conseil de sécurité rattrape la réalité, s’est impatientée la Ministre suédoise des affaires étrangères et Présidente du Conseil pour le mois de juillet. Après sept ans de débats, il est temps, a insisté Mme Margot Wallström, que le Conseil approfondisse sa compréhension de la manière dont les changements climatiques interagissent avec les moteurs des conflits.
La Ministre a appelé le Conseil à améliorer ses outils, ses analyses et sa collecte d’informations pour mieux s’attaquer aux défis sécuritaires liés aux changements climatiques. Ce faisant, il faut tenir compte des pays qui sont en première ligne et apprendre de leur expérience et des meilleures pratiques. Il est désormais impératif que les Nations Unies comblent leur retard et prennent le leadership en facilitant et coordonnant les efforts mondiaux, avec l’aide des partenaires et parties prenantes régionaux.
Le Sommet sur les changements climatiques de septembre 2019, convoqué par le Secrétaire général, sera un moment crucial pour faire des progrès, a-t-elle espéré. En prévision, la Ministre a prôné la création d’une « maison institutionnelle » au sein des Nations Unies, de préférence sous la direction d’un représentant spécial. Surveiller les points de bascule potentiels du nexus climat-sécurité; faciliter la coopération régionale et transfrontalière sur les questions relatives au climat; lancer la diplomatie préventive; et soutenir des situations post conflit quand les changements climatiques sont un facteur de risque, sont autant de fonctions qu’un représentant spécial pourrait commencer à assumer, en coordination avec les autres entités pertinentes des Nations Unies, a précisé le Président de Nauru, insistant ainsi sur une proposition que les petits États insulaires en développement du Pacifique font depuis 2011. Nous devons embrasser tout l’éventail des autres acteurs, dont les autorités locales, le secteur privé et les ONG qui peuvent apporter leadership, innovation et argent, a ajouté la Vice-Secrétaire générale de l’ONU.
Mais le Conseil de sécurité est-il le cadre idéal pour parler de ces questions? Face à l’importance et à l’urgence des enjeux, la France a appelé les États Membres à dépasser « les arguties institutionnelles ». L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité doivent s’exprimer sur cet enjeu de paix et de sécurité « qui nous concerne tous », a-t-elle tranché. Qu’elles viennent d’une agression militaire ou d’un risque climatique, quand des menaces claires pèsent sur la sécurité et la survie des pays, le Conseil de sécurité doit réagir, a acquiescé l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), en prenant le contre-pied de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) qui a argué de l’incapacité du Conseil à agir face aux défis des changements climatiques, étant donné que la réaction ne peut être ni militaire ni basée sur des sanctions. Le Conseil examine-t-il la pollution de l’air ou des eaux que les opérations militaires et ses sanctions unilatérales entraînent? a ironisé la Fédération de Russie qui a vu dans les discussions d’aujourd’hui un moyen de servir des « intérêts politiques ». Le Président de Nuaru s’est voulu clair: La nomination d’un représentant spécial sur le climat et la sécurité ne doit en aucun cas élargir le mandat du Conseil de sécurité. Comme son titre l’implique, ce représentant spécial répondra au Secrétaire général. Ceci dit, a ajouté le Président, pour pouvoir prendre des décisions et exécuter son mandat de prévention des conflits et de maintien de la paix, le Conseil doit avoir de meilleures informations, analyses et mécanismes d’alerte rapide sur les risques de sécurité liés au climat.
Si vous voulez vraiment nous aider, a conclu la représentante du Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques, en parlant du Sahel, investissez plutôt dans le développement, aidez les petites organisations qui soutiennent les femmes et les enfants, cherchez avec nous des stratégies de développement adaptées, facilitez l’accès au financement en milieu rural et surtout ne perdez pas de vue que les changements climatiques sont avant tout une question de sécurité pour des millions de personnes.
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