50 ans de lutte contre le réchauffement climatique : l’urgence est là mais l’espoir aussi Les énergies renouvelables : une des clés de la lutte contre le changement climatique. Karsten Wurth Inf/Unsplash, CC BY-SA
Jean Jouzel, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) – Université Paris-Saclay
Cet article est publié dans le cadre du EuroScience Open Festival (ESOF), dont The Conversation France est partenaire.
Cela fait 50 ans que je suis climatologue, j’ai commencé ma thèse en 1968 sur la formation des grêlons puis me suis intéressé à l’évolution passée du climat à partir des glaces polaires. La prise de conscience du réchauffement climatique ce sont les années 1970 et les années 1980. En particulier, les modélisations du climat montraient que si on doublait les quantités de gaz carbonique dans l’atmosphère (le premier gaz à effet de serre dû à l’activité humaine) on pourrait avoir des réchauffements très importants au milieu du XXIe siècle. Malheureusement ça reste tout à fait vérifié et avec des conséquences importantes.
Une histoire de conférences
Les scientifiques ont alerté les décideurs politiques : il va y avoir un changement majeur climatique si on ne change pas de mode de développement. La décision a été de créer le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) en 1988.
La mission du GIEC n’est pas de faire des recommandations aux décideurs politiques mais de poser un diagnostic scientifique : trois grands rapports sont publiés à intervalles réguliers tous les cinq à six ans à propos des causes, des impacts et de l'adaptation et des solutions. Les prochains seront disponibles entre 2021 et 2022.
L’espoir des scientifiques est que les décideurs politiques tiennent compte de ces diagnostics et cela s’est plutôt bien passé pour l’instant. En 1990 a été publié le premier rapport du GIEC, et en 1992, s’est tenu le premier sommet de la Terre de Rio où les décideurs politiques mettent en place trois conventions : sur le climat, la biodiversité et la désertification.
En 1997 c’est le protocole de Kyoto : il faut stabiliser l’effet de serre pour limiter le chauffage de la planète. Pour le gaz carbonique, on en émet beaucoup plus que la végétation et l’océan ne sont capables d’absorber. Donc pour stabiliser l’effet de serre, il faut diminuer les émissions : c’était l’objectif de Kyoto. Cette conférence fut en partie un échec à cause de la non-ratification par les États-Unis.
Schéma du principe de l’efffet de serre. Robert A. Rohde/Wikipedia, CC BY
La deuxième conférence majeure s’est tenue en 2009 à Copenhague : l’idée était de prolonger le protocole de Kyoto : a posteriori on peut la voir comme un échec car les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter alors que si on voulait vraiment limiter le réchauffement climatique il faudrait diminuer.
La troisième conférence qui a fait date est la COP 21 à Paris : les politiques du monde entier se réunissent et cela fonctionne bien puisque l’accord signé s’est appuyé de façon très claire sur le cinquième rapport du GIEC publié en 2013 et 2014.
On est rentré pour la première fois dans un objectif chiffré : une limitation du réchauffement global de 2°C par rapport à la période pré industrielle voire 1,5°C. 2°C c’est simplement 1°C de plus par rapport aux cinq dernières années : les années les plus chaudes de cette période industrielle.
On estime que si on limite à 2°C, l’humain pourra s’y adapter : au moins pour l’essentiel. Le problème est que l’on est encore loin de cet objectif, même sans parler du retrait des États-Unis de cet accord, les prévisions actuelles tablent plutôt sur un réchauffement de 3 à 3,5°C à la fin du siècle.
Quelles sont les solutions ?
Ce qu’il faudrait vraiment c’est augmenter l’ambition de l’accord de Paris. Tant que Barack Obama était au pouvoir, une dynamique vertueuse était en place, quasiment tous les pays avaient signés. Le retrait annoncé des États-Unis, c’est la douche froide, pas simplement pour ce pays mais aussi à cause de l’effet d’entraînement qu’il pourrait engendrer.
Rester en dessous de 2°C, c’est un véritable défi : on n’a plus le droit qu’à une vingtaine d’années d’utilisation des carburants fossiles au rythme actuel. Le pic d’émission devrait être en 2020 :au plus tard cela implique un changement complet du mode de développement pour aller rapidement vers une société sobre en carbone.
Si on ne le fait pas, les jeunes d’aujourd’hui – on ne parle même pas des générations futures – auront à faire face à la fin de ce siècle à des conséquences importantes.
En France, la loi sur la transition énergétique va dans le bon sens.
Ses objectifs sont en accord avec ceux de l’accord de Paris : diviser par quatre nos émissions à horizon 2050, et même atteindre la neutralité carbone en 2050 selon Nicolas Hulot.
Donc, pour l’objectif général, c’est parfait. Mais ceux pour 2020 ne seront pas respectés. Il faudrait que les émissions diminuent de 3 % par an. Or entre 2016 et 2017, elles ont augmenté de 3 % !
Chacun a un rôle à jouer dans cette transition
Il faut dorénavant de la sobriété dans nos modes de vie et de consommation. Tout le monde a un rôle : les États doivent mettre en place des accords ambitieux et des outils pour que cela se traduise par des faits. Les régions et les collectivités ont également un devoir essentiel à assurer dans les transports et les infrastructures.
Les entreprises doivent être au premier plan. Elles doivent créer des emplois. La transition énergétique selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) ce serait 600 000 emplois créés.
Donc tout cela reste techniquement possible et économiquement viable.
Cette transition est enthousiasmante puisqu’elle est synonyme de recherche, d’inventivité dans tous les domaines. Il ne faut surtout pas donner l’impression qu’abandonner les combustibles fossiles ce serait la fin du monde en termes de développement ou de qualité de vie.
Depuis une dizaine d’années les coûts de l’énergie solaire ou éolienne ont énormément diminué. On est passé en 15 ans de l’utopie à des choses réalisables. Les progrès technologiques vont continuer.
Pourquoi participer à l’ESOF ?
L’ESOF un forum où des scientifiques de tous les domaines seront présents. Il faut sensibiliser la communauté scientifique au sens large aux enjeux du climat. Il y a des pays où le scepticisme est important, donc nous essayons de leur faire passer le message. C’est bien de ne pas s’adresser qu’aux climatologues.
Jean Jouzel, Climatologue, ancien vice président du groupe scientifique du GIEC de 2002 à 2015, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) – Université Paris-Saclay
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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