Depuis la publication des câbles diplomatiques de Wikileaks sur le parc marin des Chagos, le dossier a connu un nouveau rebondissement avec la décision du gouvernement Mauricien de soumettre, à l'arbitrage du Tribunal International du Droit de la Mer à Hambourg, la décision de la Grande Bretagne de créer de façon unilatérale un parc marin autour de l'Archipel des Chagos, à l'exception de Diego Garcia.
La Grande Bretagne a mis à exécution la zone marine protégée dans la zone Economique Exclusive des Chagos le 31 octobre 2010. La réserve s'étend sur une surface de 544, 000 kilomètres carrés, avec interdiction de toutes activités de pêche commerciale. Aussi l'accès à la zone est strictement contrôlé. Depuis l'annonce de la création de la zone marine protégée, Maurice a toujours rejeté cette décision unilatérale de la Grande Bretagne en réaffirmant sa revendication de souveraineté sur l'archipel des Chagos y compris Diego Garcia. Selon la partie mauricienne, seul la République de Maurice est habilitée à instaurer un parc marin dans les eaux des Chagos. Dans ce contexte, les révélations de Wikileaks sont venues renforcer les positions de certaines organisations, des observateurs du dossier Chagos et des mouvements politiques à Maurice, sur le stratagème du gouvernement britannique pour instaurer une deuxième barrière juridique au retour des Chagossiens dans leurs îles natales. En effet, Wikileaks avait révélé que les Chagossiens seraient confrontés à des difficultés, voire l'impossibilité de poursuivre leur demande de réinstallations dans l'archipel une fois qu'elle serait devenue une réserve marine.
La saisine de Maurice relève de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (1982). La position mauricienne repose sur l'incompatibilité de la zone marine protégée avec la Convention sur le Droit de la Mer. Le gouvernement Mauricien s'appuie sur cette même convention pour dire que la Grande Bretagne n'est pas un pays riverain (coastal state). Par conséquent, elle n'est pas compétente pour créer une zone marine protégée autour de l'Archipel des Chagos. Donc l'existence de la zone marine protégée est illégale. Maurice a pris l'initiative, selon l'article 3 de l'annexe VII (Arbitrage) de la Convention du Droit de la Mer, de nommer un arbitre de son choix, en la personne du Juge Allemand Rüdiger Wolfrun, comme son représentant pour siéger sur le Tribunal d'arbitrage international. Soulignons que le gouvernement, par cette initiative, est sur la bonne voie mais la démarche en elle-même ne suffit pas pour récupérer les Chagos.
Cependant, la démarche de l'actuel gouvernement mauricien ne fait pas l'unanimité. Certains observateurs et mouvements politiques trouvent qu'il ne faut pas se contenter de ce seul recours. Il est nécessaire d'avoir une stratégie permettant d'agir sur plusieurs fronts à la fois avec comme socle principal la question de la souveraineté mauricienne sur les Chagos. Dans ce contexte, on évoque dans ces milieux, d'une part la nécessité d'avoir recours en parallèle à des juridictions à compétence universelle en matières de crimes contre l'humanité. D'autre part, les Chagossiens peuvent poursuivre les britanniques sur la base d'un détournement de pouvoir (misuse of power) par le gouvernement anglais relatif à la création du parc marin afin d'empêcher leur retour dans leurs îles et non pour protéger les ressources marines.
Enfin, il y aussi une autre stratégie, dont un des ardents promoteurs est le Parti Lalit ( qui a organisé une conférence internationale sur les Chagos du 30 octobre au 2 novembre 2010 à Maurice), qui consiste à avoir une approche intégrée entre les trois axes suivantes: (i) la décolonisation et la question de souveraineté de Maurice sur les Chagos (ii) le droit de retour des chagossiens et la réparation (iii) la question de la fermeture de la base militaire à Diego Garcia (voir la communication de Ram Seegobin à la conférence internationale sur les Chagos). La démarche de Lalit rejoint celle de M Venen Paratian, ancien haut fonctionnaire des Nations Unies, qui préconise en complément une stratégie régionale et internationale agressive en particulier au niveau de l'Union Africaine et du système des Nations Unies.
En fait Maurice est à la croisée des chemins dans sa lutte pour récupérer les Chagos. Il faut reconnaître, qu'il y a eu, depuis l'excision de l'archipel des Chagos de Maurice en 1965, plusieurs générations de Mauriciens (partis politiques, mouvement syndical, des ONG et associations ainsi que d'autres structures de la société civile mauricienne) qui se sont engagées dans la lutte pour les droits des Chagossiens et la souveraineté Mauricienne sur l'archipel des Chagos. Ces efforts et initiatives diverses ont contribué à maintenir à l'agenda de plusieurs forums internationaux le dossier Chagos et permettent aujourd'hui la poursuite du combat pour réunifier l'Archipel des Chagos au territoire mauricien. Il y a eu aussi à partir des années 90 l'émergence des structures de la communauté chagossienne installée à Maurice, dont le Groupe Réfugiés Chagos (GRC) qui se bat juridiquement depuis des années pour leur droit de retour dans les îles inoccupées des Chagos. Or, le GRC attend que leur recours au sujet de leur droit de retour aux Chagos, soit pris sur le fond devant la Cour Européenne de droit de l'Homme.
Aujourd'hui, il y a une nécessité, pour l'ensemble des parties prenantes mauriciennes sur les Chagos et les organisations des Chagossiens, de développer une stratégie unitaire et coordonnée sur plusieurs fronts afin de faire avancer, dans une démarche intégrée et cohérente, le dossier de fermeture de la base aéronavale de Diego Garcia, la réunification des Chagos au territoire mauricien et la réinstallation des Chagossiens dans leur archipel.
Pour en savoir plus sur la Convention du Droit de la Mer (1348 hits)
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Voir aussi l'analyse de Venen Paratian (1014 hits)
Voir aussi la communication de Ram Seegobin, 'Obstacles in Chagos Struggle' lors de la Conférence Internationale de Lalit sur les Chagos (2926 hits)
Pour des cartes et photos de Diego Garcia et les Chagos: (2174 hits)