Le 28 août 2008 a été inaugurée à Hambourg une installation devant permettre la conversion en biomasse de CO2 émis par une centrale de chauffage à gaz du groupe de production de gaz et d'électricité E.on.
Son principe est relativement simple : à partir du CO2, d'eau et de lumière solaire, des microalgues, contenues dans un photobioréacteur d'aspect rappelant celui de panneaux solaires, réalisent la photosynthèse et se multiplient, générant ainsi de la biomasse, riche en substances intéressantes. Un kilo de CO2 permet de générer environ 0,4 kg de biomasse algale.
La construction de cette installation est le fruit de la coopération de la Ville de Hambourg et de l'unité E.on Hanse du groupe E.on avec le réseau de recherche Term (Technologies pour la valorisation de la ressource microalgue), l'Université technique de Hambourg-Harbourg et l'entreprise Subitech (qui émane de l'Institut Fraunhofer d'ingénierie des interfaces et des bioprocédés de Stuttgart - IGB). L'autorité hambourgeoise en charge du développement urbain et de l'environnement est également impliquée : elle a notamment participé, à hauteur de 0,5 million d'euros, au financement du projet, d'un montant total de 2,2 millions d'euros. L'exploitation du bioréacteur a été confiée à la société de conseil Strategic Science Consult (SSC).
Comme l'explique Ove Struck, collaborateur de E.on Hanse, les travaux de recherche accompagnant le fonctionnement de cette installation ont pour priorité l'amélioration du bilan énergétique et le développement de procédés de collecte et de valorisation des algues plus efficaces. Comme les algues produisent de nombreuses substances de valeur, comme des acides gras, des lipides ou des pigments, leur biomasse peut être valorisée en pharmacie, cosmétique et pour la production alimentaire. D'autres utilisations sont envisageables : applications techniques et production de carburants. Des travaux sur une telle production de biodiesel sont d'ailleurs en cours à l'Université Jacobs de Brême. Un atout important des algues en regard des végétaux supérieurs est leur vitesse de croissance, 20 à 30 fois plus élevée. Du point de vue de la rentabilité de la production de biomasse, le procédé désormais en activité à Hambourg est donc très prometteur.
Des voix s'élèvent cependant pour mettre en garde contre un optimisme débordant concernant le potentiel de piégeage de CO2 de cette technique, dont l'idée a germé il y a environ une dizaine d'années. Comme l'explique Ulf Karsten, chercheur à l'Institut de sciences biologiques de l'Université de Rostock, "la productivité élevée des photobioréacteurs ne suffit pas à convertir les immenses quantités de CO2 en biomasse". Selon lui, rien que pour transformer les émissions quotidiennes de CO2 d'une centrale à charbon, une surface de réacteur de 100 hectares ne suffirait pas. Dans un pays densément peuplé comme l'Allemagne se poserait rapidement un problème de place, d'autant que l'ensoleillement en Europe du Nord est relativement faible.
De plus, même si ses constructeurs présentent le bioréacteur de Hambourg comme une installation pilote, les expériences collectées sur une installation en Saxe-Anhalt, fonctionnant sur le même principe mais 100 fois plus grande, apportent un éclairage nuancé sur le procédé. Cet autre réacteur, en activité depuis 12 ans sous la responsabilité de Karl-Hermann Steinberg, est composé de 500 km de tuyaux en verre, soit un volume de 500 m3. Les microalgues (Chlorella vulgaris) produites sont utilisées pour la production d'aliments. Il s'agit d'une quantité de biomasse de 50 tonnes par an. A Hambourg, Dieter Hanelt du Biocentre de Klein-Flottbeck, chargé de l'accompagnement scientifique du projet, espère, lui, faire produire 160 tonnes de biomasse par an sur un hectare, soit transformer 400 tonnes de CO2. Pour Hubert Märkl, spécialiste du génie des bioprocédés à l'Université technique de Harbourg, 45 tonnes annuelles de CO2 seraient plus réalistes.
En outre, la simple comparaison des quantités de CO2 produites par des centrales avec celles que peuvent prendre en charge les bioréacteurs met en évidence le fait que la contribution que peuvent apporter les microalgues à la réduction des émissions atmosphériques de CO2 reste très limitée. Les centrales allemandes produisent chaque année entre 2 et 27 millions de tonnes de CO2 chacune. Ainsi, "une centrale à charbon modeste, d'une capacité de 500 MW, consomme chaque jour 3.000 tonnes de charbon. Il faudrait 5.000 tonnes d'algues par jour pour fixer cette quantité de CO2 ", commente M. Märkl. Un chiffre qui n'a rien à voir avec les 160 tonnes visées par M. Hanelt. Le procédé n'en reste pas moins intéressant pour produire de la biomasse contenant des substances de valeur.
Enfin, l'idée d'utiliser la biomasse pour la production de carburants est, elle aussi, critiquée. Karl-Hermann Steinberg estime que ce procédé, même en étant encore optimisé, conduirait à un prix de 50 euros par litre de carburant. Les algues ont "un rendement de 0,2 g de matière sèche par litre. Vous devez donc filtrer 5.000 litres d'eau pour obtenir 1 kg de matière sèche. Cela demande une dépense énorme, qui demande toujours plus d'énergie que ce qui est récolté". De plus, il s'agirait tout de même d'émettre dans l'atmosphère, malgré une réutilisation du CO2, du carbone d'origine fossile.
Source :
BE Allemagne numéro 401 (3/09/2008) - Ambassade de France en Allemagne / ADIT
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