« Près de la moitié de l’oxygène sur notre planète vient de l’océan, » explique Vladimir Ryabinin, Secrétaire exécutif de la Commission océanographique intergouvernementale qui est à l’origine de la formation du groupe GO2NE. « Cependant, les effets combinés de la surcharge en nutriments et du changement climatique augmentent considérablement le nombre et la taille des ‘zones mortes’ en haute mer et en eaux côtières, où le niveau d’oxygène n’est plus suffisant pour assurer la survie de la majeure partie de la vie marine. »
Dans les « zones mortes » traditionnelles, comme celles de la Baie de Chesapeake (Etats-Unis) et de la mer Baltique, le taux d’oxygène atteint des niveaux si bas que beaucoup d’animaux meurent asphyxiés. Comme les poissons évitent ces zones, leur habitat se réduit et ils se retrouvent plus exposés aux prédateurs et à la pêche. Or les auteurs font remarquer que le problème dépasse de loin le seul phénomène des « zones mortes ». Même de plus petites baisses en oxygène peuvent freiner la croissance des espèces, entraver leur reproduction et entraîner des maladies voire la mort. Le changement des taux d’oxygène peut aussi déclencher le rejet de substances chimiques dangereuses telles que le protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre jusqu’à 300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone, et le sulfure d’hydrogène toxique. Si certaines espèces peuvent effectivement prospérer dans ces zones, il n’en est pas de même de la biodiversité dans son ensemble.
Le changement climatique est le principal responsable de ce phénomène en haute mer. Le réchauffement des eaux de surface empêche l’oxygène d’atteindre les profondeurs de l’océan. De plus, lorsque l’océan se réchauffe, il retient moins d’oxygène ; or la faune vivant dans les eaux plus chaudes a un besoin en oxygène plus important. Dans les eaux côtières, la pollution par les nutriments provenant des terres crée des proliférations algales qui consomment énormément d’oxygène lorsqu’elles meurent et se décomposent.
D’après les scientifiques, la survie de l’humanité est également en jeu, surtout dans les pays en voie de développement. Il n’est pas garanti que les activités de pêche artisanale puissent se délocaliser lorsque le manque d’oxygène détruira leurs récoltes ou fera fuir les poissons. Aux Philippines, la mortalité de poissons due à la désoxygénation dans les bassins aquacoles d’une seule ville coûte plus de 10 millions de dollars. Les récifs coralliens, qui sont une attraction touristique majeure pour de nombreux pays, peuvent également disparaître par manque d’oxygène.
Certaines zones de pêche pourraient bénéficier du phénomène, du moins sur le court terme. La pollution par les nutriments peut en effet stimuler la production de nourriture pour les poissons. Par ailleurs, lorsque les poissons se retrouvent obligés de se regrouper pour fuir les zones à faible taux d’oxygène, il devient plus facile de les pêcher. Mais sur le long terme, cela pourrait conduire à la surpêche et ainsi nuire à l’économie.
Kirsten Isensee, Spécialiste de programme à la COI-UNESCO, a souligné que « les zones mortes se multiplient dans le monde entier à cause des activités humaines, c’est pourquoi nous avons besoin d’y répondre d’un point de vue global. Je suis convaincue que l’initiative internationale de GO2NE peut aider au niveau local, régional et international à trouver des solutions d’adaptation et, espérons-le, à réduire l’impact et l’étendue des zones à faible taux d’oxygène dans l’océan. »
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