Désireux de mettre au point des technologies de rupture appliquées à la filtration et à la purification de l'eau, les chercheurs ont développé des membranes dotées de canaux artificiels inspirés des protéines constituant les pores des membranes biologiques : les aquaporines. Grâce à une technique spectroscopique innovante, ils ont pu observer que, dans l'espace très restreint de ces canaux, les molécules d'eau s'organisent de façon très régulière, en filet moléculaire orienté : l'eau est devenue « chirale ».
Identifier de l'eau chirale dans les canaux artificiels de ces membranes lipidiques, dans des conditions physiologiques proches des pores naturels, était un tour de force. Cet agencement très régulier de molécules avait déjà pu être observé dans des structures à l'état solide de composés naturels ou artificiels, mais est difficilement observable en solution où les molécules d'eau sont très mobiles.
Cet arrangement « en filet » des molécules d'eau est expliqué par la polarité de la molécule d'eau conjuguée à l'asymétrie des canaux. L'eau, via des liaisons hydrogène, interagit avec les parois des canaux artificiels. Dans ces superstructures ainsi formées, les molécules composant les canaux transmettent leur caractère chiral aux fils d'eau, donnant ainsi une direction préférentielle aux molécules d'eau. D'où l'hypothèse des chercheurs qui s'ensuivit : cette orientation collective des molécules d'eau joue probablement un rôle important dans l'activation ou la sélection du transport à travers la membrane.
Et en effet, les expérimentations menées en laboratoire, étayées par les calculs de dynamique moléculaire, ont confirmé que ces arrangements chiraux présentent des propriétés de transfert supérieures à leurs équivalents achiraux, où l'eau présente un agencement moléculaire aléatoire. En d'autres termes, la chiralité de l'eau engendre une plus grande mobilité dans les nano-canaux, favorisant ainsi les transports de matière, avec un apport énergétique extérieur réduit.
Cette découverte ouvre un vaste champ d'application pour la filtration et la purification de l'eau. Actuellement, les chercheurs développent des membranes d'osmose inverse, couramment utilisées pour la désalinisation de l'eau de mer. Ils obtiennent déjà des résultats prometteurs en termes d'amélioration de la perméabilité et de la sélectivité des membranes, les deux critères incontournables de la filtration.
Communiqué du CNRS (922 hits)
Lire l'article de Science Advances (1192 hits)