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Le péril acridien : le prix payé par le Sahel


Selon les estimations de l'Organisation mondiale pour l'alimentation (FAO) qui datent du 1er octobre, 3 à 4 millions d'hectares sont actuellement infestés par le criquet pèlerin en Afrique de l'Ouest. Outre la Mauritanie, (1,6 millions d'hectares infestés), le Mali, le Niger et le Sénégal sont, à l'heure actuelle, les pays les plus touchés par la recrudescence acridienne.
Pour faire face à cette situation préoccupante, trouver des solutions et appuyer l'appel lancé par les leaders africains et les agences internationales pour une action urgente, le Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest a organisé au siège de l'OCDE le 30 septembre une réunion d'échanges sur le péril acridien. Les organismes internationaux qui luttent contre le fléau étaient représentés ainsi que certains bailleurs et les représentations diplomatiques des pays concernés.
Selon Michel Lecoq, acridologue au Cirad, les enseignements des invasions de 1987-1989, n'ont pas été retenus. Première crise depuis les années 60, son ampleur témoignait de l'essoufflement des dispositifs de prévention qui avaient bien fonctionné jusque-là. A l'époque déjà, devant les coûts supportés par la communauté internationale pour résoudre le problème, les responsables avaient alors déclaré "plus jamais ça". Pourtant, rien n'a été fait au cours des années 90 pour consolider le dispositif. Celui-ci manque toujours cruellement de moyens, tant au niveau national que régional. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la crise actuelle n'a pu être évitée, malgré les appels répétés de la FAO. Elle devrait maintenant coûter dix fois plus, soit environ $ 100 millions, qu'au moment de la première alerte de la FAO, avec une certitude : l'invasion se poursuivra en 2005.

En effet, dès ce mois-ci, les criquets devraient envahir à nouveau l'Afrique du Nord puis redescendre vers le Sahel. De plus, rien n'indique qu'une fois la crise réglée, les criquets ne reviendront pas dans 2, 5 ou 10 ans, si rien n'est encore fait pour prévenir ce fléau.
Dès lors, les indispensables mesures d'urgence qui doivent être mises en place très rapidement, doivent, selon M. Lecoq, s'accompagner d'un fonds de réserves et d'une convention internationale pour une gestion à long terme du problème.

Si tous les intervenants sont d'accord avec cette analyse, ils restent désabusés par l'inertie des bailleurs de fonds face à ce phénomène finalement assez prévisible et peu compliqué à endiguer s'il est pris au sérieux suffisamment tôt. Saliou Sarr, représentant du Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l'Afrique de l'Ouest (Roppa), ne croit plus en l'engagement international. Pour lui, la prévention doit s'effectuer au niveau local. En effet, auparavant, les paysans habitués de ces crises à répétition connaissaient les lieux de reproduction et de ponte des criquets et limitaient les dégâts dès l'apparition des larves. Avec la disparition des invasions, le savoir s'est perdu. Pour M. Sarr, aider les paysans à mettre en place des cellules de veille serait plus utile que d'attendre les fonds pour améliorer les moyens de lutte nationaux. Surtout quand les fonds promis arrivent trop tard?
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