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Tchernobyl, une catastrophe toujours d'actualité.


Le 26 avril 1986, un réacteur de la centrale de Tchernobyl explosait, provoquant le plus grave accident nucléaire connu jusque là. Vingt ans plus tard, les impacts sanitaires et environnementaux de cette catastrophe ne sont toujours pas connus précisément et font l'objet d'une véritable bataille de chiffres entre l'ONU et plusieurs ONG. Le 21 avril dernier, un groupe d'experts affiliés à l'OMS a publié un rapport qui réhausse fortement le nombre de morts et de cancers dus aux rayonnements.Alors que plusieurs ONG viennent de publier des rapports sur le bilan de la catastrophe de Tchernobyl et dénoncent les chiffres annoncés par les Nations-Unies, le Centre international de recherches sur le cancer (CIRC) affilié à l'OMS, publie des estimations bien plus alarmantes que les 4000 morts annoncés en 2005 par l'ONU dont"moins d'une cinquantaine de décès directement causés par l'accident."Le CIRC estime en effet à 16 000 le nombre de morts causées par le nuage radioactif. Les experts soulignent néanmoins la grande incertitude qui caractérise les prévisions concernant les cancers de la thyroïde -95 % et une fourchette entre 3 400 et 72 000 cas- tandis que les autres cancers sont estimés entre 11 000 et 59 000 cas. Les prévisions concernant les décès par cancer se situent entre 6 700 et 38 000 cas. Les pays les plus touchés par les retombées radioactives sont la Biélorussie (23% de son territoire), l'Ukraine (7%) et la Russie (0,3%).Près des deux tiers des cancers devraient survenir dans ces 3 pays, estime le CIRC, qui ajoute que le taux de mortalité par cancer causé par Tchernobyl pourrait augmenter fortement dans les prochaines années en Europe. Plus de la moitié du césium 137 (principal agent radioactif de Tchernobyl) émis suite à l'explosion a en effet été transporté dans l'atmosphère vers les autres pays européens. 14 pays ont ainsi été touchés (Autriche, Suède, Finlande, Norvège, Slovénie, Pologne, Roumanie, Hongrie, Suisse, République tchèque, Italie, Bulgarie, Moldavie, Grèce) par des radiations de niveau supérieur à 1 Ci/mètre carré, seuil à partir duquel une zone est réputée"contaminée". Par ailleurs, la persistance des agents radioactifs fait qu'ils se transmettent de génération en génération. La contamination liée à Tchernobyl est environ 100 fois supérieure à celle causée par les bombes d'Hiroshima et de Nagasaki, mais alors que les effets d'Hiroshima et de Nagasaki ont pu être étudiés, les impacts réels de Tchernobyl restent difficles à mesurer.

Conséquences sanitaires et sociales

L'ONG internationale"Médecins pour la prévention de la guerre nucléaire"indique que"plus de 10.000 personnes sont atteintes d'un cancer de la thyroïde et 50.000 cas supplémentaires sont attendus à l'avenir,"tout en précisant qu'il s'agit plutôt de donner un ordre de grandeur des dommages, les chiffres exacts étant"impossibles à obtenir pour des raisons de méthode."Le rapport que vient de publier Greenpeace (auquel 60 scientifiques du monde entier ont collaboré) va dans le même sens mais avance des chiffres beaucoup plus importants. Il estime que"200 000 décès dus à la catastrophe ont déjà été constatés ces quinze dernières années en Russie, au Bélarus et en Ukraine et indique qu'à l'avenir, plus d'un quart de million de cancers, dont près de 100 000 cancers mortels, seront causés par le nuage radioactif."Selon Greenpeace, le nombre de cancers a augmenté fortement au Bélarus, en Ukraine et en Russie : entre 1990 et 2000, le Bélarus aurait connu une croissance de 40% du nombre des cancers et l'Ukraine 12%. Dans la région de Zhytomir, la morbidité a presque triplé, tandis que la région russe de Bryansk a connu un nombre de cancers multiplié par 2,7.Autre rapport critique sur les chiffres de l'ONU, celui de 3 experts scientifiques résidents de ces 3 pays, publié par la CRII-RAD. Ils estiment que"c'est probablement dans leur étude de la morbidité dans les populations des territoires contaminés que les auteurs du rapport de l'ONU font les plus sérieuses entorses à la vérité."Alors que l'ONU affirme que l'augmentation des malformations liées à l'irradiation ne sont pas confirmées par des données statistiques, les 3 experts affirment au contraire que ces données existent. De1986 à 1995, sur tout le territoire du Belarus, la fréquence des malformations importantes (bec de lièvre et fission du palais, anomalie de la formation des membres, etc.) a augmenté de 40% (elle est passée de 12 à 17 pour 1000 nouveau-nés) et si l'on compte les f?tus avortés pour malformation, elle a augmenté de 80% (jusqu'à 22 cas sur 1000). Rappelant que plus de 4 millions de personnes habitent dans les régions de l'ex-URSS contaminées, ils demandent que soient etablis"des niveaux rigoureux d'admissibilité des radionucléides dans les aliments et qu'ils soient réellement appliqués"pour parvenir à un moyen efficace de radioprotection.

Aux conséquences sanitaires et environnementales de la catastrophe s'ajoutent tous les impacts sociaux qui perdurent aujourd'hui encore."La plus grave catastrophe industrielle survenue à ce jour est toujours en cours, rappelle la CISL. Au Belarus, l'implacable répression syndicale permet au pouvoir de mettre en?uvre en toute impunité une politique de réhabilitation économique des zones contaminées qui s'appuie sur le travail forcé et sur l'exploitation des migrants."Alors que le bilan humain ne cesse de s'alourdir,"au moins cinq millions de personnes vivent, étudient ou travaillent dans des zones contaminées et qui le resteront pendant des milliers d'années,"souligne la confédération syndicale. En Russie,"l'Union Tchernobyl"se bat pour la défense des droits des liquidateurs. 6 à 800.000 personnes ont en effet été envoyées sur les lieux de la catastrophe pour"nettoyer", sans que les autorités prennent les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité. En 2005, une réforme sociale a entraîné une mobilisation sans précédent de la société civile pour dénoncer la minimisation des conséquences de Tchernobyl pour ceux qui ont participé à sa"liquidation". Vladimir Naoumov, Président de l'Union Tchernobyl pour Tula et la région du Centre, indique que sur les 450 mineurs de Tula, 170 sont morts. Tous les autres sont invalides. La mortalité est de 25% dans le groupe des liquidateurs, avec un taux de suicide dix fois supérieur à la moyenne nationale. En Ukraine, la CISL rapporte que"les militants syndicaux qui défendent les 4.000 derniers travailleurs en poste dans la zone d'exclusion luttent contre l'indifférence du pouvoir qui n'octroie que des miettes aux programmes de radioprotection, mettant en péril la santé du personnel mais aussi celle de la population."Sergiy Budianskiy, président du Syndicat territorial de Tchernobyl, précise qu'un"programme gouvernemental de 2001 prévoyait la fermeture de la centrale, compensée par la création de 3750 nouveaux emplois d'ici 2008 avec un budget de 2,43 millions d'euros... Mais ce financement n'a jamais été versé."

Source : http://www.novethic.fr

Véronique Smée

Mis en ligne le : 26/04/2006
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