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Justice et injustices spatiales


Les 12, 13 et 14 mars 2008, se tiendra, sur le campus de l’Université de Paris X-Nanterre et à l’initiative du laboratoire Gecko, un colloque international et transdisciplinaire sur le thème : Justice et injustice spatiales.

La réflexion, les débats, les journées du colloque seront articulés autour de six axes thématiques présentés ci-après. Notre objet est d’ouvrir un débat, sans exclusive et à toutes les échelles.


Qu’est ce que la justice (spatiale) ?
La mise en débat de la justice spatiale doit être replacée dans une réflexion d’ordre général sur les grandes définitions de la justice. Au-delà de l’opposition structurel/procédural, qui reste centrale, voit-on émerger de nouvelles élaborations théoriques qui permettraient de poser à neuf la question de la justice spatiale ? Est-il fécond de revisiter les théories classiques ? Quoi qu’il en soit, ambigu, polysémique et peut-être menacé, le concept de justice reste un levier politique essentiel, mobilisateur, compris et vécu dans le quotidien par les citoyens. Il est aussi évident qu’il existe des inégalités sociales et qu’elles sont en général spatialisées (de l’intérieur de l’espace domestique à l’échelle planétaire). C’est sur les interactions entre le social et le spatial que nous souhaitons centrer nos débats. Une question d’échelle bien sûr sera essentielle : à quelles échelles spatiales et sociales peut-on traiter de cette question ? Comment les échelles sont-elles reliées entre elles ? Question décisive, qui engage à la fois des arbitrages politiques et des représentations (sur les niveaux territoriaux d’appartenance et de solidarité).


Justice spatiale et mondialisation.
La mondialisation économique conduit-elle à plus d’inégalités socio-spatiales, et, si oui, à quelles échelles ? Dans quelle mesure ces inégalités spatiales sont-elles injustes ? La réponse à la question n’est pas évidente, surtout si l’on se place dans une perspective historique. Les discours sur la mondialisation sont-ils un instrument pour justifier des traitements inéquitables de l’espace ? Ou bien l’équité territoriale est-elle compatible avec une différenciation croissante des territoires ? On se place ici aussi au niveau des conséquences de la diffusion du discours sur la mondialisation, à la fois discours sur la nécessité de la compétition économique globale et discours sur le multiculturalisme. La mondialisation, enfin, n’est-elle pas dans le même mouvement l’occasion d’émergence de nouvelles formes d’exigence de justice spatiale, particulièrement à une échelle peu sensible à ce jour ou restée très théorique : l’échelle planétaire/ mondiale ?

Justice spatiale : identités, minorités
On peut désigner comme « minorité » tout groupe qui subit une ou plusieurs des formes d’oppression identifiées par Iris-Marion Young. Le « nouveau » racisme qui crée une figure de l’Autre sur des bases culturelles est un objet spatial, puisqu’il se fonde sur le postulat d’une adéquation entre un territoire et un groupe culturel. Le cas de l’analyse de « genre » pose des problèmes différents : on ne peut appliquer aux femmes comme « minorité » des réflexions sur la ségrégation résidentielle, par exemple ; il faut trouver des outils plus fins, identifier la ségrégation dans les types d’emploi qui restent fermés à la population féminine, ou dans la moindre capacité d’aller et venir. Au total, une approche centrée sur l’espace peut porter sur l’étude de la répartition des différentes minorités mais surtout évaluer comment cette répartition est gérée et vécue par les différents acteurs, contribuant ainsi à ouvrir les yeux sur des formes d’oppression peut-être masquées par l’universalisme, qui prétend ne voir que des individus égaux, et détourne le regard de nombreuses formes de discrimination.

Justice et injustice environnementales
La « justice environnementale » est née dans les années 1980 dans les villes nord-américaines, pour dénoncer les recouvrements spatiaux entre les formes de discrimination raciale, d’exclusion socio-économique, les pollutions industrielles et la vulnérabilité face aux risques naturels. Au Sud, les parcs nationaux ou les conflits autour des ressources naturelles ont montré la dimension écologique des processus de domination économique et politique. L’émergence de la notion de développement durable dans un contexte de crise écologique globale a favorisé une réflexion sur l’équité environnementale. Elle interroge notre rapport ontologique au monde, et la possibilité d’une politique juste articulée autour des besoins de l’humanité, présents et futurs, locaux et globaux, et de nouveaux modes de gouvernance. Dans le même temps, les inégalités écologiques croissent, comme si les politiques territoriales aboutissaient à la coexistence d’espaces-jardins et d’espaces saccagés. Une réflexion explorant les relations entre inégalités écologiques et justice peut-elle contribuer à construire des politiques environnementales justes ?

Justice spatiale et ségrégation
La ségrégation est un thème abondamment investi par les sciences sociales en général, et par la géographie en particulier. Or, quelles que soient les orientations adoptées (portant sur la question de la mesure du phénomène, ou sur celle des mécanismes…), presque toutes ces recherches assimilent la ségrégation à une injustice spatiale. C’est cette corrélation implicite entre ségrégation et injustice qui doit être examinée de plus près : toute division socio-spatiale de l’espace – urbain en particulier – est-elle injuste ? On peut s’interroger d’un côté sur l’injustice des processus qui produisent de la ségrégation, et, de l’autre, sur l’injustice des effets produits par la situation de ségrégation (les effets de lieu). Symétriquement, l’objectif de la mixité socio-spatiale, souvent implicitement donné comme l’idéal de la ville juste, mérite d’être questionné : la ville pré-industrielle non ségréguée était-elle plus juste que la ville contemporaine, par exemple ? Enfin, la prise en compte de la mobilité n’impose-t-elle pas de repenser les relations entre justice et ségrégation ?

Qu’est-ce qu’une politique territoriale « juste » ?
Les politiques publiques (aménagement, gestion…) ont-elles pour rôle d’établir l’équité spatiale ? Visent-elles le même traitement pour tous les espaces ? Est-ce la condition de la justice spatiale, voire sa définition ? La politique juste est-elle une politique de rééquilibrage des inégalités, avec des formes de discrimination positive ? Ou au contraire la politique « juste » doit-elle être non-interventionniste sur les territoires et simplement accompagner les dynamiques territoriales ? On se demandera aussi si l’objectif ultime de la justice spatiale peut encore être d’établir des structures spatiales « justes » durablement et stables (territoire équilibré, harmonieux...). Ou bien s’agit-il d’établir des dispositifs de régulation souples, capables de réévaluer les actions, sans figure spatiale privilégiée a priori, régulation dont l’objectif serait de réduire les injustices du moment, sans idéal-type d’un territoire à l’équilibre ? Enfin, l’image territorialisée des actions visant à la justice, même si elles peuvent s’avérer illusoires, n’est-elle pas indispensable à toute action ? C’est poser le problème du bien fondé de la territorialisation des politiques publiques.
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