Introduction au dossier par : Muriel Maillefert, Sandrine Rousseau et Bertrand Zuindeau
Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 1, n° 3 | décembre 2010, mis en ligne le 07 décembre 2010, consulté le 09 décembre 2010.
Dès l’origine, notamment le milieu des années 1980 si l’on convient de voir dans le rapport Brundtland le point de départ de l’aventure, le développement durable se caractérise par la pluralité des interprétations et des approches. Qu’il s’agisse des représentations d’acteurs ou de travaux davantage académiques, cette problématique a suscité une très large diversité. Concernant les représentations d’acteurs, les jalons essentiels que constituent les « grands textes » institutionnels (rapport Brundtland, déclaration de Rio…) n’ont pas empêché une appropriation très différenciée selon qu’on considère les entreprises, les ONG, les collectivités territoriales, les États ou les institutions internationales. Sans trop entrer dans les détails, un axe de partage sépare les approches plutôt « modérées » et les approches plutôt « radicales ». Le caractère « modéré » provient de la reconnaissance d’une possible compatibilité entre les principes du développement durable et la logique économique dominante et, par conséquent, à l’inverse, le caractère « radical » a trait à des conceptions raisonnant plus en termes de modèles alternatifs. Au plan académique, s’est imposée une autre distinction, déjà ancienne (Turner, 1992), fondée sur le diptyque « durabilité faible/durabilité forte » (Neumayer, 2003) ; une distinction qui si elle rejoint, dans une certaine mesure, le couple modéré/radical, ne la recouvre aucunement. Le critère-clef permettant de parvenir à ce diptyque et de conduire alors à une classification des conceptions théoriques du développement durable est l’hypothèse de substituabilité des biens ainsi que des formes de capital. Quand les biens sont considérés comme aisément substituables, a fortiori infiniment substituables, quand par exemple la baisse de la qualité de l’environnement est supposée être compensable par une augmentation de biens matériels, la conception est estimée « faible » (sans qu’il faille a priori y voir un jugement de valeur et l’envisager comme une conception « insuffisante »). A contrario, quand les possibilités de substitution entre biens sont supposés limitées, a fortiori impossibles, en particulier quand la nature se voit conférée une valeur irremplaçable, alors la conception est estimée « forte » (sachant qu’il est possible de jouer sur les gradations de « très faible » à « très forte »). Le raisonnement est le même avec les diverses composantes du capital productif (capital physique, capital humain, capital naturel) qui seront considérées comme plus ou moins substituables entre elles, et selon cette caractérisation, la conception résultante du développement durable sera plus ou moins faible (ou plus ou moins forte).
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