« Nos ancêtres avaient l’habitude de raconter que ce glacier était très haut, si haut que personne ne vivait ici. Il s’y trouvait un gigantesque lac glaciaire », a dit Sajjad Ali.
Debout en bordure de falaise, il pointait du doigt le glacier Hopar, à plus de 1 000 mètres en contrebas, à la surface recouverte d’énormes rochers emportés par la glace à mesure qu’elle a creusé une vallée à travers le massif du Karakoram.
Au loin s’élève le sommet enneigé du Spantik (7 027 m), confluence de cinq grands glaciers parmi lesquels deux des plus vastes masses de glace au monde en dehors des régions polaires. Le Spantik est l’un des plus hauts pics du massif du Karakoram. Il appartient au bassin supérieur de l’Indus, qui alimente la plupart des cours d’eau d’Asie du Sud, ce qui en fait une ressource environnementale d’importance vitale pour les populations de la région entière.
En bas, des lignes de végétation zèbrent les versants, arides par ailleurs, de la vallée. Arbres et arbustes poussent le long de canaux d’irrigation artificiels – plusieurs fois centenaires pour certains – construits par des habitants de la région pour transporter l’eau des lacs formés par la fonte des glaciers jusqu’à leurs maisons. Si les glaciers fondent trop rapidement, ces villages courent le risque d’être inondés.
« Pas seulement ici, mais dans toute [la région du] Gilgit-Baltistan, la plupart [des glaciers] rétrécissent, se retirant sur eux-mêmes », a dit M. Ali, qui est chercheur auprès de l’université internationale du Karakoram. « Ça peut être dû aux émissions de carbone, ou aux précipitations imprévisibles de la mousson, ou à un cycle naturel, peut-être à une ère interglaciaire ou à une combinaison de ces facteurs – mais ça doit être étudié. »
Ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Malgré l’importance environnementale de la région, le Karakoram n’abrite que quelques rares stations de surveillance du climat. Faute de mesures de terrain, M. Ali et d’autres scientifiques de la région indiquent que les chercheurs internationaux utilisent des données peu fiables qu’ils gardent souvent pour eux, et parviennent à des conclusions qui ne reflètent pas ce qui est observé sur le terrain.
« Je peux vous communiquer mes observations, mais sans données, comment puis-je développer un modèle ou faire des prévisions ? », a demandé M. Ali. « J’ai besoin de paramètres – température, humidité, précipitations, vent, pression. Tant que l’on n’aura pas d’historique [de ces derniers], il nous sera impossible de dire quoi que ce soit. »
Des initiatives sont actuellement mises en place dans l’objectif de collecter et de partager davantage de données sur le changement climatique. Elles pourraient permettre aux scientifiques et aux décideurs politiques de mieux décider où construire des barrages, et ainsi protéger des millions de personnes en aval contre le risque d’inondations dévastatrices.
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