Le numéro 83 de la lettre NAPA aborde le sujet essentiel de la formation des acteurs de la gestion des aires protégées : d’abord au travers de l’évaluation de nos formations en cours et puis en s’intéressant à de nouvelles formes de renforcement des capacités comme les Moocs. Elle propose également plusieurs offres d’emploi, consultation, formation, stage…
Le numéro 83 de la lettre NAPA
Edito :
Le temps des choix ?
Le monde de la conservation a compris depuis longtemps que nous étions entrés dans une ère de déclin de la biodiversité, certains la qualifiant même de 6ème période d’extinction massive des espèces depuis l’apparition de la vie sur la terre. Tous ou presque s’accordent pour y voir une conséquence directe de l’activité humaine (voir l’édito de la NAPA n°72 sur l’anthropocène). L’homme étant la source du problème, il fait nécessairement partie de la solution, s’il y en a une… Le débat n’est pas nouveau mais il n’est toujours pas tranché. Il y a d’un côté la situation idéale, celle dans laquelle la terre (et ses écosystèmes) évoluerait naturellement.
Des espèces apparaissent, d’autres disparaissent mais n’y étant pour rien, nous n’aurions pas à nous en préoccuper. Dans ce cas de figure purement théorique aujourd’hui, nous n’aurions qu’à nous contenter de vivre avec le reste de la nature sans plus de question. Malheureusement, l’empreinte de l’homme sur la planète a changé la donne et il ne saurait désormais se soustraire à sa responsabilité dans les pressions qui pèsent sur certaines espèces (d’autres, ne l’oublions pas, ayant par ailleurs largement bénéficié de ses activités). La conservation est donc la réponse que l’homme a inventée pour traiter les maux qu’il a lui-même créés. Et les aires protégées (protégées contre lui- même) sont un outil au service de cette invention. Mais malgré tout cela, la biodiversité (au sens large) continue à se raréfier. Peut-on simplement continuer ainsi ? Faut-il changer de stratégie ? Une enquête conduite en 2011 (*Murray Rudd, dans Conservation Biology) interroge près de 600 chercheurs impliqués dans l’étude de la biodiversité et sonde leur opinion sur cette question. L’étude montre une grande pluralité des avis mais quelques facteurs dominent : d’abord, la question de priorisation n’est plus un tabou.
Devant l’échec - réel ou supposé - de la conservation, la majorité des scientifiques (près de 60%) pense qu’il faut faire des choix et que ceux si peuvent inclure de focaliser notre action sur certaines espèces/écosystèmes au détriment d’autres. Comment les choisir alors ? La réponse n’est pas donnée, mais il apparaît que plus de 40% d’entre eux souhaitent mêler économie et écologie, en d’autres termes privilégier la conservation d’espèces utiles économiquement à l’homme. Pourtant près de 50% de ces scientifiques pensent qu’il n’est pas possible de relier les fonctions des écosystèmes à des valeurs économiques, ce qui relativise l’intérêt de l’approche des services écosystémiques dont on parle tant ces dernières années.
Une large majorité reconnait aussi qu’il faut plus de contraintes et plus d’application des règles pour assurer la conservation de la diversité biologique, en d’autres termes qu’il faut forcer l’homme à être plus raisonnable. Plus de 80% enfin admettent qu’il faut repenser les objectifs de conservation et les standards de succès que nous avons définis, en particulier à la lumière du changement climatique ou alors nous risquons de poursuivre avec le même taux d’échec. Curieusement, ce sont les scientifiques les plus âgés qui défendent cette position, comme si l’expérience leur avait enseigné, à défaut de ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut plus faire...
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