Il y a tout juste deux ans, sous la pression d’Oxfam France, les principales banques françaises prenaient des engagements forts pour réduire ou stopper leurs activités spéculatives sur les matières premières agricoles. Dans le même temps, les parlementaires votaient dans le cadre de la réforme bancaire des mesures de régulation de ces activités toxiques. Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui lundi 23 février [1], l’ONG fait le bilan des promesses et des progrès législatifs. Et le constat est sans appel : tout reste à faire.
3,5 milliards d'euros : le montant des fonds qui permettent aux clients des principales banques françaises de spéculer sur les matières premières agricoles
En février 2013, Oxfam France présentait un classement des banques françaises impliquées dans des activités néfastes de spéculation sur les cours des matières premières agricoles. L’étude démontrait que quatre grands groupes bancaires français, la BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole/LCL et le groupe BPCE, étaient directement impliqués dans ces activités, et géraient au moins 18 fonds permettant à leurs clients de spéculer sur les matières premières, pour une valeur totale correspondant à 2 583 millions d’euros.
« Ces activités toxiques mettent en péril le droit à l’alimentation de centaines de millions de personnes », explique Clara Jamart,auteure de l’étude pour Oxfam France. « La spéculation galopante sur les marchés dérivés de matières premières agricoles aggrave la volatilité des prix alimentaires, et prive les populations les plus pauvres de l’accès aux denrée alimentaires de base».
Deux ans plus tard, les résultats de cette nouvelle étude démontrent quetrois groupes bancaires français proposent toujours à leurs clients des outils permettant de spéculer sur les prix des matières premières agricoles : la BNP Paribas, la Société Générale et le groupe BPCE (Caisse d’Epargne et Banque Populaire), via Natixis. Le Crédit Agricole semble bien avoir respecté ses engagements et cessé toute activité spéculative sur les marchés agricoles, mais refuse toujours de prendre des engagements fermes dans la durée. Au final, le montant total des fonds gérés par les banques françaises et exposés aux matières premières agricoles s’élève aujourd’hui à au moins 3 561 millions d’euros, dans un secteur où l’opacité reste la règle.
Pour Clara Jamart, le bilan est très maigre : « Malheureusement, force est de constater que les promesses n'ont pas véritablement fait le poids face à l'appât du gain. La Société Générale a certes fait un important effort de transparence et a globalement tenu ses promesses, mais c’est aujourd’hui la banque française qui spécule le plus sur la faim : elle doit impérativement aller plus loin ! La BNP Paribas, elle, n’a tout simplement pas respecté ses engagements. Le groupe BPCE était le seul à n’avoir pas fait de promesses en 2013, il est largement temps qu’il assume enfin ses responsabilités ».
Du côté politique, le gouvernement semble bien peu pressé de mettre en œuvre les nouvelles mesures légales de la réforme bancaire, et de jouer son rôle de régulateur. Plus d’un an et demi après le vote de la réforme bancaire, les mesures législatives concernant la transparence et la régulation des marchés dérivés de matières premières agricoles ne sont toujours pas mises en œuvre.
« Il est inadmissible que plus d’un an et demi après son vote à l’Assemblée Nationale, la loi bancaire ne soit toujours pas appliquée », déclare Clara Jamart. « Cette étude nous montre bien qu’il est illusoire de se fier à la seule bonne volonté des acteurs bancaires. L’Etat doit jouer son rôle, et l’autorité des Marchés Financiers doit appliquer la loi. »
Oxfam France appelle les banques françaises à prendre au plus vite des engagements complémentaires forts, basés sur les recommandations du rapport, et à tenir leurs promesses dans la durée. Mais surtout, l’ONG insiste pour que le gouvernement prenne ses responsabilités et refuse de céder aux lobbies financiers en laissant libre cours à ceux qui spéculent sur la faim.
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