Une expédition commune entre les chercheurs de l'IRD (Institut de recherche pour le développement) et leurs confrères de l'UTS (Université de technologie de Sydney) a mis en évidence une communauté corallienne prospérant dans des eaux où la plupart des espèces ne pourraient pas normalement survivre. L'équipe revient d’une exploration scientifique dans les eaux sombres d’une mangrove en Nouvelle-Calédonie pour comprendre jusqu’à quel point les coraux peuvent repousser leurs limites pour s’adapter.
Pour David Suggett, biologiste marin de l'UTS, leurs découvertes pourraient modifier la vision des panels d’adaptation des espèces coralliennes aux conditions de forçage liées au changement climatique et aux prévisions de survie des récifs coralliens : « La plupart des expériences suggère que les coraux luttent pour survivre aux climats futurs avec des eaux qui continuent à se réchauffent et s’acidifier. Cependant, les coraux que nous avons examinés et qui se développement dans les systèmes chauds et acides des mangroves suggèrent en fait qu'ils pourraient être bien plus résistants qu’on ne le pensait. Nous analysons maintenant nos données pour déterminer de façon irréfutable ce qui leur a permis de développer une telle capacité de résilience».
En dépit de son enthousiasme, David Suggett souligne toutefois l’importance de rester prudent : «Bien qu’il soit tentant de penser à partir de nos travaux que les coraux sauront s’adapter aux scénarii du réchauffement climatique, il reste encore une longue route à parcourir pour comprendre les conditions complexes qui permettent aux coraux de croître dans les eaux chaudes et acides des mangroves ».
Riccardo Rodolfo-Metalpa, biologiste marin à l’IRD, précise : «un certain nombre d'espèces prédominantes dans les récifs coralliens semblent être les mêmes que celles qui se développent dans les mangroves ; en fait, une grande partie de la couverture corallienne dans les mangroves est assurée par des espèces de coraux branchues qui sont typiquement considérées comme les plus sensibles au stress dans les systèmes récifaux usuels. Nos données apportent donc un nouvel exemple sur l’évolution des récifs coralliens dans un avenir proche ». Ainsi, 25 espèces de coraux ont été recensées sur les 50 observées plus au large dans le lagon.
Emma Camp, autre membre de l’équipe de l’UTS sur cette mission, a récemment exploré d'autres sites de mangroves dans l'Indo-Pacifique est enthousiaste : « L’étude en Nouvelle-Calédonie montre de nouvelles preuves que les populations de coraux peuvent croître dans des conditions considérées comme inhospitalières, mais c’est la première fois que nous constatons des conditions de pH et de température aussi extrêmes et que nous observons une telle diversité d’espèces et une telle couverture corallienne ».
« Les espèces de coraux qui se développent ici sont génétiquement uniques ou représentent des populations physiologiquement «plastiques» venant du récif principal. D’une façon ou d’une autre, ces espèces peut visiblement tolérer des décalages environnementaux extrêmes et rapides, et nous prévoyons d'employer des techniques de séquençage perfectionnées pour découvrir la base génétique qui leur permette cette résistance extrême au stress».
David Suggett considère que ces découvertes peuvent contribuer de façon majeure à la conservation des récifs coralliens : «nous sommes particulièrement enthousiastes car les mangroves sont des systèmes généralement proches des récifs frangeants. Mais on ne les a jamais considérées comme des réservoirs possibles pour des populations coralliennes très résilientes au stress. Nos travaux suggèrent donc que les mangroves pourraient jouer un rôle plus important dans l’évolution future des récifs coralliens et donc leur valeur en terme de conservation est d’autant plus importante ».
Avec plus de 400 espèces de coraux répertoriées, la Nouvelle-Calédonie, dont les récifs coralliens sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, abrite l’une des plus grandes diversités au monde de ces écosystèmes marins.
Communiqué de l'IRD (781 hits)