Le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, est produit par le Programme mondial d’évaluation des ressources en eau, hébergé par l’UNESCO, au nom de l’ONU-Eau. Ce rapport est le fruit de la collaboration des 31 entités des Nations Unies et des 38 partenaires internationaux qui constituent l’ONU-Eau. Jusqu’en 2012, le rapport, qui dressait un état des lieux exhaustif de l’état des ressources en eau dans le monde, était présenté tous les trois ans. Il est depuis 2014 annuel et thématique. Sa présentation coïncide désormais avec la Journée mondiale de l’eau, qui se déroule 22 mars et dont la thématique est alignée sur celle du rapport.
On estime que trois emplois sur quatre dans le monde dépendent, directement ou indirectement, de la ressource en eau. Les pénuries et les problèmes d’accès à l’eau et à l’assainissement sont susceptibles de limiter la croissance économique et la création d’emplois dans les années à venir, selon un rapport des Nations Unies. L’édition 2016 du Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, L’eau et l’emploi, montre également que la moitié des 1,5 milliards de travailleurs de la planète sont employés dans huit des industries les plus tributaires des ressources en eau.
« L'eau et les emplois sont inextricablement liés, que cela soit au niveau économique, environnemental ou social. Cette édition du Rapport mondial de mise en valeur des ressources en eau ouvre de nouvelles perspectives en démontrant la relation qui existe entre l'eau et l'emploi d’une manière inédite », a déclaré la Directrice générale de l'UNESCO, Irina Bokova.
Présenté à l’occasion de la Journée mondiale de l'eau, le 22 mars, et dans le cadre de l'Agenda 2030 pour le développement durable, le rapport souligne le rôle clé de l'eau dans le passage à une économie verte.
« Cette analyse montre que l'eau et le travail ont partie liée : on a besoin de travailleurs pour garantir une gestion sûre de cette ressource et dans le même temps, l’eau génère de l’activité et améliore les conditions de travail. Si nous voulons que l'Agenda 2030 soit un succès et construire ensemble un avenir durable, nous devons faire en sorte que l’emploi dans le secteur de l'eau soit décent et que l’eau dont nous dépendons tous soit sûre », a déclaré le Directeur général de l’Organisation internationale du travail et président de l’ONU-eau, Guy Ryder.
L’eau, un moteur de croissance
De son extraction jusqu’à son retour dans la nature, en passant par ses différents usages, l’eau est un facteur clé dans la création d’emplois.
« Evaluer la relation entre l’eau, la croissance économique et l’emploi constitue un défi », reconnaissent toutefois les auteurs du Rapport qui soulignent le manque de données dans ce domaine, notamment pour évaluer le degré de dépendance des emplois vis-à-vis de l’eau. Les études réalisées semblent toutefois souligner une corrélation positive entre investissement dans le domaine de l’eau et la croissance économique.
L'investissement dans des projets à petite échelle donnant accès à l'eau potable et à l'assainissement de base en Afrique pourrait avoir un retour sur l’investissement de près de 28,4 milliards de dollars par an, soit près 5 % du produit intérieur brut (PIB) du continent.
Ces investissements semblent aussi avoir un effet bénéfique sur l’emploi. Aux Etats-Unis, on estime qu’un million de dollars investi dans les infrastructures traditionnelles d’approvisionnement et d’assainissement du pays génère entre 10 et 20 emplois. Or, le Bureau d’analyses économiques du ministère américain du commerce a montré par ailleurs que chaque emploi créé dans le secteur de l’eau et l’industrie de traitement des eaux usées crée 3,68 emplois indirects dans l’économie nationale.
En Amérique latine, une autre étude montre qu’un investissement d’un milliard de dollars dans le développement de l’approvisionnement et de l’assainissement se traduirait par la création de 100 000 emplois.
Le passage à une économie verte, dans laquelle l’eau joue un rôle central, devrait également être générateur d’emplois. L’Agence internationale de l’énergie renouvelable estime que d’ores et déjà 7,7 millions de personnes étaient employées dans les énergies renouvelables en 2014.
Erosion des effectifs
La pression croissante exercée sur la demande de ressources en eau douce, exacerbée par les effets du changement climatique, s’accentue. Le taux de prélèvements d'eau souterraine a augmenté de 1% par an depuis les années 1980. Entre 2011 et 2050, la population mondiale devrait augmenter de 33%, passant de 7 à 9 milliards, tout comme la demande alimentaire qui devrait augmenter de 70% durant la même période.
En outre, le 5e rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prévoit que pour chaque degré de réchauffement de la planète, environ 7% de la population mondiale sera confrontée à une baisse de près de 20% des ressources en eau Cette pénurie annoncée nécessite l’exploitation de sources d’eau non conventionnelles comme le recyclage de l’eau de pluie, des eaux usées ou de ruissellement urbain. L’utilisation de ces sources alternatives devrait générer de nouveaux emplois liés à la recherche et au développement technologique. Dans les années à venir, les techniques de prévision, d’évaluation des risques et d’exploitation de l’imagerie satellite devraient ainsi créer d'autres domaines potentiels où de meilleures possibilités d'emploi pourraient se développer.
Au total, près d’un pourcent de la main d’œuvre des pays développés et en développement travaille actuellement dans le secteur de l’eau qui comprend la gestion de cette ressource, la construction et l’entretien des infrastructures ainsi que l’approvisionnement et l’assainissement.
Au cours des dernières décennies, le nombre de personnes employées dans l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées est en net recul. Ce déclin s’explique par un manque d'intérêt des nouveaux diplômés pour des emplois dans le secteur de l'eau, le manque de ressources pour embaucher et retenir du personnel qualifié, notamment dans le secteur public, et une main-d'œuvre vieillissante. Aux Etats-Unis, entre 30 et 50% de la main d’œuvre travaillant dans le secteur de l’eau partira à la retraite d’ici 2020.
A cette pénurie budgétaire s’ajoute la difficulté d’attirer des travailleurs qualifiés dans les zones rurales et l’image négative du secteur de l’assainissement. Dans certaines régions, notamment en Afrique de l’Ouest, il est en effet difficile d’attirer des travailleurs dans ce secteur considéré comme dévalorisant.
Pourtant, le marché de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement est prometteur en termes d’emplois et de croissance. A titre d’exemple, au Bangladesh, au Bénin, et au Cambodge, près de 20 millions de personnes devraient avoir accès à l’eau courante dans les zones rurales d’ici 2025, soit six fois le chiffre actuel, ce qui représente un potentiel impact économique de 90 millions de dollars par an. De plus, une étude menée au Bangladesh, en Indonésie, au Pérou et en Tanzanie montre un potentiel relatif aux services d’assainissement de 700 millions de dollars par an.
Qui plus est, de nombreux systèmes d’approvisionnement sont inefficaces nécessitent des investissements permettant d’augmenter l’emploi dans le secteur. Ainsi on estime que 30% des prélèvements d’eau dans le monde se perdent en raison des fuites. A Londres, le taux de déperdition est de 25% et en Norvège, il atteint 32%. Dans certains pays, les pratiques d’irrigation sont inexistantes ou restent dominées par des technologies rudimentaires ce qui se traduit par de faibles rendements agricoles. En Afrique, notamment, l’agriculture est essentiellement pluviale et moins de 10% des terres cultivées sont aujourd’hui irriguées, ce qui freine la création d’emplois.
L’Agenda 2030 pour le développement durable
Pour que l’Agenda 2030 pour le développement durable ait des chances de se réaliser, il faut que le rôle clé de l’eau dans le monde du travail soit reconnu. Les emplois décents sont directement liés à la gestion de l'eau, dans des domaines tels que l’approvisionnement en eau, la gestion des infrastructures et des déchets et les secteurs dépendant de l'eau, tels que l'agriculture, la pêche, l'énergie, l'industrie et la santé. De plus, l'accès à une eau potable et à l'assainissement facilite la création d'emplois et une main-d'œuvre en bonne santé, instruite et productive qui est un préalable à la croissance économique.
Créer des conditions qui améliorent la productivité de l'eau et favorisent le passage vers une économie verte, la formation de travailleurs qualifiés pour répondre à la demande croissante de main-d'œuvre dans les secteurs de l'eau sont quelques-uns des points sur lesquels le rapport attire l'attention des gouvernements afin de répondre de manière appropriée aux exigences des objectifs de développement durable des Nations Unies, notamment l’objectif 6, spécifiquement dédié à l'eau et à l'assainissement.
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