Les vents du Sahara dispersent de telles quantités de poussières à travers la planète que celles-ci modifient le climat. Or l'émission et le transport de ces poussières, qui arrivent jusqu'aux pôles, fluctuent considérablement. De nombreuses hypothèses ont été proposées pour l'expliquer, mais aucune relation univoque entre ces poussières et le climat n'a pu être établie jusqu'à présent. Selon les travaux d'une équipe franco-américaine de chercheurs du LATMOS (CNRS/UVSQ/UPMC), du CNRM (CNRS/Météo-France) et du SIO, les phénomènes météorologiques comme El Niño ou les précipitations au Sahel impactent bien les soulèvements de poussières par l'accélération d'un vent saharien en aval des principaux massifs montagneux ouest-africains. Les scientifiques ont également mis au point un nouveau modèle prédictif, selon lequel les émissions de poussières sahariennes vont diminuer au fil des cent prochaines années. Leurs travaux sont publiés le 24 mars 2016 dans la revue Nature.
Le désert du Sahara émet plus de poussières que tout autre désert au monde. Plus de la moitié de la poussière déposée dans les océans provient d'ailleurs des terres d'Afrique du Nord. Ces poussières sahariennes ont une influence sur le climat : elles contiennent des nutriments qui fertilisent les sols et les eaux, elles bloquent ou réfléchissent la lumière du soleil, affectent la formation des nuages et des cyclones… Il s'agit essentiellement d'aérosols d'une taille comprise entre 0,1 et 20 microns, mis en suspension par le vent jusqu'à ce que leur poids ou la pluie les déposent. De nombreux phénomènes météorologiques vont influencer leur émission et leur dispersion : El Niño, l'oscillation nord-atlantique de pression, les précipitations au Sahel, la dépression thermique saharienne, la zone de convergence intertropicale… Ils jouent en particulier sur la force de l'harmattan, un vent saharien. Celui-ci s'accélère lorsqu'il traverse les massifs montagneux d'Afrique du Nord-Ouest. Puis, si sa vitesse est suffisamment élevée et s'il passe au-dessus des zones sources de poussières, il va pouvoir les soulever et les disperser.
Afin de mieux comprendre ces relations complexes, les chercheurs ont conduit une analyse statistique des données reconstruites au cours du XXe siècle sur les vents soufflant à dix mètres au-dessus de la surface, le standard météorologique. Couplées à l'étude de dépôts de poussières dans les massifs coralliens du Cap-Vert, les données de vent ont permis d'estimer les fluctuations des émissions de poussières depuis les années 1850. Les résultats obtenus reproduisent divers évènements déjà connus, et ont ainsi mis en évidence que l'oscillation nord-atlantique de pression était responsable de fortes émissions de poussières dans les années 1910 à 1940, tout comme la sécheresse sahélienne des années 1980. De plus, les chercheurs ont montré qu'à l'échelle du continent nord-africain, les zones préférentielles d'accélération de l'harmattan se situaient au-dessus des zones sources de poussières. Selon eux, les phénomènes météorologiques précédemment cités ont la capacité de moduler l'intensité de l'harmattan et ainsi les émissions de poussières du Sahara sur des échelles de temps allant de quelques jours à plusieurs années.
Puisque la méthode a fait ses preuves sur les évènements du passé, elle a ensuite été appliquée aux projections climatiques futures pour établir la tendance jusqu'à la fin du XXIe siècle. La méthode prédit une baisse de la production de poussières. Cela aurait des effets bénéfiques pour la santé des populations, mais pourrait également réchauffer l'océan Atlantique tropical nord, le rendant plus propice à la formation et au développement des cyclones tropicaux.
Communiqué du CNRS (917 hits)
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