Les traditions agricoles et la culture alimentaire de la région méditerranéenne ont longtemps été considérées comme un exemple de saines habitudes alimentaires, mises en valeur par des économies rurales particulièrement dynamiques. Les pressions démographiques et environnementales, auxquelles s'ajoutent un climat changeant et des défis socio-économiques, soulèvent maintenant quelques questions concernant l'avenir des systèmes alimentaires de la région et ce que cela implique pour parvenir à un développement durable.
Un nouvel ouvrage, publié aujourd'hui par la FAO et le Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM), met en garde contre le risque de «triple gaspillage» posé par la mauvaise utilisation des ressources naturelles, par le gaspillage et les pertes alimentaires et par une lente disparition du savoir-faire traditionnel.
Selon MediTerra: Zéro gaspillage dans la Méditerranée: Ressources naturelles, alimentation et connaissances, ces risques doivent être contrés par l'adoption d'approches plus durables au niveau de la production agricole et de politiques plus fortes basées sur des approches multisectorielles.
«Le monde, y compris la région méditerranéenne, fait face à de nombreux défis. Plusieurs formes de gaspillage liées à l'alimentation, aux ressources naturelles et aux connaissances sont inhérentes à ces défis et posent d'importants obstacles en vue de parvenir à une certaine durabilité», écrivent M. José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO, et M. Cosimo Lacirignola, Secrétaire général du CIHEAM, dans cette publication conjointe.
MediTerra analyse également la manière dont les ressources humaines et le potentiel de la région, en particulier chez les jeunes, sont gâchés, ce qui a pour effet de freiner le développement. Il est notamment question de chômage, de manque d'accès à l'éducation, de «fuite des cerveaux» et de disparition du savoir local et des traditions agricoles.
Selon l'ouvrage, la tâche à accomplir ne consiste pas en priorité à préserver les traditions agricoles mais plutôt à les revivifier pour en faire des moteurs de développement durable et pour améliorer la nutrition.
La nouvelle édition de la publication conjointe du CIHEAM et de la FAO MediTerra, qui offre un vaste aperçu de l'agriculture et des systèmes alimentaires de l'ensemble de la région méditerranéenne, du sud de l'Europe jusqu'à l'Afrique du Nord et en passant par le Proche-Orient, contient 17 chapitres rédigés par des experts issus des deux structures partenaires et traitant de:
Des défis multiples
MediTerra souligne de nombreux défis qui pèsent fortement sur l'agriculture et les systèmes alimentaires de la région méditerranéenne. Par exemple:
Un approvisionnement limité en eau. La Méditerranée détient seulement trois pour cent des ressources mondiales en eau mais abrite plus de 50 pour cent des populations dites «pauvres en eau» dans le monde, soit plus de 180 millions de personnes.
Dans plusieurs endroits, les retraits d'eau souterraine ont surpassé les seuils fixés pour une gestion durable. Dans le secteur agricole, plus important consommateur d'eau de la région, de larges volumes sont perdus en raison de techniques inappropriées ou d'une infrastructure obsolète. Le changement climatique pèsera encore plus sur ces sources d'eau déjà limitées.
Perte et dégradation des terres. L'ouvrage met en garde contre le risque d' «effritement des terres arables en raison d'une urbanisation rapide», de l'érosion, de la salinisation des sols et de la désertification, et pour la plupart résultant de pratiques agricoles non-durables. Selon certains, si les niveaux actuels de dégradation des terres se poursuivent, 8,3 millions d'hectares supplémentaires de terres agricoles seront perdues d'ici à 2020, par rapport à 1960.
Gaspillage et pertes alimentaires. Il manque des estimations exactes de l'ampleur des pertes et du gaspillage alimentaires dans la région méditerranéenne, mais les données nationales soulignent un problème fondamental: en Espagne, 7,6 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année, en Italie, 8,8 millions de tonnes et en France, 9 millions.
Les études réalisées en Afrique du nord et au Proche-Orient suggèrent un problème semblable, avec 250 kg de nourriture par an gaspillée pour chaque ménage. L'empreinte aquatique de ces pertes (42 kilomètres cubes chaque année) représente 17 pour cent des pertes mondiales en eau, avec pour origine le gaspillage alimentaire.
Les pêches et les forêts en danger. Depuis des millénaires, la mer a servi de base pour les moyens d'existence et la sécurité alimentaire de la région méditerranéenne. Aujourd'hui, 52 pour cent des stocks de poisson étudiés sont exploités à des niveaux durables. De même, la superficie des forêts de la région a nettement diminué, et ce, malgré leur rôle important dans les écosystèmes locaux.
Une «fuite des cerveaux» dans l'agriculture. Si la plupart des exploitations de la région sont familiales et restent compétitives face aux grandes agro-industries, certaines régions ont vu disparaître leurs communautés et traditions. Dans la région du Maghreb, par exemple, en Afrique du nord, l'âge moyen des agriculteurs est de 50 ans, voire plus, alors que la région affiche l'un des taux de chômage chez les jeunes les plus élevés au monde.
Des menaces et des solutions communes
Le livre relève que la plupart des défis rencontrés par les systèmes alimentaires, les ressources naturelles et les connaissances sont communs à tous les pays de la Méditerranée, soulignant ainsi l'importance d'établir un programme commun de recherche et d'action, avec des politiques intégrées et des innovations, à la fois techniques et organisationnelles, en vue de lutter contre le «triple gaspillage» de manière coordonnée.
Le CIHEAM et la FAO peuvent donc jouer un rôle essentiel, en offrant une plateforme unique pour le partage d'expérience, d'expertise et d'analyses afin de proposer des solutions aux nombreux défis rencontrés par la région méditerranéenne.
Selon l'ouvrage, agir de la sorte est «stratégique pour l'avenir des pays méditerranéens et pour leur développement durable».
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