En 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 11 février la Journée internationale des femmes et des filles en sciences. Cette année, une table ronde est organisée au Siège de l’UNESCO pour célébrer l’événement sur le thème de l’égalité entre les sexes en sciences : mythe, réalité et perspectives.
D’après le Rapport de l’UNESCO sur la science : vers 2030, les femmes représentent désormais 53 % des titulaires d’une licence ou d’un mastère et 43 % des docteurs, mais seulement 28 % des chercheurs dans le monde. Alors que les femmes ont atteint la parité en sciences de la vie dans de nombreux pays, elles restent minoritaires en génie et en informatique. C’est dans les pays à revenu élevé que la tendance est la plus marquée.
La situation au niveau mondial masque d’importantes disparités intrarégionales. Ainsi, 52 % des chercheurs sont des femmes aux Philippines et en Thaïlande, et la parité est presque atteinte en Malaisie et au Viet Nam, mais seulement un chercheur sur trois est une chercheuse en Indonésie et à Singapour. Au Japon et en République de Corée, deux pays qui se caractérisent par un important contingent de chercheurs et une sophistication technologique indéniable, seuls 15 % et 18 % d’entre eux sont des femmes, respectivement.
Il existe par ailleurs de grandes disparités entre les régions. La parité est atteinte chez les chercheurs en Europe du Sud-Est, par exemple, et l’est presque avec 44 % de femmes dans la recherche en Asie centrale, ainsi qu’en Amérique latine et aux Caraïbes. En revanche, dans l’Union européenne, seul un chercheur sur 3 (33 %) est une femme, et 37 % dans le monde arabe. Les femmes sont également mieux représentées en Afrique subsaharienne (30 %) qu’en Asie du Sud (17 %).
La forte représentation des femmes diplômées dans les sciences de la vie est une constante ; elles ont désormais atteint la parité (45 à 55% des chercheurs) dans de nombreux pays. Dans certains cas, la balance penche même en leur faveur. Ainsi, six chercheurs sur dix sont des chercheuses au Bélarus et en Nouvelle-Zélande aussi bien en sciences médicales qu’en agronomie. Plus des deux tiers des chercheurs en sciences médicales sont des femmes à El Salvador, en Estonie, au Kazakhstan, en Lettonie, aux Philippines, au Tadjikistan, en Ukraine et au Venezuela.
En agronomie, on constate une progression régulière du nombre de diplômées depuis 2000. En Afrique subsaharienne, par exemple, le nombre de diplômées en agronomie a augmenté de façon constante. Elles représentent 40 % ou plus du total des diplômés dans huit pays : Afrique du Sud, Lesotho, Madagascar, Mozambique, Namibie, Sierra Leone, Swaziland et Zimbabwe.
Les motifs de cette augmentation sont incertains, mais elle pourrait s’expliquer par l’importance croissante de la sécurité alimentaire au niveau national et de l’industrie alimentaire. La forte représentation des femmes dans les biotechnologies est une autre explication possible. Par exemple, en Afrique du Sud, les femmes étaient sous-représentées dans le domaine des sciences de l’ingénieur (16 %) en 2004 et des sciences naturelles (16 %) en 2006, mais constituaient 52 % des salariés des entreprises du secteur des biotechnologies.
Sous-représentation constante des femmes dans les sciences de l’ingénieur
Les femmes sont sous-représentées de façon constante dans les sciences de l’ingénieur. En Israël, par exemple, où elles forment 28 % du corps professoral de haut niveau, leur présence reste marginale dans les sciences de l’ingénieur (14 %), la physique (11 %), ainsi que les mathématiques et l’informatique (10 %), par rapport à l’éducation (52 %) et aux professions paramédicales (63 %).
Au Japon et en République de Corée, les femmes ne représentent que 5% et 10% des ingénieurs, respectivement. Ce sont ces deux pays qui comptent les écarts de rémunération entre chercheurs et chercheuses les plus importantes parmi les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, à savoir un écart de 29% au Japon et de 39% en République de Corée.
En Amérique du Nord et dans une grande part de l’Europe, peu de femmes sont diplômées en génie, physique, mathématique et informatique. Ainsi, la proportion d’ingénieures n’est que de 19 % au Canada, en Allemagne et aux États-Unis et de 22 % en Finlande, par exemple, mais il existe quelques heureuses exceptions : à Chypre, 50 % des diplômés en sciences de l’ingénieur sont des femmes, au Danemark 38 % et en Fédération de Russie 36%.
Dans de nombreux cas, les sciences de l’ingénieur ont perdu du terrain par rapport à d’autres disciplines, y compris l’agronomie. Le cas de la Nouvelle-Zélande est assez exemplaire à cet égard. En effet, entre 2000 et 2012, les femmes sont passées d’une représentation de 39 % des diplômés en agronomie à 70 %, ont continué à dominer dans le domaine de la santé (80–78 %), mais ont cédé du terrain dans la science (43–39 %) et l’ingénierie (33–27 %).
La proportion d’ingénieures devient conséquente dans certains pays en développement
Il existe pourtant des exceptions. Dans un certain nombre de pays en développement, la part des diplômées en ingénierie est conséquente. Au moins trois ingénieurs sur dix sont des femmes, par exemple, au Costa Rica, au Viet Nam et aux États arabes unis (31 %), en Algérie (32%), au Mozambique (34%), en Tunisie (41%), au Brunéi Darussalam (42 %) et au Guatemala (44%). La Malaisie et Oman, quant à eux, enregistrent des taux étonnants de 50% et 53%, respectivement. Sur les treize pays d’Afrique subsaharienne qui ont communiqué des données, sept ont relevé une augmentation sensible (supérieure à 5 %) des femmes ingénieures depuis 2000 : le Bénin, le Burundi, l’Érythrée, l’Éthiopie, Madagascar, le Mozambique et la Namibie.
Sur les sept pays arabes qui ont communiqué des données, quatre relèvent un pourcentage stable voire une augmentation. Pourquoi une proportion si forte de femmes ingénieures dans le monde arabe ? Le cas des Émirats arabes unis nous offre un élément de réponse. Le gouvernement a fait du développement d'une économie du savoir une priorité, après avoir pris conscience du besoin de disposer de solides ressources humaines en science, technologie et ingénierie. Alors que seul 1 % de la main-d’œuvre est de nationalité émirienne, il s’inquiète également du faible pourcentage de citoyens émiriens travaillant dans les secteurs clés. Il a donc instauré des politiques pour promouvoir la formation et l’emploi des citoyens émiriens ainsi qu’une plus large participation des Émiriennes à la vie active. Les étudiantes émiriennes en ingénierie déclarent être attirées par une carrière dans cette branche pour des raisons liées à l’indépendance financière, au fort statut social dont jouissent ces professions, à la possibilité de participer à des projets créatifs et ambitieux et aux nombreuses perspectives de carrière.
Une fois diplômées, les femmes arabes scientifiques et ingénieures risquent de se heurter à des difficultés pour trouver un emploi rémunérateur, avance le Rapport. Ceci est dû au « décalage entre les programmes universitaires et les exigences du marché du travail (un phénomène qui touche également les hommes), à la méconnaissance des implications d’une carrière dans la spécialité choisie, aux préjugés familiaux sur le fait de travailler dans un environnement mixte, ainsi qu’à un manque d’exemples et de modèles féminins ».
Moins de femmes dans l’informatique
L’analyse du secteur de l’informatique montre une diminution régulière du nombre de diplômées depuis 2000, en particulier dans les pays à revenu élevé. Entre 2000 et 2012, la proportion de diplômées en informatique a diminué en Australie, aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et en République de Corée.
La situation est particulièrement inquiétante en Amérique latine et aux Caraïbes : dans tous les pays pour lesquels des données sont disponibles, la proportion de diplômées en informatique a chuté de 2 à 13 points de pourcentage depuis 2000.
Cette observation devrait être un signal d’alarme : la participation des femmes diminue dans un secteur en plein essor à l’échelle mondiale, qui occupe une place de plus en plus importante dans les économies nationales et qui intervient dans tous les aspects de notre vie quotidienne. Pourrait-il s’agir d’un symptôme du phénomène selon lequel « les femmes sont les premières embauchées et les premières licenciées » ?
En d’autres termes, sont-elles poussées dehors lorsque les entreprises acquièrent un certain prestige et augmentent la rémunération de leur personnel, ou quand elles rencontrent des difficultés financières ?
Il existe cependant des exceptions. En Europe, le pourcentage de diplômées est passé de 15 % à 24 % au Danemark entre 2000 et 2012, et de 10 % à 17 % en Allemagne, mais ces taux restent néanmoins très faibles. En Turquie, la proportion de diplômées en informatique, d’un score déjà relativement haut de 29 %, a grimpé à 33 %.
En Malaisie, le secteur des technologies de l’information est composé à parts égales d’hommes et de femmes, et un grand nombre d’entre elles travaillent comme professeur d’université et dans le secteur privé. Deux tendances historiques expliquent ce phénomène : la prédominance des femmes dans l’industrie électronique malaise, précurseur de l’industrie des technologies de l’information ; et les efforts nationaux visant à créer une culture « panmalaise » dépassant les clivages entre les trois groupes ethniques du pays (Indiens, Chinois et Malais). Le gouvernement fournit une aide en matière d’éducation à ces trois groupes, sur la base de quotas ; étant donné que peu de Malais sont intéressés par le secteur des technologies de l’information, cela laisse une plus grande place aux femmes. De plus, les familles soutiennent généralement l’entrée de leurs filles dans ce secteur prestigieux et très rémunérateur, qui offre des perspectives d’ascension sociale.
En Inde, l’augmentation considérable du nombre de diplômées du premier cycle universitaire en sciences de l’ingénieur pourrait indiquer un changement d’attitude à l’égard de cette spécialité dans ce pays, habituellement perçue comme un secteur « masculin ». C’est aussi le signe d’un intérêt de la part des parents, puisque leurs filles sont assurées de trouver du travail dans ce secteur en plein essor et de faire un bon mariage. En outre, cette hausse peut s’expliquer par deux autres facteurs : tout d’abord l’image « favorable » dont jouit l’ingénierie, et ensuite la facilité de suivre des études dans ce secteur grâce à l’augmentation du nombre d’écoles d’ingénieur destinées aux femmes au cours des vingt dernières années.
Communiqué de l'UNESCO
Extrait sonore Radio ONU : Mise en perspective : Cristina Silveiro
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[ODD2030-05], [ODD2030-17]
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