Une étude internationale novatrice a rassemblé et modélisé toutes les données disponibles sur les écosystèmes marins de Méditerranée. Elle fournit un état des lieux inédit et désigne des pistes pour expliquer le déclin de la plupart des espèces.
Paradoxe de la recherche s’il en est, les écosystèmes marins de Méditerranée sont très observés mais leur état n’est pas si bien connu. Un récent travail scientifique d’ampleur, impliquant des partenaires français, italiens, espagnols et canadiens, vient changer la donne. Il apporte une vision d’ensemble inédite, permettant de mieux connaitre l’évolution des populations marines et les causes de leur apparent déclin. "La mer Méditerranée ne va pas très bien, explique la biologiste marine Marta Coll, cosignataire de cette étude, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature. C’est un concentré de problèmes notamment en termes de surexploitation, de changement climatique et de pollutions". Selon ces recherches, cela se traduit par une diminution substantielle de l’abondance des espèces de poissons commerciaux et non commerciaux, atteignant 34 % en une cinquantaine d’années. L’hécatombe est plus sévère encore s’agissant des prédateurs supérieurs, dont le nombre recule de 40 % sur la même période.. Les mammifères marins ne sont guère mieux lotis, avec une perte de 41 % des effectifs. Et encore, ce recul de la faune pourrait être sous-estimé par le recours à la modélisation dans ces travaux…
Celle que les Romains appelaient Mare nostrum est un hot spot du réchauffement. Elle subit aussi une intense pression anthropique, à la mesure du développement effréné des sociétés méditerranéennes et de leurs besoins. Pour autant, les approches scientifiques demeuraient jusqu’à présent localisées aux abords des nombreux centres de recherches bordant les rives nord et sud. Pour sortir de cette échelle régionale, et appréhender le bassin et son fonctionnement dans leur intégralité, les chercheurs sont allés collecter les données scientifiques disponibles depuis 1950 dans toutes ces institutions, en ajoutant même celles de la mer Noire.
"La difficulté d’une telle entreprise, reconnait pour sa part le biologiste marin Philippe Cury, est d’avoir un réseau scientifique extrêmement structuré pour accéder aux données et pour obtenir les observations rétrospectives sur l’ensemble du bassin méditerranéen". Afin de compléter le déficit d’informations au début de la séquence temporelle – les données sont bien moins denses dans les années 1950-1960 que par la suite –, les scientifiques ont d’ailleurs développé un modèle numérique. Le résultat permet de comprendre les dynamiques à l’œuvre dans les 4 écosystèmes caractéristiques du bassin, l’ouest, l’Adriatique, la mer ionienne et la mer Egée et le Levantin. Il reflète bien l’état des lieux actuel, mais aussi les trajectoires des populations, groupe par groupe.
"L’étude montre également l’impact conjugué de la baisse de production primaire et de l’intensification de l’effort de pêche, sur le déclin de la faune marine", indique la jeune chercheuse. Le changement climatique, à l’origine de cette diminution de la biomasse planctonique, jouerait même un rôle supérieur à celui de la pêche.
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