Marie Galante, île de Guadeloupe, s’engage pour la transition écologique. Sobriété et autonomie énergétique, autonomie alimentaire avec une agriculture durable, nouvelles mobilités décarbonées, technologies propres (Cleantech), urbanisme écologique, déploiement du numérique, tourisme éco-responsable, sont au programme.
Deux femmes déterminées pilotent ce projet ambitieux et déclarent pourtant ne pas être des écologistes militantes, loin de là. C’est pourtant bien d’écologie dont il est question dans cette volonté de transformer une île dépendante des énergies fossiles et des importations, en île autonome en énergie et résolument tournées vers les enjeux de la « croissance verte ».
Il y a Maryse Etzol (à droite sur la photo ci-contre), présidente de la Communauté de Communes de Marie-Galante (CCMG) qui porte le projet et nous confie : « moi je ne suis pas du tout un chantre de l’écologie. Pas plus que ça. C’est Marie Galante qui le nécessite parce que c’est la seule carte qu’on a à jouer. Marie Galante c’est un tout petit territoire et il faut bien comprendre que moi je suis pas un khmer vert, mais ce territoire n’a que ça à proposer. L’attractivité du territoire ne se fera que par là. »
Et il y a Maryse Coppet, avocate inscrite au barreau de Bruxelles qui coordonne l’ensemble du projet pour la CCMG et qui est une spécialiste des politiques de l’énergie et de l’aménagement des territoires. Pour elle, ce projet – Marie-Galante île durable -, c’est : «…un laboratoire qui a vocation à être dupliqué sur toutes les îles françaises. Je veux un vrai modèle économique pour le territoire. S’il n’y a pas de modèle économique, les partenaires ne viendront pas dans ce projet de développement. Madame Etzol a beaucoup de courage. Une élue comme ça véhicule un engouement et les gens sont en train de prendre conscience que les choses vont changer parce que c’est le peuple qui s’engage. Les gens veulent un développement inclusif ».
Marie-Galante, île durable, de quoi s’agit-il exactement ?
En 2015, la communauté de communes de Marie Galante à répondu à l’appel à projet « démonstrateur industriel de la ville durable (DIVD)» proposé par les ministères d’Emmanuelle Causse et de Ségolène Royal. Suite à la publication en aout 2015 de la loi sur la transition énergétique et la croissance verte, les îles sont invitées à être autonomes avec des énergies renouvelables en 2030 avec un palier à 50 % en 2020. En 2015, le mix électrique du système insulaire guadeloupéen est dominé par les sources thermiques polluantes (fioul et charbon pour 82% de la production totale) et Marie-Galante est encore dépendante de ces sources d’énergies via un câble sous-marin relié à l’île de la Guadeloupe.
Maryse Etzol explique : « Pour être autonome, nous avons besoin de 8 MW. Aujourd’hui à Marie Galante, nous produisons déjà 4 MW avec l’éolien et le solaire. Notre objectif est d’être autonome pour 2020. Il faut rappeler que dans cette appel à Projet DIVD, il s’agit d’associer une collectivité publique avec des industriels dans le but de montrer sur un territoire l’excellence du savoir-faire français. Des fois on me reproche de vouloir faire rentrer les grands industriels à Marie Galante, mais c’est cet appel à projet qui exige ce partenariat public/privé.
Il faut bien noter que le premier volet, c’est l’autonomie énergétique et sur cet aspect du programme global de transition écologique de l’île, nous sommes en conflit avec la société Albioma qui veut sur un projet de centrale thermique adossée à l’usine sucrière de l’île, faire venir du bois d’Amérique. Nous, nous voulons une île propre car c’est la seule richesse sur laquelle nous pouvons compter ».
Sur le site du gouvernement, on peut lire ce qui suit : « Lancé par les ministères de l’Écologie et du Logement en octobre 2015, l’appel à projet « Démonstrateurs industriels pour la ville durable » (DIVD) est dédié à l’émergence de projets urbains fortement innovants qui ont vocation à devenir la vitrine de l’excellence française en matière de ville durable. Il s’inscrit dans le cadre de la transition écologique et énergétique pour la croissance verte. Cette démarche mobilise les acteurs publics et privés sur des projets urbains cohérents intégrant de façon systémique des innovations technologiques, sociales et/ou organisationnelles. Il s’agit de questionner les modèles traditionnels de conception, de construction et de gestion de la ville et des territoires pour améliorer la qualité des services rendus aux usagers ou répondre à des besoins non satisfaits dans différents domaines de la vie urbaine. »
Marie Galante, île de Guadeloupe, s’engage donc pour la transition écologique, en cohérence avec les grands objectifs de la France en matière de développement. Il y a la sobriété et l’autonomie énergétique mais l’ensemble du projet de Marie-Galante concerne ainsi l’éco-construction des infrastructures de transport, l’économie circulaire et la gestion des déchets, la transition agricole, le renforcement des récifs coralliens, la modernisation de l’offre d’hébergement, le développement de l’éco-tourisme,… le projet est ambitieux et revisite l’ensemble des activités de l’île.
Pour Maryse Coppet, ce projet DIVD Marie-Galante, c’est aussi la possibilité pour les entreprises françaises de travailler dans des zones tropicales pour conquérir les marchés d’Amérique du sud, de Cuba, de Saint domingue… Cela représente un potentiel énorme pour la France : « Aujourd’hui, je ne veux plus nous voir en terme de handicap, je veux nous voir en terme d’opportunités « . L’avocate ne compte ni son temps, ni son énergie pour promouvoir le dossier auprès de l’Europe afin de mobiliser des fonds européens disponibles au financement du développement durable de l’île. Elle indique : « Marie Galante bénéficie dans les fonds structurels d’une ligne budgétaire particulière, avec une volonté de la commission qui me dît, si on a pas un territoire qui sort du lot, on ne peut plus justifier la mobilisation des fonds structurels parce qu’il n’y a aucun exemple probant de développement économique dans les départements antillais. Je me suis rendue compte du décalage abyssal entre nos politiques communautaires et la vision que l’on a de Bruxelles, avec la capacité de mise en œuvre dans les territoires. Cette capacité, elle n’existe pas dans les départements et même souvent au niveau régional français, car il y a une très mauvaise appropriation par la France des outils européens. L’outil communautaire est mal utilisé. Contrairement aux idées reçues, la commission est très intéressée par les projets de développement local et Madame Etzol a pu le constater. Bruxelles déplore que les élus ne se déplacent pas à la commission. Elle est pourtant intéressée par les élus locaux et par le développement des territoires. »
Dont acte ! Maryse Coppet se rendra en juin 2017 en Crête pour une réunion avec l’Europe sur l’autonomie des îles. Elle souligne l’intérêt de placer le développement de Marie-Galante dans une perspective européenne.
Pour réaliser ce projet de transition énergétique et écologique, une société est déjà créée avec au capital, la communauté de communes de Marie-Galante, Vinci construction, la CNR (Compagnie Nationale du Rhône) et le cabinet Maryse Coppet. A propos des entreprises engagées dans le projet, Maryse Coppet précise : « Au départ le chef de file de notre projet DIVD, c’est Vinci qui est ok pour accompagner le territoire de Marie-Galante. D’autre ont été contactés mais ne se sont pas engagés sur ce projet (Bouygues, Eiffage). Ancienne présidente du lobby de l’énergie et de l’aménagement du territoire, j’ai des contacts avec tous les grands industriels présents à Bruxelles. La participation de la CNR a été engagée sur le projet, du fait de sa vision systémique de l’aménagement du territoire en terme de fourniture d’énergie renouvelables et les déclinaisons telles que la mobilité par exemple. Par ailleurs, la CNR à un laboratoire R&D qui colle à ce besoin d’innovation qui est inclus dans le DIVD. L’objectif du DIVD, c’est d’accompagner le développement du territoire « .
Maryse Etzol, la présidente de la communauté de communes de Marie-Galante est résolument engagée à la réussite de ce projet : » Pour les Marie-Galantais(e)s, notre projet est une chance, une nouvelle espérance. On leur à proposé de croire en eux, en nous. Nous sommes capable de faire même si nous sommes tout petit. Je pense qu’ils ont confiance car nous n’avons rien à perdre et tout à gagner pour notre île. Il faut transformer l’essai. Jamais plus nous n’aurons cette synergie de moyens pour que Marie-galante devienne la première île française à réussir cette transition écologique « .
Il faut toutefois noter que ce projet Marie-Galante île durable, est soumis à la pression d’un autre projet plus ancien, celui de la centrale thermique porté par l’entreprise Albioma et qui consiste à rendre l’île dépendante énergétiquement de granulés de bois importés d’Amérique pour produire de l’électricité à destination de l’usine sucrière de l’île avec une revente de la production électrique au réseau EDF. Cette centrale est adoubée par la ministre des outre mer Ericka Bareigts qui déclarait le 14 février 2017 au sénat : « la mise en œuvre de la centrale thermique n’obère en rien le développement d’initiatives Marie Galante île durable portée par la communauté de communes et je suis convaincue que les deux projets ne sont pas concurrents mais compatibles puisque le projet de la centrale thermique d’Albioma peut s’intégrer dans le projet plus global de la CNR comprenant aussi des installations éoliennes et photovoltaïques ». Manifestement, la ministre ne semble pas comprendre le sens du concept autonomie énergétique et celui de transition écologique car, importer un combustible (des granulés de bois) pour produire de l’énergie, cela ne peut pas être compatible avec le projet du Démonstrateur industriel pour la ville durable validé par deux autres ministères, de l’écologie et du logement.
Maryse Etzol n’a pas l’intention de se voir imposer une centrale inappropriée aux enjeux de transition énergétique et écologique : « ce projet Albioma est antinomique avec notre projet d’autonomie énergétique puisqu’ils veulent nous faire dépendre de bois importé sur l’île. Je pense que la ministre des outre-Mer ne connaît pas notre dossier. Je crois comprendre qu’il n’y a pas de transversalité dans les ministères concernés. C’est quand même le ministère de Ségolène Royal qui nous a sélectionné. C’est bien le ministère de madame Royal qui a présenté notre projet à la COP22 à Marrakech. A l’échelle de Marie Galante, nous pouvons être un véritable laboratoire d’innovation à dupliquer dans les autres îles ». Maryse Coppet lui emboite le pas : « Si le projet Albioma se fait, le DIVD ne se fait pas car on ne pourra pas faire brûler du bois sur un territoire engagé sur zéro émission de co2, ce serait antinomique. J’ai une échéance pour 2017. Nous sommes en train de préparer les futurs programmes de cohésion car avec le Brexit, le budget communautaire va diminuer et le risque pour les départements d’outre mer c’est une suppression totale des financements européens avec zéro perspectives d’évolution. J’espère pouvoir faire beaucoup de chose pour ce département des Antilles « .
Nous allons suivre ce dossier et observer de quelle manière s’organise la mise en œuvre du projet Marie-Galante île durable qui est déjà dans les starting blocks.
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