Le CNRS, l'Ifremer, l'Inra et Irstea ont présenté, lors du colloque de restitution qui s'est déroulé mardi 19 septembre à Paris, le rapport de l'expertise scientifique collective (ESCo) sur l'eutrophisation, qu'ils ont menée à la demande du ministère de la Transition écologique et solidaire et de celui de l'Agriculture et de l'Alimentation, avec le soutien financier de l'Agence française pour la biodiversité.
L'eutrophisation génère des perturbations majeures pour les écosystèmes aquatiques et a des impacts sur les biens et les services associés, sur la santé humaine et sur les activités économiques. Ses manifestations les plus connues sont les efflorescences de cyanobactéries toxiques dans les lacs et cours d'eau et les proliférations de macroalgues vertes dans les zones côtières. Ces proliférations représentent de fortes biomasses dont la décomposition par des bactéries induit un appauvrissement ou un épuisement en oxygène du milieu, voire l'émission de gaz toxiques. Les débats sur l'identification des facteurs et des niveaux de risque d'eutrophisation ont conduit à la réalisation d'une expertise scientifique collective. Elle vise à fournir aux pouvoirs publics un état des connaissances scientifiques sur lequel s'appuyer pour aider la décision politique. Effectué à la demande des ministères français de la Transition écologique et solidaire et de l'Agriculture et de l'Alimentation, ce travail a mobilisé une quarantaine de scientifiques français et étrangers, dans les domaines de l'écologie, de l'hydrologie, de la biogéochimie, des sciences biotechniques, des sciences sociales, du droit et de l'économie. Ils se sont appuyés sur un corpus bibliographique d'environ quatre mille références scientifiques.
Quelle est l'évolution de l'eutrophisation à l'échelle mondiale ?
L'augmentation de la croissance démographique mondiale et le développement des concentrations urbaines, l'industrialisation et la spécialisation de l'agriculture, l'extraction minière du phosphore et le procédé chimique de fabrication d'azote minéral ont entraîné une augmentation des flux et des concentrations en nutriments (azote et phosphore) dans l'environnement, et in fine dans les milieux aquatiques. Sur la base des modèles les plus récents déployés à l'échelle mondiale, les flux sortants à la mer ont quasiment doublé au cours du XXe siècle, aussi bien pour l'azote que pour le phosphore. Au niveau mondial, le nombre et l'emprise des zones très pauvres en oxygène en milieu marin ont triplé depuis les années 1960. Un recensement de 2010 les porte à près de 500, avec une emprise géographique de 245 000 km². On observe également une augmentation de la diversité, de la fréquence, de l'importance et de l'extension géographique des proliférations de microalgues toxiques ces dernières décennies. Bien qu'il soit encore difficile d'extrapoler les tendances observées d'une région à l'autre, le lien entre l'augmentation des flux de nutriments et celle de ces proliférations toxiques est souvent établi.
De ce travail pluridisciplinaire, il ressort notamment l'importance de considérer tout le continuum terre-mer (de l'amont à l'aval) pour caractériser et prédire les risques d'eutrophisation. Il convient aussi de prendre en compte le changement climatique. Observée dès le début du XXe siècle, l'eutrophisation est un phénomène dont on observe aujourd'hui une nouvelle vague et qui pourrait prendre de nouvelles formes à l'avenir. De plus en plus précis, les modèles mathématiques permettent de mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes, de prédire leurs évolutions sous contraintes, et ainsi d'accompagner le choix de stratégies de remédiation. L'importance d'une gestion intégrée, adaptative, prenant en compte l'azote et le phosphore est soulignée. Cet exercice livre des pistes d'investigation scientifiques futures, comme la mise en place d'un cadre d'analyse du risque d'eutrophisation et le développement d'approches systémiques et pluridisciplinaires.
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