Une nouvelle venue a fait son apparition dernièrement dans le paysage de la microfinance au Myanmar : la société Thitsar Ooyin. Fondée par le Gret, cette entreprise sociale de droit local a officiellement démarré ses activités début janvier. Rappel des différentes étapes qui ont mené à sa création…
Zone montagneuse située à l’ouest de la Birmanie, l’Etat du Chin est caractérisé par son isolement, des difficultés d’accès aux zones commerciales du pays, et un faible développement économique. La population Chin dépend majoritairement de l’agriculture et du petit élevage avec des opportunités économiques rares et peu diversifiées. Dans les années 1990, l’accès au capital était un enjeu important pour les familles vulnérables n’ayant pas de garantie matérielle leur permettant d’emprunter aux banques publiques et prêteurs privés. En 1995, le Gret a ainsi démarré, à l’initiative du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), un projet d’appui au développement d’activités économiques en permettant à ces familles d’accéder au microcrédit grâce au principe de caution solidaire
Un taux de remboursement de 100 %
Créée en 1998, l’institution de microfinance (IMF) Chin a progressivement développé son réseau de caisses villageoises en évoluant de 18 caisses de crédit et 1 500 emprunteurs en 1996 à 150 caisses et 10 000 emprunteurs en 2017. L’institution a progressivement étendu son offre de services financiers et propose désormais deux types de produits financiers : un prêt d’environ 150 à 200 dollars (122 à 163 euros) s’adressant aux familles membres de groupes de cinq personnes se garantissant mutuellement, et un prêt individuel d’environ 800 dollars (650 euros) appuyant le développement de petites entreprises.
En 2014, le Gret a étendu son offre de microfinance dans une autre région, située au centre du Myanmar : la Dry Zone. Cette région souffre d’un déficit pluviométrique important et de précipitations irrégulières alternant des périodes de sècheresse avec des périodes de très fortes pluies durant la mousson. Cela génère une dégradation forte de l’environnement et une raréfaction des ressources productives accroissant la vulnérabilité des populations rurales. Tout en se basant sur une méthodologie similaire à celle mise en place dans le Chin, le Gret a développé une gamme de produits financiers adaptés à ce nouvel environnement et destinés à financer le développement d’activités génératrices de revenu. Ces prêts, d’un montant compris entre 75 et 220 dollars (entre 61 et 179 euros), s’adressent à une population rurale exclusivement et financent leurs activités agricoles, d’élevage ainsi que des activités informelles d’artisanat et de commerce. Fin 2017, le projet de microfinance dans la Dry Zone proposait ses services à 10 000 emprunteurs pour un portefeuille de 1,4 million de dollars (1,1 million d’euros) et un taux de remboursement de 100 %.
Première reconnaissance officielle
Jusqu’au début des années 2010, le contexte politique sous la dictature birmane ne permettait pas la légalisation des institutions de microfinance faute de cadre légal approprié. Le Gret a ainsi assuré un portage institutionnel à l’IMF Chin au travers de ses activités d’ONG. Les changements politiques des années 2010 ont permis une évolution rapide du contexte légal avec la promulgation d’une loi microfinance en 2011, permettant de préciser et d’encadrer les conditions de développement de cette activité. Le Gret a été le premier à obtenir une licence officialisant ses activités de microfinance au Myanmar, pour l’IMF Chin mais également celle de la Dry Zone dès sa création. Cette reconnaissance légale a ainsi permis de renforcer ces institutions financièrement et opérationnellement grâce a l’accès à de nouveaux financements (Coopération britannique et Livelihoods and Food Security Trust Fund – LIFT). Cependant, le statut d’ONG du Gret ne lui permettait pas d’accéder à des financements autres que ceux des bailleurs, limitant ainsi l’extension des deux IMF dans un contexte où les subventions octroyés aux IMF se réduisaient considérablement.
Du statut d’ONG à celui de société…
Afin de pérenniser les services financiers mis en place et de permettre à un nombre accru de paysans d’en bénéficier, le Gret a ainsi engagé en 2016 un processus de création d’une société privée à but social qui permettrait d’adapter la gouvernance aux besoins spécifiques d’une structure de microfinance et donnerait accès à de nouvelles ressources financières. Financée par le LIFT de 2016 à 2019, la conversion des projets de microfinance d’un statut d’ONG à un statut de société recouvre différents aspects : l’arrivée d’actionnaires et la structuration d’une gouvernance adaptée (création d’un conseil d’administration et révision de l’organigramme), la conduite du processus d’enregistrement sous le statut de société privée, l’obtention d’une licence microfinance pour cette nouvelle structure, l’adaptation des systèmes de management et d’information au nouveau contexte institutionnel, l’augmentation du portefeuille par l’extension à de nouvelles zones d’intervention, le développement de nouveaux produits et, finalement, le renforcement des capacités des dirigeants de l’institution sur la gestion opérationnelle et financière de l’institution.
Dans un contexte légal birman en pleine évolution mais encore fortement marqué par la complexité des processus administratifs, l’enregistrement de la société privée, l’obtention de la licence microfinance et le transfert des actifs du Gret à la société birmane (nommée Thitsar Ooyin Company Limited) ont pris environ vingt mois avec un fort engagement des équipes nationales et internationales du Gret, l’appui d’un consultant spécialisé et de cabinets d’audit et d’avocats, tout cela en maintenant un dialogue et une coopération étroite avec les autorités birmanes, et notamment le département de régulation financière. Parallèlement aux processus légaux, des négociations se sont engagées avec des institutions financières pour assurer le financement sous forme de prêts de la stratégie d’extension de Thitsar Ooyin. Le lancement de la société Thitsar Ooyin a ainsi été annoncé le 1er janvier 2018, marquant l’accomplissement d’un engagement de plus de vingt ans du Gret au Myanmar dans le domaine de la microfinance.
En tant qu’actionnaire majoritaire jouant un rôle actif dans sa gouvernance, le Gret continuera à appuyer la nouvelle structure avec une attention particulière portée à la préservation de son objectif social. Le renforcement des systèmes de gestion et des compétences des employés de la société est également une priorité que le Gret appuie par la mise à disposition d’une assistance technique et la mise en œuvre d’un programme d’amélioration de compétences.
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