« La forêt n’est pas un objet de spéculation financière de court terme [1]». Le modèle de gestion durable des forêts en France est actuellement menacé, et de nombreuses organisations se mobilisent en signant un manifeste pour la convocation d’un grand débat public afin que les citoyens exercent enfin leur droit de regard et d’expression sur le sujet.
Depuis le 17 septembre les agents de l’ONF (Office National des Forêts) parcourent la France à pied. Des gardes-forestiers, soutenus par l’ensemble des personnels de l’ONF et d’autres corps de métiers (aménagistes, ouvriers forestiers, « sigistes », commerciaux..) ont entamé une longue marche pour dénoncer l’industrialisation croissante et la surexploitation des forêts françaises, ainsi que la restructuration et la privatisation « rampante » de l’ONF. En bref, leur action vise à dénoncer une tendance qui va à l’encontre d’une gestion forestière réellement durable, pourtant vitale à la biodiversité et à la préservation de notre patrimoine naturel. Cette initiative rassemblant 2 000 personnes a permis d’aller à la rencontre des populations, d’informer et de sensibiliser, mais aussi d'apprécier leur soutien dans cette lutte.
La situation actuelle peut-elle continuer ainsi ? D’un côté, la direction entend prélever en 2020 environ 1 million de mètres cubes de bois de plus qu’en 2014. D’un autre côté, en 30 ans à l’Office, 4 emplois sur 10 ont été supprimés, passant de 15 000 à 9 000 employés. Les agents se trouvent dans une grande détresse, dont la cinquantaine de suicides enregistrés depuis 20 ans et les nombreuses dépressions des agents démotivés par leur travail sont les symptômes les plus frappants.
Le 25 Octobre, les marcheurs mobilisés ont convergé à la forêt de Tronçais, berceau de la sylviculture. Au terme de cette marche ils ont fait connaitre un manifeste plaidant pour un retour à la raison dans lequel on peut lire : « La forêt n’est pas un objet de spéculation financière de court terme. C’est le rempart de nos enfants face à une crise écologique et climatique qui s’emballe. C’est l’eau potable, la biodiversité et la résilience, l’épuration de l’air, le stockage d’une partie du carbone en excès dans l’atmosphère et la possibilité d’en stocker dans le bois matériau. C’est aussi notre lieu de connexion avec la Nature. Renoncer à tous ces bienfaits serait pure folie ».
Les signataires de ce manifeste appellent à en finir « avec les incitations croissantes à transformer les forêts pour satisfaire des appétits industriels de court terme non soutenables. Comble du cynisme, ces orientations sont présentées depuis le Grenelle de l’environnement sous couvert d’écologie. »
Ils demandent enfin la convocation d’un grand débat public « que la forêt française mérite aujourd’hui plus que jamais depuis plus d’un siècle » sur la politique de gestion forestière : « La notion de bien commun impose par ailleurs que la société civile prenne part aux décisions forestières, et dispose d’un droit de regard sur la gestion des forêts publiques qu’elle reçoit en héritage et doit transmettre à ses enfants ».
[1] Extrait du manifeste de Tronçais: Pour la forêt française, notre bien commun ( 25 octobre 2018)
L'intégralité du manifeste est disponible ici
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