Les médias accorderaient une place de plus en plus grande à l’environnement, sans toutefois réussir à frapper suffisamment l’imaginaire québécois, pensent certains des experts rassemblés par GaïaPresse et l’Institut des sciences de l’Environnement à l’occasion d’une conférence qui s’est tenue le 28 janvier à l’Université du Québec à Montréal.
Le professeur du département de communication sociale et publique Bernard Motulsky, les journalistes Alexandre Shields et Étienne Leblanc, ainsi que l’avocate Claire R. Durocher ont échangé sur le traitement médiatique des questions environnementales, répondant aux questions de la journaliste Denise Proulx.
La difficulté de rendre la crise environnementale « concrète » a mobilisé une grande partie de la discussion.
« Le phénomène environnemental dont on parle le plus dans les médias, mais c’est aussi un phénomène pour lequel on a de la difficulté à ressentir un certain réalisme : c’est une réalité qui semble lointaine, face à laquelle il n’y pas vraiment d’ennemi. Quand on mobilise un pays contre le terrorisme, on connaît bien l’ennemi, les gens sont derrière ça, la dichotomie est très claire. […] L’ennemi dans le fond, c’est nous-même, on est responsable », a fait remarquer le journaliste de Radio-Canada, Étienne Leblanc. Ce dernier se penche sur les questions environnementales depuis plus de 10 ans.
Les autres conférenciers se sont accordés sur le fait que la complexité des phénomènes, des lois et des événements rend la crise environnementale difficile à communiquer et à vulgariser pour le public. Il semblerait donc nécessaire de mieux expliquer le phénomène, mais également de rendre l’adaptation aux changements climatique plus tangible.
Selon Bernard Motulsky, c’est le travail non seulement des journalistes, mais aussi des scientifiques et des militants de changer de discours pour mieux communiquer les prochaines étapes, ce qui permettrait de « sortir d’une lutte abstraite pour se concentrer sur des aspects plus tangibles et plus opérationnels ».
« On voudrait tous penser que les médias sont responsables et on voudrait qu’ils nous disent quoi faire, mais en pratique les médias vont véhiculer ce que les groupes de pression vont leur donner, estime l’expert en relation publique. On est soumis à ce que l’actualité va générer et pas nécessairement aux bonnes habitudes qu’on aimerait générer ».
L’expert observe par ailleurs que les climatosceptiques semblent avoir une plus grande force d’attraction des médias que les scientifiques, qui parfois « prennent pour acquis que parce qu’ils sont des scientifiques sérieux, on va les écouter ». En ce sens, il y aurait un travail d’arrimage à faire entre les travaux des journalistes et des scientifiques.
Par ailleurs, certains experts peuvent être réticents à l’idée de communiquer leurs résultats de recherches via les médias, en raison de l’espace et du temps limité alloué à l’explication de phénomènes complexe, indique le journaliste spécialisé en environnement au quotidien Le Devoir, Alexandre Shields.
Cette réalité se double d’une « avalanche de rapports scientifiques » et de nouvelles études, amenant les journalistes à faire un meilleur travail pour « départir ce qui est vraiment important, de voir ce qui est nouveau et ce qui l’est moins », indique le journaliste. Cette surcharge d’information est alimentée par les réseaux sociaux où les rapports et les nouvelles circulent.
Par ailleurs, l’avocate Claire R. Durocher observe qu’il est impossible de médiatiser tous les aspects de la lutte environnementale, tant sur le plan scientifique que de la mobilisation citoyenne. « La mobilisation, elle est vaste et elle est diffuse. Les enjeux environnementaux regroupent tellement d’aspects différents, donc de prendre en compte sous le même vocable « environnement » autant de problématiques, c’est un énorme défi pour les médias qui ont peu de journalistes spécialisés en environnement ».
En regard de cette réalité complexe, il y a lieu de croire que l’expertise du journaliste environnemental est plus que jamais nécessaire.