Un article de Nora T. Lamontagne
Dès que la température chute sous 10 degrés celsius, on remarque que les gens sont plus frileux à profiter de la ville. Et si on la réaménageait pour profiter de l’espace public, peu importe la saison?
C’est là la proposition du Laboratoire de l’hiver, qui vient de lancer un guide pour inspirer les décideurs publics en matière d’aménagement.
« L’enjeu de la baisse d’achalandage des espaces publics en hiver et les besoins souvent exprimés par nos partenaires nous ont amené à réfléchir à des stratégies de réappropriation de la ville », explique Stéphanie Chaumont, coordonatrice de projet chez Rue principale.
Le collectif du Laboratoire, formé de Vivre en ville, de Pépinières, Espaces collectifs et de Rue principale, souhaite ainsi encourager les municipalités nordiques à adopter des pratiques d’aménagement qui prennent en compte les caractéristiques de l’hiver, en réalisant des projets en recherche-action.
Cinq piliers sont essentiels pour remettre l’hiver au coeur du développement de la ville. Il faut apprendre à reconnaître ou à créer des microclimats, réinventer l’offre d’activités hivernales (sans se limiter aux sports), planifier les aménagements en fonction de l’hiver, pour ensuite les adapter aux autres saisons, favoriser la mobilité active, et enfin, mettre en valeur la beauté de la saison froide.
L’hiver montréalais
Mais de quel hiver parle-t-on exactement? Celui de Montréal est « froid (moyenne de -10 ºC en janvier), assez court (148 jours de gel), abondamment enneigé (210 centimètres), ponctué de redoux fréquents et relativement lumineux (46 jours de plus de 15 heures d’obscurité). » Et particulièrement… mouillé, quand on le compare à d’autres (une moyenne de 8 jours de pluie en janvier et en février). Ceci explique la sloche.
C’est également une saison difficile pour bien des populations marginalisées. On peut penser à certains immigrants en plein choc culturel (et climatique!), aux personnes âgées qui craignent de faire une chute sur la glace, aux personnes aux prises avec la dépression saisonnière, à tous ceux et celles qui ont des problèmes de mobilité, et la liste s’allonge.
Pour Marie-Hélène Armand, conseillère en aménagement à la Ville de Montréal, l’importance —et les avantages —d’adapter à l’hiver les infrastructures et les activités d’une ville telle que Montréal n’est plus à démontrer.
Profiter de toute la saison
Certains soutiendront que le Québec compte déjà de nombreux événements hivernaux comme le traditionnel Carnaval de Québec, le festif Igloofest ou la Fête des neiges, qui connaissent des succès de foule. Cependant, soutient Jérôme Glad, directeur général de La Pépinière, il ne faut pas se limiter à l’organisation d’événements, trop souvent victimes des aléas du climat, pour véritablement penser la ville en fonction de l’hiver.
Il suggère plutôt de créer des espaces publics qui continuent à vivre pendant la saison morte. Il devient ainsi possible de profiter des meilleurs jours de l’hiver de façon impromptue, en allant à la patinoire de quartier quand il fait plus froid ou en fréquentant la ruelle verte devenue blanche après une belle bordée.
La création de « pôles hivernaux » est la clef de voûte de ces aménagements. Jérôme Glad donne en exemple La petite Floride, une patinoire du Mile End qui avait été pensée de la sorte, et qui comptait un autobus scolaire transformé en café, invitant résidents et passants à prolonger leur promenade.
Aller voir ailleurs
Montréal n’est pas la seule métropole à connaître des défis reliés à l’hiver et à la neige, au contraire. Les auteurs de la publication Ville d’hiver citent en exemple le Bureau de l’hiver à Edmonton, qui a adopté sa stratégie “Pour l’amour de l’hiver” dès 2012.
On fait également mention d’Oslo, en Norvège, qui a su conjuguer « des objectifs de transport collectif, de conservation de milieu naturels, de limitation de l’étalement urbain et de consolidation d’un espace de grande valeur récréative sur quatre saisons » grâce au développement de la ceinture verte de Nordmarka.
L’hiver, au Canada mais ailleurs aussi, « a un impact sur notre culture et notre façon de s’approprier le territoire », rappelle Marie-Hélène Armand. Il s’agit maintenant d’assumer l’hivernité de Montréal, et de se réapproprier la ville, mais aussi l’hiver.
Photo : Mélanie Dusseault pour la Ville de Montréal
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