Par Jessica Oder pour GaïaPresse
Initialement créé au Royaume-Uni en octobre 2018, Extinction Rebellion (XR) International, mouvement de lutte non-violente et de désobéissance civile, est désormais présent dans près d’une quinzaine de pays à travers le monde. Au Québec depuis janvier 2019, la branche québécoise du mouvement semble s’implanter durablement et attirer de plus en plus de monde. La preuve ? Des listes d’attente longue comme le bras pour la formation en désobéissance civile, organisée chaque semaine, durant tout le mois de juin.
Que propose ce nouveau venu dans le monde de l’activisme climatique ? Qui sont ses militants et ses sympathisants ? Quels sont ses modes d’actions ? GaïaPresse a assisté à une réunion du collectif afin de collecter pour vous quelques éléments de réponses.
Derrière Extinction Rebellion Québec (XRQC), on retrouve avant tout une équipe composée de jeunes militants, majoritairement dans la vingtaine et la trentaine, passionnés et dotés d’une forte détermination. Chaque semaine, ils organisent des Ice-Breaker, autrement dit, des réunions d’informations, dans leur local situé rue Young, dans un espace de coworking branché, au cœur du quartier de Griffintown à Montréal.
L’objectif ? Faire connaître XRQC, son organisation, sa philosophie et aussi ses besoins à une assistance, constituée de personnes de tous âges, déjà sensibilisées à l’urgence climatique, voire à l’activisme pour certaines d’entre elles.
«On est en train de se suicider de manière collective»
Emballement du réchauffement climatique, risques de conflits et de crises humanitaires, montée des populismes à travers le monde, déni généralisé face à la plausibilité de l’extinction des humains et de la biodiversité, inaction des grandes puissances, etc. : la réunion d’informations, animée par des militants de la première heure, Louis et Noémie, doctorante et ancienne militante des Amis de la Terre à Québec, commence fort avec l’énumération des problèmes à l’origine de la lutte, sans doute pour impacter les esprits. Il s’agit de justifier l‘urgence à agir : ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le logo de XR International est un sablier.
Au-delà des données scientifiques, c’est aussi un éclairage social qui est donné sur la crise climatique, en faisant notamment des rapprochements entre l’injustice climatique et le colonialisme dont ont été victimes les peuples autochtones du Canada, avec son lot, entre autres, de déplacements de populations et de disparition d’habitats. La crise actuelle est considérée comme « le résultat d’une culture matérialiste et consumériste sans limites basée sur des déséquilibres de pouvoir », comme l’indiquent les militants de XRQC à GaïaPresse.
Ainsi, le constat que font les militants de XRQC, dont le discours est émaillé de phrases “choc” se veut foncièrement réaliste, complètement en phase avec un des principes de XR International à savoir la reconnaissance de la gravité et de l’urgence des crises écologiques actuelles et une communication honnête sur le sujet.
Le discours est donc clairement anxiogène, d’où la tenue, au cours de la réunion, d’une petite séance de… relaxation. En effet, beaucoup de stress, de chagrin et de colère peuvent être générés par toutes les nouvelles qui assaillent les populations, de manière quasi-quotidienne aujourd’hui, pour peu que l’on soit un minimum intéressé par le sujet. Cela a été notamment le cas de Calvin, la vingtaine bien entamée et animateur 2D, « J’étais dans le trip de la dépression. J’étais dans le processus d’internaliser la situation climatique quand un de mes amis m’a suggéré de rejoindre XR. […] Je ne sais pas encore quoi faire mais je dois faire quelque chose sinon je vais me sentir inutile. »
Les militants de XRQC invitent donc l’assistance à s’engager dans un processus de deuil. Un deuil pour accepter la crise qui s’en vient.
Hope dies, Action begins
Tel est l’un des slogans de XR International. Le but ? Donner du sens à sa vie en luttant en adoptant une éthique de caractère : « On a fait ce qu’on a pu ». En d’autres termes, on ne s’est pas résigné à l’inaction car on a tenté de changer les choses, à hauteur de nos capacités. Ce qui permet de ne pas culpabiliser ceux qui rouleraient encore en auto ou continueraient de manger de la viande, une position volontairement inclusive afin de rallier toutes les bonnes volontés. D’ailleurs, XRQC recrute des membres dans ses différents comités (tactiques, communication, mobilisation, etc.) et fait en sorte que « chacun fait ce qu’il aime, selon son temps et ses capacités ». Il laisse aussi la place à la création de groupes autonomes, dès lors qu’ils respectent les principes de XR International.
Selon XRQC, la situation nécessiterait de réelles mesures d’urgence à la hauteur du Plan Marshall mis en place pour reconstruire l’Europe de l’ouest à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Rien de moins, compte tenu des trois autres revendications du mouvement :
Ainsi, XR cherche surtout à faire réagir les autorités publiques et les grandes entreprises en luttant de manière non-violente et en prenant la population à témoin. C’est la raison pour laquelle le cœur de métier de XR, c’est avant tout la désobéissance civile et non pas l’accompagnement des gens dans la transition écologique, ce que d’autres associations font déjà très bien, au demeurant. Ce qui ressort de cette réunion d’informations, c’est que la stratégie de XRQC repose sur une communication tous azimuts pour attirer les gens désireux d’agir, sans pour autant les culpabiliser s’ils ne sont pas 100% écolos.
La désobéissance civile, tout un apprentissage
Lors de la présentation, l’assistance apprendra que le mouvement s’inscrit dans la tradition des luttes non-violentes menées par Martin Luther King et Gandhi, rappelant au passage qu’ « on aime la désobéissance civile dans le passé mais pas dans le présent ». Mais les actions directes que prône XRQC nécessitent une certaine connaissance des outils, tactiques et des risques et des implications juridiques associés. Pour initier le public à la désobéissance civile, XRQC organise donc des formations durant tout le mois de juin.
François Léger-Boyer, porte-parole de XRQC, ancien militant de Greenpeace, actuellement chargé de mission dans le Groupe de Recommandations et d’Actions pour un Meilleur Environnement (GRAME), est responsable de l’organisation de la formation et de son volet juridique:
« Ce qu’on veut, à la fin de la formation, ce n’est pas forcément que les gens sachent s’enchaîner ou fassent de la désobéissance civile. C’est qu’ils puissent prendre une décision, en pleine connaissance de cause. C’est le cas de personnes qui peuvent faire l’objet de profilage racial. Il faut avoir ça à l’esprit. »
« Les gens doivent prendre conscience du sacrifice que cela implique. Les gens veulent tous désobéir. C’est fou la liste de personnes qui veulent suivre notre formation est énorme. »
Ceci étant dit, la désobéissance civile aussi vient avec son lot d’inconvénients. Fanny, travailleuse autonome de 48 ans et fortement en colère contre « l’inaction des puissants », témoigne :
“J’ai adoré la formation. C’est sûr que ce n’est pas évident. Je lève mon chapeau aux activistes. Je ne pensais pas qu’il fallait aller aussi loin. […] Quand je suis partie, je me suis dit que ça allait être trop pour moi, et que je ne pourrai pas. Parfois [les militants]s’attachent et restent longtemps, alors il faut porter une couche. Là je me suis dit “Non je ne peux pas me pisser dessus, j’ai 48 ans.” (Rires) Mais ça c’était samedi passé. J’ai le sentiment qu’il faut mettre en cohérence ma pensée et mes actions. Aujourd’hui vendredi, je me dis « tu vas mettre ta crisse de couche » (Rires) ».
À ce jour, plusieurs actions “coup de poing” ont été menées, avec, selon XRQC, toujours plus d’échos dans l’opinion et sur les réseaux sociaux.
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